Sinistres et médias, les experts s’interrogent sur la conduite à tenir face aux journalistes

1 octobre 20194 min

Alors que l’incendie de l’entreprise rouennaise Lubrizol était à peine éteint et que les conséquences du sinistre risquent d’être majeures, la Compagnie des experts d’assurance organisait le 27 octobre 2019 une conférence sur la relation entre sinistres et médias.

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Le thème de la conférence, « Sinistres et médias », s’est imposé à la CEA (Compagnie des experts) face à la médiatisation de plus en plus forte des sinistres qui expose la profession d’expert en assurance.

« Les médias font pleinement partie de notre environnement professionnel. Il nous appartient de maîtriser ce paramètre » annonce en préambule de la conférence, Olivier Boniface, président de la CEA.

L’hypermédiatisation

Mais comment gérer cette problématique d’hypermédiatisation quand elle s’invite dans les dossiers des experts d’assurance à la suite d’importants sinistres tels que ceux consécutifs à l’ouragan Irma en 2017 ?

Michel Morin a connu différentes situations de crises lorsqu’il exerçait la fonction de préfet entre 1987 et 2008 dans plusieurs départements de l’Hexagone. « Auparavant, on connaissait les médias locaux et leurs journalistes, explique-t-il. Au fur et à mesure, sont arrivées les chaînes nationales puis les chaînes d’information continue. Les rapports n’ont plus été les mêmes. »

Et les réseaux sociaux ont également fait leur apparition, si bien que « nous n’avons plus le temps d’expliquer les choses » déplore Didier Heiderich, président de l’Observatoire des crises.

Stéphane Penet, directeur à la Direction des assurances de biens et de responsabilités de la Fédération française d’assurance (FFA), affirme que le besoin d’immédiateté généré par l’apparition des chaînes d’information continue et des réseaux sociaux est contradictoire avec l’explication de l’assurance. « Il faut intégrer les médias dans la gestion d’un sinistre. Nous ne pouvons plus improviser notre relation avec eux. »

Un message clair et cohérent

Pierre Labouze, vice-président d’Union d’experts SAS, un groupement d’expertises et de gestion des sinistres, fait part de l’expérience qu’il a eue avec TF1 lors des inondations de 2016 qui ont touché plusieurs milliers de sinistrés dans différentes régions françaises. « Répondre à une interview n’est pas naturel. J’ai souhaité en 2016 passer un message prioritaire : présenter le rôle de l’expert dans ce type d’événement et sa capacité à accompagner le sinistré. » Le message doit être court et clair de façon à ce que le grand public comprenne, ajoute-t-il.

« Les messages provenant des différents assureurs doivent également être cohérents, renchérit Stéphane Penet, sinon, c’est la confusion chez les sinistrés. »

Parfois, ne pas répondre à la presse

Parfois, les experts décident de ne pas répondre aux médias. Cela a été le cas lors du violent incendie de la rue Erlanger à Paris dans la nuit du 4 au 5 février 2019. Pierre Labouze expose sa position : « Étant donné le nombre important de victimes [10 morts et 96 blessés, NDLR], notre intervention dans les médias n’était pas appropriée. Il était plus opportun que les informations soient en premier lieu données aux sinistrés. »

La communication de crise

Didier Heiderich insiste sur le fait qu’il faut être préparé pour s’exprimer dans les médias et, par ailleurs, s’interroger sur sa légitimité à parler. En cas de communication de crise, il faut également maîtriser son planning.

Ce qu’approuve Laurent Durgeat, formateur en e-reputation et gestion des crises online. Il conseille d’exister avant la crise en tenant à jour son site internet avec des explications claires de ses activités et métiers, en ayant des illustrations à envoyer à la presse et en préparant des mini scénarios de réponses à des crises pour gagner du temps si la crise arrive.

Ne pas oublier non plus que « le mensonge est un péché mortel, complète Didier Heiderich. C’est un bon moyen pour perdre toute crédibilité car aujourd’hui, il n’y a plus rien de confidentiel, tout est poreux. »

Mieux vaut donc admettre ses erreurs s’il y en a eu…

Martine Porez – Journaliste

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