Covid-19, comment la France est passée de la « grippe » au confinement ? (Mis à jour)

1 avril 202015 min

La France est passée au confinement total le mardi 17 mars 2020 à midi. Il y a encore un mois, l’idée généralisée dans l’inconscient collectif de la population française était pourtant que le coronavirus, ou Covid-19, n’avait rien de plus dangereux qu’une grosse grippe.
Retour sur 4 mois qui ont fait passer la priorité des Français d’un mouvement national de grève au stade de confinement quasi intégral.

Ceci est une légende Alt

Mis à jour le mardi 14 avril 2020.


Décembre 2019

6 décembre 2019 : la Sécurité Sociale lance sa traditionnelle campagne annuelle de « sensibilisation contre les virus de l’hiver ». Si le coronavirus n’a pas encore frappé Wuhan, les fameux « gestes barrières » sont pourtant évoqués pour la première fois à deux semaines du début officiel de l’hiver. Il s’agit essentiellement de lutter contre une propagation de « rhinopharyngite, bronchite, bronchiolite du nourrisson, gastro-entérite et grippe » sur le territoire.

31 décembre 2019 : le bureau de pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Chine prend connaissance de cas de pneumonie d’étiologie inconnue (cause inconnue) détectés dans la ville de Wuhan, située dans la province chinoise de Hubei.


Janvier 2020

10 janvier 2020 : à travers une note publiée sur son site internet, l’OMS annonce que « le marché de gros de Wuhan où se vend des poissons et des animaux vivants (…) a été fermé au 1er janvier 2020 pour assainissement environnemental et désinfection ».

« Aucune mesure spécifique n’est recommandée pour les voyageurs (…) Sur la base des informations actuellement disponibles concernant cet événement, l’OMS déconseille toute restriction aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la Chine » est-il précisé dans le communiqué.

23 janvier 2020 : plusieurs villes chinoises, dont Wuhan sont placées en quarantaine. La veille, le 22 janvier, l’OMS déclare le risque épidémique « très élevé en Chine, élevé au niveau régional et modéré au niveau mondial ». Les festivités du Nouvel An chinois, programmé le 25 janvier, sont annulées.

À cette époque, il est seulement question « d’épidémie » et non de « pandémie » pour les spécialistes… L’Europe est davantage tournée sur l’officialisation du Brexit. Tandis que la 7e journée nationale de grève contre la réforme des retraites préoccupe le quotidien des Français.

31 janvier 2020 : Un contingent de 181 ressortissants français expatriés à Wuhan est de retour dans l’Hexagone. Ils sont mis en confinement pour une durée de 14 jours dans une villa des Bouches-du-Rhône. Les premiers d’entre eux quitteront les lieux le vendredi 14 février.

Entre temps, des entreprises françaises et étrangères disposant d’usines en Chine ferment leurs portes à l’instar de Hyundai ou Airbus. Les entreprises chinoises ferment les unes après les autres… provoquant une sérieuse menace sur la supply chain aux quatre coins de la planète.


Février 2020

23 février 2020 : Plusieurs villes italiennes situées en Lombardie et Vénétie (régions considérées comme des foyers de l’épidémie en Italie) sont placées en confinement. Quelques cas sont par ailleurs détectés dans le Piémont.

Pendant ce temps, en France, le coronavirus est comparé à la grippe en raison des premiers symptômes qui se veulent similaires… Cette comparaison est cependant mal interprétée sur les réseaux sociaux : les symptômes similaires deviennent ainsi « un danger similaire », pour un virus dont le nombre de morts dans le monde est bien inférieur au nombre de morts déplorés chaque année en France suite à une grippe… De quoi relativiser les craintes des Français, habitués à la fameuse vague annuelle d’état grippal qui touche le pays.

26 février 2020 : 3 000 supporters venus de Turin (ville située dans le Piémont) prennent place dans les tribunes du Groupama Stadium de Décines (Rhône) pour le 1/8e de finale aller de Ligue des Champions entre l’Olympique lyonnais et la Juventus.

La veille, Olivier Véran – ministre de la santé – justifiait cette décision par le fait « (qu’il) n’y a pas de malade à Turin. Il ne s’agit pas d’une ville à éviter en Italie ».

Ce mercredi 26 février 2020, la France déplore pourtant dans l’Oise sa première victime décédée en raison du Covid-19 : un enseignant d’une soixantaine d’années. Les élèves et professeurs de l’établissement scolaire où enseignait la victime, ainsi que leurs proches, sont placés en confinement pour 14 jours.

