Ravalement de façade pour la réglementation incendie
Deux arrêtés, entrés en vigueur au 1er janvier 2020, sont venus renforcer la réglementation incendie des immeubles d’habitation au niveau des façades. L’un concerne la rénovation des IMH, une nouvelle catégorie de bâtiment de 28 à 50 mètres de hauteur créée par la loi Elan de 2018. L’autre s’intéresse à la construction neuve, notamment pour les bâtiments de dimension analogue de la 4e famille.
En France, après l’incendie de la tour Grenfell, les optimistes se rassurent en évoquant la rigueur de la réglementation française, très prescriptive. Et la hauteur de l’édifice britannique : 67 mètres. Une dimension qui aurait suffi à classer la tour Grenfell dans la catégorie des IGH (immeubles de grande hauteur) en France, dont la réglementation incendie est l’une des plus draconiennes du secteur du bâtiment.
En effet, sur un IGH d’habitation (plus de 50 mètres de haut), notre réglementation interdit d’apposer en façade des composants combustibles. Pourtant, lorsque le CSTB remet son rapport sur la réglementation relative à la sécurité incendie en France au nouveau ministre, Jacques Mézard, quelques jours après le drame de Londres, le constat n’est pas des plus rassurants au vu du scénario infernal s’étant déroulé outre-Manche.
Des failles concernant les immeubles de 28 à 50 m
Comme le rappelle le CSTB en préambule de son rapport, l’objectif de sa mission est double : « Identifier les éventuelles faiblesses dans la réglementation française des bâtiments d’habitation et faire des préconisations d’évolution des textes réglementaires permettant d’y remédier ». Au terme de son analyse comparative des différentes réglementations (habitation, ERP, locaux de travail, IGH dont IGH d’habitation), ce sont principalement les immeubles d’habitation de 3e et 4e familles (compris entre 8 et 50 mètres de hauteur) qui présentent une vulnérabilité.
Dans l’existant, les travaux de rénovation de ces bâtiments ne sont encadrés par aucun texte. Ce sont pourtant ceux qui constituent la majorité du parc de logement collectif et qui sont les moins performants sur le plan thermique. D’autre part, dans la construction neuve, les niveaux d’exigences doivent être revus à la hausse. Hormis un classement de réaction au feu des parements et une valeur de C + D (lire ci-dessous) modulée en fonction de la masse combustible mobilisable en façade, les textes ne précisent pas la protection de l’intégralité du système constructif. Comme par exemple, le recoupement de la lame d’air ventilée sous le bardage pour éviter un effet cheminée en cas d’incendie, comme ce qu’il s’est passé sur la tour Grenfell.
Une réglementation peu lisible
Dans son rapport, le CSTB note aussi l’extrême segmentation de la réglementation incendie dans des règlements distincts établis selon la destination du bâtiment, alors qu’il existe dans la réalité des immeubles « mixtes ». On observe en effet un regain d’intérêt pour ce type d’occupation dans les grandes villes, notamment pour la réintroduction de zones commerciales en centre urbain. Il y a donc plusieurs règlements à appliquer lorsqu’un bâtiment comporte un centre commercial en rez-de-chaussée, des bureaux sur deux étages et enfin des logements d’habitation sur les derniers niveaux. Le CSTB mentionne également la différence entre un immeuble de bureau de 51 mètres de haut, classé IGH, et un bâtiment d’habitation de 49 mètres : malgré le peu d’écart de hauteur, il existe un écart d’exigences trop important pour les revêtements et composants de la façade.
L’idée est d’aligner la réglementation par le haut pour les immeubles d’habitation les plus élevés (la 4e famille, de 28 à 50 mètres de haut).
Enfin, l’existence d’une multiplicité de documents relevant du droit souple, tels que les guides, circulaires et notes des administrations, ne facilite pas leur appropriation par les acteurs concernés. D’autant qu’ils évoluent dans le temps, comme c’est le cas pour l’Instruction technique relative aux façades 249 (IT 249). L’IT 249 est un complément réglementaire introduit en 1982, qui décrit les dispositions constructives à observer dans les ERP et les IGH. Elle a été modifiée en 2010, notamment pour tenir compte de la notion de masse combustible mobilisable en façade suite à la généralisation de l’isolation thermique par l’extérieur. Elle est complétée par des guides de préconisation, selon les techniques principales d’isolation considérée : le guide ETICS-PSE (système d’isolation thermique extérieure par enduit sur polystyrène expansé), le guide Bois construction et propagation du feu par les façades, le guide Technique de l’isolation par l’intérieur.
