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Incendie d’archives de Lausanne : comment se sont-ils relevés ?
Quatorze entreprises copropriétaires d’un immeuble de Lausanne ont été victimes, il y a 10 ans, d’un incendie hors-norme. Retour sur les années qui ont suivi le sinistre.
Le sinistre
Le jeudi 24 septembre 2009, à 15 h 49, les pompiers de Lausanne (Suisse) partent pour un incendie dans un bâtiment de deux étages. C’est au 2e sous-sol, dans un local à archives de 4 600 m² non compartimenté, que le feu a pris. 50 000 cartons, soit 850 tonnes d’archives appartenant à 120 clients, y sont stockés dans des armoires métalliques à translation électrique. Mais ces armoires sont très hautes et forment un véritable labyrinthe, si bien que les jets des lances des pompiers ne parviennent pas à atteindre le foyer. « Bientôt, les deux escaliers les plus proches deviennent inaccessibles en raison de la chaleur », écrivait René Dosne dans son article « Feu d’archives à Lausanne » qui relatait l’événement (Face au Risque n° 461, mars 2010). Le premier sous-sol, un parking comptant ce jour-là 45 véhicules, s’enfume à son tour. La température atteint 600 °C.
Ni les ventilateurs à grand débit apportés par les pompiers de Genève pour extraire les fumées et faire baisser la température, ni la mousse, rapidement détruite par la chaleur, n’ont d’effets sur le feu. Soudain, une dalle de 64 m² s’effondre entre les deux sous-sols.
Deux jours après le début de l’incendie, une ouverture dans le mur du 2e sous-sol permet de se rendre compte que les 4 600 m² d’archives sont toujours en feu. Une opération « piscine » est alors décidée. L’idée est de remplir ce niveau avec les eaux du lac Léman qui se trouve à 1 600 m. L’armée apporte son aide pour cette opération. Nouvel échec : il y a des fuites dans le sous-sol.
Ce n’est finalement que par l’extraction des armoires et des véhicules par des engins de manutention, et sous protection respiratoire, que l’on vient à bout de ce sinistre après 18 jours de lutte. 2 100 personnes sont intervenues sur cet incendie hors-norme.
L’origine du feu
Elle n’a jamais été clairement définie. L’expertise, établie le 29 mars 2011 par l’Institut de police scientifique, n’a pas pu la déterminer avec précision. Les experts ont écarté l’hypothèse d’une intervention humaine, fortuite ou délibérée. Selon eux, c’est l’échauffement d’un moteur permettant d’actionner les lourdes armoires métalliques de stockage qui est la cause la plus vraisemblable. Le bâtiment était, quant à lui, conforme à la réglementation au moment du sinistre.
Le feu, parti du 2e sous-sol dans une entreprise d’archivage, remonte par les canalisations et s’attaque au rez-de-chaussée de l’immeuble, avenue de Provence à Lausanne.
L’exil des occupants
Même si tous les locaux n’ont pas été directement impactés par le feu, les structures du bâtiment ont été touchées. Si bien que tous les occupants de l’immeuble ont dû déménager. Elles sont quatorze entreprises parmi lesquelles plusieurs sociétés commerciales, une école d’arts martiaux, une église évangélique, un centre de réinsertion professionnelle, des dépôts… L’un des copropriétaires, François Jobin, directeur de Jobin SA, entreprise commercialisant des logiciels de gestion, revient sur l’événement lors d’une réunion sur ce sujet organisée le 23 septembre 2019 à Lausanne par le Centre patronal, association professionnelle au service des entreprises.
« Ce 24 septembre 2009 après-midi, on a d’abord senti un peu de fumée, entendu les premières sirènes et très vite, la situation s’est dégradée : plus d’électricité, plus de téléphone, plus de mail… Vers 17 h, j’ai dit à mes collaborateurs de rentrer chez eux, “demain, ce sera réglé”. »
Avant de partir, François Jobin fait transférer sa ligne fixe sur son portable. Très tôt le lendemain matin, alors qu’il souhaite réintégrer ses locaux, impossible d’accéder à l’immeuble, tout le quartier est bouclé. Il prévient ses collaborateurs de rester chez eux. Vers 15 h, il parvient à trouver des bureaux libres dans la région de Lausanne puis, l’incendie n’étant toujours pas éteint, commence à acheter du mobilier et du matériel informatique pour parer au plus pressé. Les serveurs de l’entreprise sont récupérés par un pompier sous le contrôle des policiers qui s’assurent qu’il ne s’agit pas d’un vol de matériel. Le lundi, soit 3 jours après le début de l’incendie, l’entreprise est à peu près prête à redémarrer.