29 février 2020 : Le terme de « cluster », servant à désigner des foyers importants de l’épidémie de Covid-19, est employé pour la première fois en France. L’Oise et la Haute-Savoie sont les deux premiers départements concernés.

La France passe au « stade 2 » de l’épidémie de coronavirus. Après avoir cherché à « empêcher l’introduction du virus » en France lors du stade 1 (par exemple lors du rapatriement des Français depuis Wuhan), le Gouvernement cherche désormais à freiner sa propagation avec ce nouveau stade. Les rassemblements de plus de 5 000 personnes sont interdits en milieu confiné. En milieu ouvert, aucune limite n’est préconisée.

Des mesures plus strictes, comme des mises en quarantaines, sont instaurées dans les zones les plus touchées. Début mars, le Haut-Rhin rejoint la liste des clusters français. C’est au cours d’un rassemblement religieux dans le Haut-Rhin de plusieurs centaines de personnes en provenance de toute la France, entre le 17 et le 24 février 2020, que le virus aurait été transmis depuis cette zone vers les autres régions de l’Hexagone.

Les consignes (« se laver les mains très régulièrement ; « tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir », « saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades, « utiliser des mouchoirs à usage unique et les jeter ») sont répétées avec insistance dans les médias.

Léger bémol : la compréhension du message. Alors que les « gestes barrières » doivent servir à éviter au virus de circuler, le résultat final sur les réseaux sociaux est bien différent… Pour une majorité de Français connectés, et n’ayant aucun symptôme, ces consignes servent davantage de « simples » recommandations facultatives. La comparaison erronée entre le Covid-19 et la grippe se poursuit.


Mars 2020

8 mars 2020 : Olivier Véran annonce que « tous les rassemblements de plus de 1 000 personnes sont désormais interdits » à l’échelle nationale… aussi bien en milieu ouvert que confiné. Ce qui conduit à l’annulation de plusieurs événements (concerts, salons, événements sportifs…).

11 mars 2020 : malgré la récente interdiction, ayant conduit à un huis-clos pour le 1/8e de finale retour de Ligue des Champions entre le Paris Saint-Germain et le Borussia Dortmund, entre 3 000 et 4 000 supporters parisiens se réunissent sur le parvis du virage Auteuil. La préfecture de police de Paris avait, la veille, accordé une dérogation spéciale pour ce rassemblement.

C’est également ce mercredi 11 mars que toute l’Italie entre en confinement.

12 mars 2020 : À travers sa première prise de parole officielle à la télévision française à une heure de grande écoute, le président de la République Emmanuel Macron annonce « le renforcement du stade 2 ». Dans les faits, cela se concrétise par une limitation à 100 personnes lors de chaque rassemblement. Mais surtout par la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires sur le territoire national à compter du lundi 16 mars 2020.

Un 5e geste barrière fait son apparition : « éviter les rassemblements, limiter les déplacements et les contacts ». Le terme de « distanciation sociale » est par ailleurs prononcé. Le but est ainsi de respecter une distance de 1 mètre minimum entre les individus pour limiter la transmission du virus.

14 mars 2020 : le Premier ministre Édouard Philippe annonce la fermeture à minuit de tous les commerces n’ayant pas un « caractère indispensable à la vie de la nation ». Jusqu’à nouvel ordre, l’ensemble des bars, boîtes de nuit, théâtres, cinémas, entre autres, sont contraints de rester fermés.

16 mars 2020 : Nouvelle allocution d’Emmanuel Macron, qui officialise cette fois le passage au stade 3 de la France et clame une « guerre contre le Covid-19, un ennemi invisible ». À compter du lundi 16 mars 2020 à 18h, la France – et les pays membres de l’espace Schengen dans leur globalité – ferment officiellement leurs frontières.

Dès le mardi 17 mars 2020 à 12h, l’ensemble des Français sont invités à rester chez eux, sous peine d’une amende forfaitaire de 38 euros. Les rares autorisations accordées – via une attestation signée, cochée et datée – sont permises pour les déplacements :

  • « Entre le domicile et le lieu de d’exercice de l’activité professionnelle » (pour les personnes ne pouvant pas télétravailler) ;
  • « Servant à effectuer les achats de produits de premières nécessités dans les établissements autorisés » ;
  • « Pour motif de santé » ;
  • « Pour motifs familiaux, impérieux, assistance aux personnes vulnérables ou la garde d’enfants » ;
  • « À proximité du domicile, liés à la pratique d’une activité sportive individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique collective, et aux besoins des animaux de compagnie ».

