Le travail en espace confiné
Les interventions dans un espace confiné ne doivent rien à l’improvisation. Une démarche de prévention particulière doit être menée et appliquée de manière rigoureuse et selon les exigences de la réglementation pour éviter les risques.
Plus dangereux qu’un lieu de travail ordinaire, un espace confiné peut rapidement se transformer en piège pour le salarié qui s’y trouve. État des lieux des éléments à prendre en compte pour que ce travail s’effectue en sécurité et selon les exigences réglementaires.
Y a-t-il une définition réglementaire du travail en espace confiné ?
Les dispositions du code du travail consacrées aux travaux en espace confiné ne fournissent pas de définition réglementaire permettant de reconnaître une telle situation mais seulement des exemples de lieux qui en font office : puits, conduites de gaz, carneaux, conduits de fumée, cuves, réservoirs, citernes, fosses, galeries. On pourrait y ajouter les caves, les vides sanitaires, les silos, sans que cette liste ne soit exhaustive.
L’important pour l’employeur est d’être à même, avant de confier une tâche à un travailleur, de reconnaître si celle-ci implique sa présence, à tout moment de son intervention, dans un espace confiné.
Pour ce faire, il est possible de se reporter à la définition fournie par la recommandation CNAMTS R447 « Prévention des accidents lors des travaux en espaces confinés », selon laquelle ce terme désigne « un espace totalement ou partiellement fermé :
Les risques sont nombreux dans un espace confiné : risques liés à l’atmosphère, risques de noyade après une chute ou à cause d’une montée des eaux, risques d’ensevelissement, risques liés aux manutentions manuelles, aux chutes, à un incendie ou à une explosion…
- qui n’a pas été conçu et construit pour être occupé de façon permanente par des personnes, ni destiné à l’être, mais qui, à l’occasion, peut être occupé temporairement pour l’exécution d’un travail comme l’inspection, l’entretien ou la réparation ;
- et au sein duquel l’atmosphère peut présenter des risques pour la santé et la sécurité des personnes qui y pénètrent en raison :
– soit de la conception ou de l’emplacement de l’ouvrage,
– soit de l’insuffisance de ventilation naturelle,
– soit des matières, substances ou des fluides qu’il contient,
– soit des équipements qui y sont mis en œuvre,
– soit de la nature des travaux qui y sont exécutés. »
L’analyse permettant d’identifier une situation de travail confiné doit être menée quelle que soit l’organisation du travail prévue et que le travailleur soit un salarié de l’entreprise ou un sous-traitant.
Dans ce dernier cas, la présence de risques liés au travail en espace confiné devra conduire à les inscrire de manière spécifique dans le plan de prévention rédigé en application de l’article R.4512-6 du code du travail.
À noter que, dans le choix de ses salariés, l’employeur est limité par le fait que, sauf accord de dérogation spécifique, l’affectation de travailleurs de moins de dix-huit ans à des interventions en espaces confinés est interdite (article D.4153-34 du code du travail).
Quels risques les salariés doivent-ils affronter dans ce type de milieu ?
On pense tout de suite aux risques liés à l’atmosphère de l’espace confiné. Cette atmosphère peine à se renouveler en raison de l’insuffisance d’ouverture du lieu, qui limite ou supprime les échanges d’air avec l’extérieur. Dans ces conditions, toute activité peut se révéler dangereuse, en premier lieu parce qu’elle va consommer de l’oxygène dans un milieu qui, potentiellement, en est déjà appauvri du fait de l’accumulation d’autres gaz qu’il appartient à l’employeur d’identifier : gaz présent dans l’espace confiné du fait d’un phénomène de fermentation, gaz dû à l’activité elle-même (par exemple, le fonctionnement d’un engin thermique ou l’évaporation de liquides toxiques).
Le manque d’oxygène, pour lequel la zone de danger est atteinte dès que la teneur en oxygène de l’air est inférieure à 17 %, peut provoquer chez l’homme asphyxie (difficulté ou impossibilité de respirer), anoxie (absence d’apport ou d’utilisation d’oxygène au niveau d’une cellule, d’un tissu ou plus généralement de l’organisme) ou hypoxie (diminution de la quantité d’oxygène distribuée aux organes et aux tissus), la mort pouvant survenir très rapidement en l’absence d’intervention médicale.
Toutefois, réduire le travail en espace confiné à une simple problématique d’aération et d’assainissement des lieux serait une erreur.
Un manque d’oxygène, fréquent dans les espaces confinés, peut provoquer une asphyxie.
D’autres risques graves, causés par la configuration des lieux et/ou l’activité exercée, sont à prendre au sérieux : risque de noyade après une chute ou face à la montée des eaux dans un espace restreint (tel que réseau d’assainissement, réservoir ou puits), risque d’ensevelissement si un éboulement survenait à l’occasion de travaux souterrains, ou consécutivement à une chute dans un silo…
Enfin, il ne faut pas négliger les risques, plus classiques, qui peuvent tout à fait être présents en milieu confiné tels que ceux liés aux manutentions manuelles, aux chutes de hauteur ou de plain-pied, à un incendie ou à une explosion. En même temps que l’employeur réalise l’inventaire et l’évaluation des risques en présence, il doit prendre en compte le fait que ses travailleurs vont se trouver dans un lieu difficile d’accès qu’ils ne pourront peut-être pas évacuer seuls et où les secours auront du mal à intervenir. Il faut donc se préparer au pire et mettre en oeuvre un plan d’intervention des secours permettant un sauvetage d’urgence en cas d’accident.