IMH : harmonisation et simplification normative
Le projet de loi Elan visait notamment à répondre à la densification des milieux urbains et à favoriser la conversion d’immeubles de bureaux en logements. La loi n° 2018- 1021 du 23 novembre 2018 a ainsi créé une nouvelle catégorie de bâtiments : les IMH, immeubles de moyenne hauteur (entre 28 et 50 mètres). Ils remplacent notamment les immeubles de 4e famille en matière d’habitation et les IGH-W1 à usage de bureaux.
Prenant acte des préconisations du CSTB, l’objectif de la loi est d’unifier et d’harmoniser pour l’ensemble de ces bâtiments, quelle que soit leur destination (habitation, ERP, bureaux…), les règles de sécurité incendie en fonction de la hauteur de 28 mètres des échelles des pompiers et de combler la faille de sécurité qui existait au niveau de la propagation des incendies par les façades pour les habitations (3e et 4e familles). Le niveau d’exigence sera donc inférieur à celui des IGH mais plus strict que l’actuel règlement pour ce qui concerne les immeubles de 4e famille. Il sera en revanche assoupli, sur d’autres critères que les façades, pour les ERP et les immeubles de bureaux compris entre 28 et 50 mètres.
Matériaux incombustibles ou solutions performantes en façade
Un décret (n° 2019-461 du 16 mai) relatif aux travaux de modification des IMH (hors ravalement) et deux arrêtés (du 7 août) sont parus en 2019. Le premier précise les travaux de modification des IMH en spécifiant les solutions constructives acceptables pour les rénovations de façade. Le second modifie l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des immeubles d’habitation.
On retiendra de cette évolution réglementaire que pour les édifices les plus hauts, à savoir les IMH et les immeubles de la 4e famille, les nouvelles exigences de réaction au feu prescrivent deux solutions.
La solution 1 stipule que chaque élément constitutif du système de façade doit être classé A2-S3, d0 sans lame d’air. Autrement dit, un système composé de matériaux incombustibles. Si une lame d’air est présente,
le système de façade doit être équipé de dispositifs de recoupement (matériaux intumescents, bavettes ou bandes de recoupement), validés en laboratoire, pour neutraliser l’effet cheminée.
La solution 2 doit mettre en œuvre des matériaux incombustibles (A2-S3, d0), à l’exception d’un sous-système protégé par un écran thermique. Cet écran thermique doit avoir une performance de résistance au feu E130 et être validée par un laboratoire agréé au cours d’un essai Lepir 2 (lire ci-dessus).
À noter que dans le neuf, les immeubles de la 3e famille (de 8 à 28 mètres) bénéficient d’un degré de liberté supplémentaire. S’ils partagent en effet la même solution 1 que ceux de la 4e famille, la solution 2 autorise tous les systèmes de façade, si l’efficacité globale du système de façade face à la propagation du feu a été démontrée via une appréciation de laboratoire.
Entre renforcement et souplesse
Il est intéressant de relever que la solution 2 doit faire l’objet d’une appréciation de laboratoire. Dans l’annexe 3 de l’arrêté du 7 août 2019 (modifiant l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation), l’appréciation de laboratoire est « fondée sur l’une ou plusieurs des approches suivantes :
- analyse de résultats d’essais, notamment l’essai Lepir 2 ;
- exploitation des connaissances acquises lors des incendies ;
- utilisation des résultats de calculs ;
- procédure mixte faisant appel à des résultats expérimentaux et numériques ».
En fixant un objectif de résultat plus qu’un objectif de moyen, et en mentionnant le calcul, donc l’ingénierie de sécurité incendie, comme une approche approuvée, la réglementation évolue vers plus de souplesse. Cela rejoint la philosophie actuelle qui vise à privilégier les résultats à atteindre, autrement dit la non-propagation d’un incendie, plutôt que la satisfaction d’une norme immuable. Il n’aura échappé à personne que l’entrée en vigueur des deux arrêtés concernant la sécurité incendie des façades, au 1er janvier 2020, a précédé de peu la publication de l’ordonnance n° 2020-71 relative à la réécriture des règles de construction. Celle-là même instaurant le permis de faire et la notion d’effet équivalent.
Il y aura un « après Grenfell » écrivions-nous après la catastrophe. Il aura tout de même fallu attendre 30 mois pour que disparaissent les failles de la réglementation française sur les façades. En Grande-Bretagne, la méthode a été plus expéditive : les autorités britanniques ont interdit les matériaux incombustibles en façade sur tout immeuble de plus de 18 mètres de hauteur.
Article extrait du n° 561 de Face au Risque : « Après-Grenfell : plein feu sur les façades » (avril 2020).
Bernard Jaguenaud – Rédacteur en chef
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