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Plans d’urgence en milieu industriel : l’articulation entre POI, PPI et PPRT
La prévention en milieu industriel passe par l’établissement des plans d’urgence, POI et PPI. Quels sont les enjeux et les obligations liés à ces plans, et comment s’articulent-ils avec le PPRT ? État des lieux au vu de la pratique et de l’évolution de l’environnement à la fois réglementaire et géographique des sites industriels.
POI, un plan au caractère spécifique
Dans les grandes lignes, le plan d’opération interne (POI) concerne les sites industriels dangereux. Les POI sont en effet destinés aux sites classés Seveso seuil haut. Il s’agit de sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs, impliquant de fait un haut niveau de prévention. Au 27 janvier 2020, la France comptait 1 312 sites Seveso dont 705 classés seuil haut selon les chiffres d’un inventaire de 2018 donnés par la préfecture de la Gironde.
Plus qu’une recommandation, le POI est un plan d’urgence réglementaire imposé par l’article R.512-29 du code de l’environnement à l’ensemble de ces installations. Comme cela est rappelé dans la 14e édition du Traité pratique de sécurité incendie, « le plan est établi par l’exploitant sous sa responsabilité, sur la base d’une étude de dangers, mais en étroite relation avec les pouvoirs publics ».
Sur la forme, le document final se veut concis afin qu’il puisse être simple à comprendre et pratique dans son application en cas de sinistre. Sur le fond, il s’agit pourtant d’une organisation structurée et opérationnelle. Il est obligatoire avant la mise en service d’une installation. Une mise à jour régulière est par ailleurs nécessaire. L’intervalle maximal entre deux tests opérationnels édictés par ce plan ne doit pas excéder 3 ans.
Ce délai peut être revu à la baisse dans certains cas de figure.
Plus d’exigences pour les POI suite au plan d’actions Lubrizol ?
Reste que cette organisation idéale n’est pas toujours sans faille. La finalité de ce plan est de pouvoir « contenir et maîtriser les incidents de façon à en minimiser les effets et à limiter les dommages causés à la santé publique, à l’environnement et aux biens » précise l’article L.515-41 du code de l’environnement.
Comme nous le confie Laurence Perrier, consultante expert audit et conseil à CNPP, le code de l’environnement indique les objectifs à atteindre par le POI. Le contenu du plan et les moyens mis en œuvre restent pour leur part « de la responsabilité de l’exploitant, eu égard à ses obligations de maîtrise des risques et des engagements pris en la matière dans son étude de dangers ».
Autrement dit, au-delà du caractère obligatoire, l’exploitant de l’installation a la charge de « proposer une organisation et des moyens adéquats » pour répondre à ses risques, poursuit Laurence Perrier.
Des projets de textes en cours au ministère de la Transition écologique, et visant à renforcer les dispositions réglementaires applicables aux établissements Seveso suite au plan d’actions Lubrizol, pourraient venir prochainement compléter les exigences en termes de contenu et d’objectifs des POI.
À noter que, mis à part les installations classées Seveso seuil haut, les POI peuvent également être applicables à d’autres installations classées, sans caractère automatique cette fois-ci puisqu’il s’agit uniquement de demande au cas par cas et fixée sous forme d’un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter ou d’un arrêté complémentaire.
Une relation entre exploitants et autorités
Pour les sites Seveso – au plan d’opération interne établi par l’exploitant – vient se greffer le plan particulier d’intervention (PPI), préparé par le préfet en concertation avec les services compétents tels que le Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) ou encore l’Inspection des installations classées.
En résumé, il s’agit pour les autorités de « mettre en sécurité la population en cas de sinistre industriel » et, plus globalement, de « limiter au maximum les conséquences que provoquerait un accident technologique à l’extérieur du site industriel », schématise Laurence Perrier. Le confinement figure par exemple parmi les mesures envisageables pour la mise en sécurité de la population.
L’accident survenu sur le site industriel AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001, marque le point de départ de la future « loi Risques » du 30 juillet 2003, qui débouchera sur la création des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).
En cas d’accident industriel, on retrouve ainsi une complémentarité des deux plans : le POI, établi par l’exploitant pour la gestion du sinistre sur site, et le PPI, établi par le préfet et ses services pour la gestion hors site.
À noter que le plan particulier d’intervention est une déclinaison du dispositif Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile), qui est le plan d’organisation des secours à l’échelle départementale ou régionale visant à faire face à une situation d’urgence par la mobilisation des secours (sapeurs-pompiers, Samu, forces de l’ordre…) pour assurer la protection des populations, des biens et de l’environnement.
Une gestion en amont avec le PPRT
Si l’alliance POI – PPI cherche à limiter l’impact d’un sinistre industriel sur l’environnement et la population, le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) se situe quant à lui en amont. « On est dans la planification et la gestion du territoire et pas du tout dans l’intervention en cas d’accident », confie notre interlocutrice.
Les PPRT sont issus de la loi « Risques » du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Cette loi a été élaborée suite à « l’explosion de nitrate d’ammonium sur le site AZF à Toulouse (le 21 septembre 2001), entraînant la mort de 31 personnes, et faisant environ 2500 blessés et de lourds dégâts matériels » rappelle le ministère de la Transition écologique sur son site internet.
Ce plan de prévention repose sur quatre outils est-il indiqué: « la maîtrise du risque à la source par l’exploitant, la maîtrise de l’urbanisation (éloigner les populations du danger), l’organisation des moyens de secours et l’information du public ».