François Jobin est conscient que son entreprise peut fonctionner « avec une prise de courant, une connexion internet, un siège et un bureau », ce qui n’est pas forcément le cas de ses voisins. Pour lui, l’exil aura duré 3 ans et demi pendant lesquels l’entreprise aura déménagé quatre fois.
Menegalli SA, spécialisée dans la distribution de produits, d’accessoires et de machines pour l’entretien des bâtiments, est la première entreprise à réintégrer les locaux de l’avenue de Provence, en avril 2012, soit plus de deux ans et demi après le sinistre. Son directeur, Orlando Menegalli, était impatient car les assurances privées ne couvrent pas les pertes d’exploitation, ni les frais de loyers et de déménagement au-delà de douze mois. Il a dû avoir recours à l’hypothèque pour que les banques lui prêtent l’argent nécessaire, nous a-t-il confiés.
Quant à la société Secur’Archives de laquelle est parti l’incendie, gênée pour tous les ennuis causés mais non reconnue responsable, elle a réintégré les lieux à la fin de l’année 2012. « La très grande majorité des 120 clients que nous avions à Lausanne continue de nous faire confiance, déclarait son directeur général au quotidien suisse Le Temps en octobre 2012. Nous avons également profité de cette expérience pour revoir l’ensemble des concepts sécurité dans les autres bâtiments. » Cette entreprise a depuis été rachetée en mai 2016 par la multinationale américaine Iron Mountain.
Reconstruire le bâtiment
Les différents propriétaires de l’immeuble sinistré, réunis en copropriété appelée PPE (propriété par étages), décident rapidement de reconstruire le bâtiment, sa structure porteuse étant solide et son implantation au cœur de Lausanne idéale. Les acomptes versés par l’ECA, l’Établissement cantonal d’assurance (lire ci-dessous), leur permettaient de faire face à leurs obligations envers les maîtres d’œuvre.
Le permis de construire est déposé le 8 novembre 2010 en mairie de Lausanne. Après analyse de son contenu et identification des autorisations nécessaires par la Camac (Centrale des autorisations en matière de construction), celle-ci le fait parvenir à l’ECA dont relève ce projet au regard de la protection contre l’incendie.
La première étape importante a été la décontamination du site. En effet, l’incendie a libéré des substances toxiques : ont été retrouvés sur le site métaux lourds (plomb, mercure…), amiante, dioxine… « C’est l’ECA qui a dirigé cette opération, affirme Patrice Galland, administrateur de la PPE. De notre côté, nous avons chargé une autre entreprise de contrôler que la décontamination du bâtiment était parfaite. »
Orlando Menegalli précise qu’après le sinistre, ses collaborateurs et lui-même ont transporté du matériel de leurs locaux sinistrés et ont donc été en contact avec cette pollution. « J’ai demandé à mes collaborateurs d’effectuer un test médical par rapport à ces métaux lourds. » Les résultats ont été positifs mais pas alarmants d’après les médecins, nous a-t-il indiqué.
À la suite de l’opération de décontamination, les locaux sont redevenus bruts, seuls quelques carrelages pouvaient subsister çà et là. Si les parties communes et l’enveloppe du bâtiment sont confiées par la PPE à un architecte, chaque propriétaire décide, pour la réfection de ses propres locaux, de faire appel aux entreprises de son choix. C’est notamment la raison pour laquelle tous les occupants n’ont pas réintégré les lieux en même temps.
La mise en conformité aux normes en vigueur au moment des travaux a été effectuée et plusieurs améliorations pour la protection incendie ont été apportées : mise en conformité des sous-sols avec cloisonnement du 2e sous-sol en quatre espaces et équipement en sprinkleurs du 1e sous-sol servant de garage, mise en conformité des voies d’évacuation… L’ECA a validé le projet au fur et à mesure de la construction, et c’est la commune de Lausanne qui a réceptionné les travaux à la fin du chantier.
Les coûts des travaux, pris en charge par l’ECA, ont été d’un peu plus de 18 M€.
D’autres améliorations ont été à la charge des copropriétaires, comme les triples-vitrages par exemple. Celles-ci ont représenté un budget de 5,5 M€, selon Patrice Galland. Des dépenses qui se seraient échelonnées sur davantage d’exercices comptables en temps ordinaire. Heureusement, les propriétaires avaient une bonne assise financière.
Martine Porez – Journaliste
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