Sur quelles bases se fonde l’organisation à mettre en place lors d’une intervention en espace confiné ?
Comme toute situation de travail, l’organisation mise en place ne peut découler que de la démarche de prévention menée par l’employeur, qui, en complément de l’évaluation des risques, doit se poser les bonnes questions : l’intervention est-elle indispensable et faisable ? Quelles mesures de prévention mettre en oeuvre dans la phase préparatoire et d’exécution ? Comment suivre et analyser l’intervention afin d’améliorer le dispositif ?
Cet examen de conscience suppose de mener une véritable analyse préalable qui passe obligatoirement par une reconnaissance des lieux, visant notamment à identifier la topographie de l’espace confiné, les procédés en cause et de connaître les substances dangereuses que l’on peut y trouver et les réactions chimiques ou biologiques qu’elles peuvent induire.
Les conclusions de cette démarche doivent permettre d’informer les intervenants. Pour que les travaux s’effectuent dans de bonnes conditions, il faut a minima :
- rédiger des procédures d’intervention en espaces confinés détaillant l’organisation du travail, les consignes à respecter et les moyens et équipements de sécurité à utiliser conformément à la réglementation et aux bonnes pratiques ;
- fournir au personnel : une formation spécifique, par exemple le Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés (Catec) dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement ; l’autorisation de travailler en espace confiné qui formalise son aptitude professionnelle et médicale ; des instructions et des moyens de protection adaptés, correctement entretenus et vérifiés (masques auto-sauveteurs, appareils respiratoires isolants, protections contre les chutes de hauteur…) ;
- préparer un plan d’intervention des secours, le communiquer aux intervenants et mettre à leur disposition les numéros d’urgence et les moyens de communication en cas d’incident ;
- désigner un responsable qualifié et formé : l’encadrement jouant un rôle déterminant dans la maîtrise des risques, les opérations doivent toujours être supervisées et dirigées sur place par un sachant, même en cas de sous-traitance de l’intervention ;
- désigner un surveillant compétent pour intervenir en cas d’accident et le mettre à disposition pendant toute la durée de l’intervention dans une zone sécurisée située en dehors de l’espace confiné.
Y a-t-il des procédures spécifiques à prévoir le jour J ?
Le code du travail (articles R.4222-23 et R.4222-24) subordonne la réalisation de travaux en espaces confinés à la vérification de l’absence de risque pour la santé et la sécurité des travailleurs et, le cas échéant, à l’assainissement de l’atmosphère et la vidange du contenu. Il précise que, pendant l’exécution des travaux, la ventilation est réalisée de manière à maintenir la salubrité de l’atmosphère et à en assurer un balayage permanent.
En application de la recommandation R447, on effectuera sur place les actions suivantes avant toute pénétration dans l’espace confiné :
- consignation des énergies et des fluides si l’accès en est possible de l’extérieur ;
- création d’une aération naturelle de l’ouvrage par ouverture des accès ;
- si nécessaire (puits et fosses), nettoyage de l’ouvrage depuis l’extérieur ;
- ventilation mécanique de l’ouvrage pendant au moins 20 minutes par soufflage en partie basse, sauf cas exceptionnel justifié par l’évaluation des risques, de façon à assurer une vitesse minimale de balayage de l’espace de 0,3 m/s avec un courant d’air neuf et non pollué ;
- réalisation des mesures d’air nécessaires pour couvrir progressivement tout le volume de l’ouvrage, après introduction du détecteur de gaz dans l’enceinte à partir de l’extérieur ; en cas de mise en alarme du détecteur, ventiler pendant au moins 20 minutes supplémentaires avant de refaire un contrôle. Si l’alarme se déclenche à nouveau, consigner l’accès, se mettre en sécurité, interdire l’accès à la zone et en référer à la hiérarchie ;
- mise en place de moyens de sécurisation d’accès adaptés et fourniture aux intervenants d’un contrôleur d’atmosphère portatif en fonctionnement ainsi que d’un masque auto-sauveteur pour toute la durée des opérations ;
- établissement d’un permis de pénétrer, informant les intervenants des dangers inhérents aux installations, aux matières et à la configuration des lieux.
Pendant l’intervention, la ventilation mécanique de l’ouvrage par débit d’air neuf d’une vitesse minimale de 0,3 m/s doit être permanente, en introduisant le flux d’air au plus près de la zone respiratoire de l’intervenant.
Si l’accès présente un risque de chute libre de plus d’un mètre et lors de travaux susceptibles d’exposer à des gaz délétères, chaque intervenant doit être relié lors de la descente ou de la remontée à un dispositif de protection contre la chute (article R.4412-22 du code du travail).
Les mesures de consignation qui n’ont pu être faites à l’extérieur sont mises en oeuvre avant tous travaux. Il convient également de s’assurer du maintien, en permanence, de la liaison (visuelle, phonique, physique…) entre l’équipe d’intervention à l’intérieur et le surveillant à l’extérieur de l’espace confiné. Ce dernier doit veiller au bon fonctionnement de la ventilation et donner l’ordre d’évacuation en cas de défaillance.
Morgane Darmon
Consultante experte au service Assistance réglementaire de CNPP Conseil & Formation
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