Le bruit au travail
L’association JNA organise du 14 au 18 octobre 2019 la 4e édition de la Semaine de la santé auditive au travail. Cette année, l’accent est mis sur la communication au travail et entre les individus. Sébastien Leroy, porte-parole de l’association, nous en dit plus.
Vous avez choisi pour thème les enjeux de la communication et l’impact du bruit sur les relations sociales au sein de l’entreprise. Pourquoi ?
Sébastien Leroy. Avec l’alerte et la perception des émotions, la communication est l’une des trois fonctions clés de l’audition. Or, la qualité de la compréhension de la parole dépend de la bonne fluidité des transmissions des informations sonores au cerveau. Ce sont les cellules des oreilles qui jouent ce rôle. On sait que l’oreille fatigue naturellement au cours de la journée à cause des expositions sonores. On a démontré, dès les années 1970, une perte d’intelligibilité de la parole à partir de 60 dB de niveau sonore ambiant.
On met alors le cerveau en difficulté, il lui faut plus de temps et d’énergie pour décoder. C’est ce mécanisme qui est source de fatigue, de stress, d’irritabilité, et qui touche par conséquent les risques cardiovasculaires, la qualité du sommeil, le système endocrinien, les comportements compulsifs liés à la nutrition ou aux addictions… Tout cela fait partie des éléments d’analyse des risques psychosociaux.
Les salariés et les entreprises en ont-ils conscience ?
S. L. Ni la population, ni les entreprises n’en ont conscience. Les actions du bruit sur l’être humain restent encore méconnues et font partie des « insignifiants » (sans importance) tant culturellement le bruit fait partie de la vie, voire participe à un sentiment de dynamisme. D’où notre rôle de montrer comment les politiques RSE doivent intégrer cette dimension-là.
En matière de bruit au travail, la loi fixe le seuil à 80 dB pendant 8 heures d’activité. Au-delà, il faut réduire les émissions sonores à la source, et protéger les salariés des bruits résiduels. Tout ce qui est en dessous relève des programmes de qualité de vie au travail. Mais les remontées sur la gêne due au bruit sont encore trop souvent perçues comme des plaintes et perceptions subjectives des salariés. D’après une enquête Ifop-JNA menée en octobre 2018, près de 6 actifs en poste de travail sur 10 déclarent être gênés à cause du bruit et des nuisances sonores sur leur lieu de travail, mais seulement 37 % en ont parlé à leur hiérarchie directe.
Il faudrait donc changer le seuil pour inciter les entreprises à agir ?
S. L. Compte tenu de l’avancée des connaissances et de l’évolution du travail, la loi ne nous semble plus adaptée. Créée quand le secteur industriel devançait largement les activités tertiaires, elle a été et demeure importante pour que les risques de surdité professionnelle soient bien encadrés, mais aujourd’hui, on sait que le bruit affaiblit les ressources humaines de l’entreprise, même dans les bureaux. Comme dit précédemment, des études ont montré qu’à partir de 60 dB de bruit ambiant, une gêne auditive est active et des difficultés de compréhension de la parole apparaissent. Il faut faire du bruit un enjeu stratégique, à la fois de santé publique et au sein de l’entreprise.
C’est le message que vous allez faire passer lors de cette 4e édition ?
S. L. Oui, nous voulons interpeller les pouvoirs publics pour modifier la législation sur le bruit au travail et nous allons publier un manifeste pour mobiliser les grands acteurs économiques. Nous considérons également que le management a un rôle fondamental à jouer dans les entreprises. C’est pour cela qu’un guide pédagogique et pratique dédié aux managers va être publié lors de cette Semaine.
Enfin, nous lançons un serious game dans lequel l’utilisateur, dans des situations de vie et de travail du lever au coucher, va se rendre compte qu’en agissant sur son environnement sonore et donc son oreille, il améliore ses autres biomarqueurs : la fatigue, le stress, la charge mentale, l’envie compulsive de manger… Pour être en forme et en bonne santé, il faut que le temps d’exposition sonore soit équivalent au temps de repos de l’oreille. Le serious game sera mis à disposition des entreprises pour sensibiliser leurs salariés.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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