Afin de répondre idéalement à ces problématiques, les exploitants doivent définir « quatre zones autour du site à risque » précise la préfecture de l’Isère :
- 1re zone, « zone de dangers très graves pour la vie humaine » ;
- 2e zone, « zone de dangers graves pour la vie humaine » ;
- 3e zone, « zone de dangers significatifs pour la vie humaine » ;
- 4e zone, « zone de dangers indirects pour la vie humaine par explosion des vitres ».
Un entrecroisement entre zones industrielles et zones résidentielles
Ces dernières décennies, la maîtrise de l’urbanisation se veut d’ailleurs de plus en plus importante notamment en réponse à l’agrandissement des zones périurbaines, qui font désormais se rapprocher des zones d’habitation des sites industriels.
« Il y a plusieurs décennies, les sites industriels étaient éloignés des centres urbains. Mais l’agrandissement des aires d’urbanisation génère aujourd’hui une proximité des uns et des autres, imposant aux industriels des contraintes d’autant plus importantes pour limiter les effets liés au fonctionnement de leurs installations à l’extérieur de leur site », confirme la consultante CNPP.
Partant de ce constat d’entrecroisement entre zones industrielles et zones péri-urbaines, quel est l’apport attendu du PPRT dans ce contexte ? « Les PPRT permettent de prendre en compte les situations historiques et visent à ne pas accroître l’exposition des tiers. Ils définissent les règles d’utilisation du territoire en fonction des zones d’effets dangereux situées à l’extérieur des sites industriels concernés » renchérit-elle.
« Leur objectif est de résoudre les situations difficiles en matière d’urbanisme héritées du passé et mieux encadrer l’urbanisation future (…). Ils visent à améliorer la coexistence des sites industriels à hauts risques existants avec leurs riverains, en améliorant la protection de ces derniers, tout en pérennisant les premiers », complète par ailleurs le ministère de la Transition écologique.
Une antériorité qui peut conduire à l’expropriation
Ainsi depuis la mise en place des PPRT, pour tout projet de construction situé à proximité d’un site industriel concerné par ce type de plan, plusieurs interrogations doivent se poser… Notamment celle de savoir si cette potentielle zone commerciale, ce possible futur quartier résidentiel ou cet éventuel tronçon de voie rapide se situerait dans une zone d’effets dangereux importants.
Dans le quartier de Fondeyre, à Toulouse, les riverains et les collectivités demandent depuis plusieurs mois le déménagement de deux établissements classés Seveso seuil haut. Le PPRT émis par chacun de ces deux sites fait l’objet de recours devant la justice administrative.
Si tel est le cas, et qu’il est impossible ou trop compliqué de limiter l’exposition des tiers, cela signifie alors l’abandon du projet dans cette « zone à risque ». Quid cependant des constructions situées dans une zone d’effets dangereux mais antérieures à la loi de 2003 ? Et qui, par conséquent, existaient avant que les PPRT ne voient le jour… « S’il est impossible de limiter les risques, cela peut aller dans certains cas jusqu’à l’expropriation des tiers exposés », avertit Laurence Perrier.
Il s’agit cependant de la situation extrême. Avant d’en arriver là, l’examen et la mise en place de mesures visant à réduire les risques sont envisagés. « Ce travail, aujourd’hui terminé pour la quasi-totalité des sites, a conduit les industriels à devoir investir 200 à 300 millions d’euros par an dans de nouvelles mesures de réduction des risques durant les années qui ont suivi la parution des textes. Ces mesures ont permis de réduire les zones exposées à aléa de manière significative » rappelle le ministère sur son site.
En moins de deux décennies, ce sont ainsi « plus de 2 000 études de dangers qui ont été remises à jour et approfondies », selon cette même source.
L’importance des tests
Au regard du nombre d’accidents industriels majeurs survenus ces dernières années en France, la question reste de savoir si ces plans d’urgence s’avèrent suffisamment efficaces.
Au début du mois de juin 2020, la commission d’enquête du Sénat rendait son rapport d’enquête sur l’incendie de Lubrizol. Pointant une véritable absence de culture du risque, la commission formulait six recommandations pour une meilleure prise en compte du risque industriel (lire l’article « Lubrizol : le Sénat publie un rapport d’enquête sévère »).
Laurence Perrier ne se veut pas pour autant négative. Elle insiste notamment sur l’importance capitale que revêt la répétition des tests, plus que la seule élaboration d’un document.
« Les plans d’urgence ont vocation à être efficaces. Dans l’esprit, les plans sont très opérationnels. Ce ne sont pas seulement des documents, ils doivent retranscrire avant tout une réponse aux scénarios accidentels majeurs. Le mécanisme fonctionne. La difficulté pour l’entreprise est de se préparer efficacement pour une situation et une configuration qui ne surviendront peut-être jamais. L’enjeu est néanmoins d’être efficace.
Le personnel de l’entreprise doit savoir quoi faire en cas d’urgence, comment utiliser les outils proposés dans le POI… Cela passe forcément par une préparation, la formation des acteurs et des tests. Sur certains sites, il y a un test par mois. Sur d’autres il n’y en a jamais… Pour des risques comparables, la culture de la sécurité est différente selon les entreprises. »
Laurence Perrier, consultante expert audit et conseil à CNPP.
Pour rappel, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) recensait 76 accidents survenus sur des sites Seveso en France durant l’année 2019 (32 de moins qu’en 2018)… dont 3 majeurs. Soit son chiffre le plus bas depuis 2009 malgré l’événement Lubrizol.
Concernant les sites hors Seveso, le nombre d’accidents a atteint la barre des 370. Soit 40 de plus qu’en 2018… et 144 supplémentaires par rapport à 2010.
Eitel Mabouong – Journaliste
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