17 mars 2020 : 100 000 forces de l’ordre sont mobilisées et déployées partout en France pour assurer le respect des consignes.

18 mars 2020 : passage du prix de l’amende de 38 à 135 euros (avec majoration à 375 euros) en cas d’absence d’attestation.

23 mars 2020 : 12 patients atteints du Covid-19 à Ajaccio sont évacués par la Marine vers Marseille à bord du porte-hélicoptères Tonnerre.

26 mars 2020 : Après la voie maritime, c’est par la voie ferroviaire – à bord d’un TVG spécialement réaménagé – qu’un premier contingent de 20 patients atteints du Covid-19 sont évacués de Strasbourg en direction de l’ouest de l’Hexagone.

Cette manœuvre sera répétée à plusieurs reprises dans les jours suivants depuis Strasbourg et la région parisienne afin de désengorger des hôpitaux surchargés et ne pouvant plus répondre à l’afflux massif de cas de patients atteints du Covid-19. Le Grand Est et la région parisienne font office de principaux foyers de concentration du virus sur le territoire français.

26 mars 2020 : Olivier Véran, ministre de la Santé, annonce l’autorisation de l’usage de la chloroquine pour les patients atteints du Covid-19 « sous forme grave ». Son utilisation reste cependant strictement encadrée par le biais d’un décret. Elle n’est prescriptible qu’à l’hôpital et uniquement si le médecin le juge nécessaire.

Cette annonce d’Olivier Véran est prononcée à la suite de plusieurs jours de polémique sur les plateaux de télévision liée à la chloroquine et de désinformation sur les réseaux sociaux. Initialement, c’est le professeur de médecine Didier Raoult qui avait défendu la nécessité d’un tel traitement pour lutter contre le Covid-19.

En pleine période de confinement, plusieurs centaines de Marseillais n’avaient d’ailleurs pas hésité à faire la queue devant l’IHU Méditerranée Infection – où exerce le professeur Raoult – afin de se faire dépister gratuitement, comme le montre la vidéo ci-dessous.



27 mars 2020 : Par le biais d’une allocution télévisée, le Premier ministre Édouard Philippe annonce la prolongation du confinement sur le territoire national pour 2 semaines supplémentaires. Il est ainsi question d’un confinement jusqu’au 15 avril 2020 a minima.

Le 24 mars, le Conseil scientifique avait pourtant conseillé à Emmanuel Macron une période de confinement minimale de 6 semaines à compter de la fameuse date du mardi 17 mars, début officiel du confinement.

29 mars 2020 : Une livraison de 5,5 millions de masques et 100 tonnes de matériel médical sont envoyés à Paris depuis la Chine.

30 mars 2020 : 10 millions de masques médicaux sont livrés de la Chine vers la France.
Au total, plus de 1 milliard de masques médicaux ont été commandés par l’État français à la Chine rappelle Ouest-France. Le temps de livraison total de cette commande se veut cependant assez long : il s’étale en effet sur une période 14 semaines… Soit plus de 3 mois.


Avril 2020

1er avril 2020 : Pays au monde disposant du plus grand nombre de malades touchés par le Covid-19, les États-Unis n’hésitent pas à racheter les commandes de masques passées par d’autres États sur le tarmac des aéroports chinois, juste avant leur expédition. Parfois pour des tarifs 3 à 4 fois supérieurs aux prix de vente initiaux. La loi de l’offre et de la demande en temps de guerre…

2 avril 2020 : Le Premier ministre Édouard Philippe évoque le futur « déconfinement » lors d’une allocution télévisée.

Inutile néanmoins de projeter des plans sur la comète en s’imaginant fêter cela dans un bar dès ce samedi 4 avril ! Il est en effet simplement question de présenter un des possibles plans de sortie de confinement, qui s’effectuerait par tranches d’âges, en commençant par la sortie des populations les plus résistantes au virus. Autrement dit les populations les plus jeunes.

Une sortie du confinement « région par région » est également potentiellement envisagée par certains spécialistes dans les médias. Elle reste cependant en retrait par rapport à la solution par « tranches d’âges ».

Pour ce qui est d’une date de sortie de confinement, aucune information n’est donnée par Édouard Philippe… Si ce n’est qu’elle n’aura pas lieu « demain matin » dixit le Premier ministre. L’idée d’une prolongation minimale de deux semaines supplémentaires, bien que n’ayant pas encore été annoncée par le Gouvernement, semble quasi inéluctable.

5 avril 2020 : Le port du masque devient obligatoire en Lombardie, région italienne la plus touchée par le virus Covid-19, pour toute sortie du domicile.
En France, le retour des beaux jours fait craindre le pire aux autorités. De nombreux Français profitent en effet de ce weekend ensoleillé pour briser les règles du confinement en passant de longues heures hors de leur domicile.

6 avril 2020 : Une nouvelle attestation de déplacement numérique pouvant être présentée sur smartphone est désormais disponible. Comme cela est le cas pour les e-billets de la SNCF par exemple, cette attestation génère un QR code que les forces de l’ordre peuvent scanner sans contact physique avec le porteur de l’attestation ni son smartphone.

6 avril 2020 : Touché par le Covid-19, le Premier ministre britannique Boris Johnson est admis en urgence à l’hôpital Saint-Thomas de Londres et placé en soins intensifs.

7 avril 2020 : Sur BFM TV, Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, confie que le confinement a de fortes chances de durer jusqu’à début mai. Aucune annonce officielle du Gouvernement en ce sens n’a pour le moment allongé un confinement au-delà du 15 avril.

7 avril 2020 : La préfecture de Police de Paris annonce par le biais d’un communiqué, qu’à partir du 8 avril 2020, « les sorties pour des activités sportives individuelles ne seront plus autorisées entre 10h et 19h sur l’ensemble du territoire de Paris ».

8 avril 2020 : La mégapole de Wuhan, lieu originel de l’épidémie de Covid-19, sort officiellement du confinement (voir vidéo ci-dessous). Débuté le 23 janvier 2020, celui-ci aura duré 76 jours.

À noter que le cours de la vie à Wuhan avait repris en amont de cette officialisation de fin de confinement. « Il y a déjà 6 lignes de métro qui sont ouvertes depuis la semaine dernière et 152 lignes de bus. Moi, je sors dans la rue depuis deux semaines, je sors faire mes courses dans les magasins alimentaires, moyennant la présentation d’un code de bonne santé », résumait notamment auprès de RFI un entrepreneur français qui a vécu le confinement sur place.

Pour rappel, les mesures actuellement instaurées en France ne sont en rien comparables avec celles mises en place durant 76 jours à Wuhan. Les habitants avaient en effet l’interdiction de quitter la ville, voyaient l’ensemble de leurs déplacements tracés par une application sur leur smartphone ou étaient également contraints – dès lors qu’ils quittaient leur domicile – de se soumettre à des contrôles de température via des checkpoints placés dans toute la ville et situés à intervalles réguliers. Certaines de ces mesures, comme les contrôles, restent d’ailleurs en place malgré cet effet d’annonce.
Depuis ce fameux 8 avril, la grande avancée réside dans le fait que les habitants de Wuhan sont désormais autorisés à quitter la ville.

8 avril 2020 : Dans la soirée du mercredi 8 avril, L’Élysée annonce à travers un communiqué que le confinement en France sera « prolongé » au-delà du 15 avril, date initiale de fin de la deuxième phase du confinement. Aucune précision n’a toutefois été apportée quant à la durée de cette nouvelle prolongation. Une allocution télévisée du Président Emmanuel Macron est par ailleurs attendue dans la soirée du lundi 13 avril.

12 avril 2020 : Le Premier Ministre britannique Boris Johnson quitte l’hôpital Saint-Thomas de Londres après un séjour d’une semaine.

13 avril 2020 : Par le biais d’une nouvelle allocution télévisée, Emmanuel Macron annonce un prolongement du confinement jusqu’au lundi 11 mai. Si ce délai ne venait pas à être de nouveau prolongé, la durée totale du confinement sur le territoire français aura été de 8 semaines… soit, à quelques semaines près, quasiment autant que celui instauré en Chine. À noter que phase de déconfinement à compter du 11 mai ne rimerait pas pour autant avec retour à la vie normale :

  • la réouverture des établissements scolaires devrait en effet s’effectuer de manière progressive ;
  • la réouverture des bars, restaurants, musées, salles de concerts ou cinémas n’est pas prévue dans l’immédiat ;
  • les événements en extérieur rassemblant plusieurs centaines ou milliers de personnes (festivals, événements sportifs…) ne sont pas envisagés avant la mi-juillet a minima ;
  • les frontières entre la France et les pays ne figurant pas dans l’Espace Schengen restent fermées « jusqu’à nouvel ordre » dixit Emmanuel Macron. Une fermeture jusqu’en septembre est évoquée par plusieurs médias, sans pour autant avoir été confirmée.
Eitel Mabouong, journaliste à FAR

Eitel Mabouong
Journaliste

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