ESSP, de la conformité au continuum de sécurité publique
Il paraît aujourd’hui indéniable que la prévention situationnelle a un rôle prépondérant dans la prévention de la délinquance et des incivilités, de plus en plus prégnante dans notre société. Mais au-delà de l’aspect « figé » d’un plan de sécurisation, l’ESSP a-t-elle un rôle à jouer dans le continuum de sécurité en construction ?
Bien que les productions juridique de l’Etat ne répondent pas directement à cette question, il parait pertinent de se demander en quoi une entité dotée d’une ESSP (Étude de sûreté et de sécurité publique) peut capitaliser sur celle-ci pour construire un partenariat opérationnel vertueux avec les multiples acteurs de la prévention et de l’intervention en matière de délinquance.
Les obligations réglementaires en matière de plans de sûreté se sont développées depuis quelques années : Plan de sécurisation des établissements de santé (PSE), Plan particulier de mise en sûreté des établissements scolaires (PPMS) notamment.
La mise en place de ces plans a parfois été accompagnée par des guides méthodologiques produits par le ministère de tutelle… mais tout en laissant la liberté à chaque établissement de le mettre en œuvre. Ce qui a pour effet direct de créer de l’incertitude pour les responsables concernés.
Face à cette obligation réglementaire et au vide laissé par l’Etat, pourquoi ne pas alors envisager l’ESSP comme un outil de pilotage de la sûreté, contribuant ainsi à la sécurité publique de l’environnement immédiat du projet dans lequel elle s’inscrit ?
Pour tenter de capitaliser sur les résultats formulés par l’ESSP, nous tenterons de concevoir l’ESSP dans une logique de complémentarité, avec les autres plans de sécurisation et la recherche d’un idéal de coproduction de la sécurité avec les acteurs publics et privés.
Le principe de complémentarité des plans de sûreté
Bien qu’obligatoire dans certaines opérations de construction et d’aménagement, l’ESSP une fois réalisée, pourrait continuer à produire des effets, outre les préconisations qu’elle a permis de concevoir.
Dans cette optique, l’ESSP peut donc être vue comme une introduction à la conception et au déploiement d’une politique de sûreté dans un établissement.
La finesse du diagnostic territorial de l’ESSP permet aux responsables de connaitre précisément l’état de la délinquance et les vulnérabilités (réduites au minimum acceptable) de l’ouvrage.
Ainsi, le diagnostic étant posé et validé – aussi bien par le rédacteur de l’ESSP, le référent sûreté compétent, que la sous-commission départementale de sécurité publique – la traduction en schéma directeur de mise en sûreté peut être initiée.
Quelles possibilités dans les faits ?
Prenons l’exemple d’un établissement de santé ou d’un établissement scolaire.
La mise en place d’un PSE ou d’un PPMS doit nécessairement prendre en compte l’utilisation fonctionnelle de l’ouvrage réalisé.
Grâce à la phase d’analyse projet de l’ESSP, il est possible d’adapter le plan de sûreté au fonctionnement initialement prévu lors de la conception du site. Bien entendu, dans une démarche d’amélioration continue, il faudra adapter ce plan au fonctionnement réel de l’ouvrage et de ses occupants.
Les préconisations contenues dans l’ESSP vont avoir un impact significatif sur le choix d’équipement en technologies de sûreté. En ce sens, la rédaction d’un ou plusieurs cahiers des charges sûreté sera grandement facilitée.
Également, si l’on se focalise sur la problématique de la réaction à une action violente armée, le chef d’établissement devra prendre une décision de confinement ou d’évacuation… Décision pour laquelle plusieurs visions de cette problématique s’affrontent.
Si lors de l’ESSP il a été prévu des préconisations de mise en sûreté des personnes pour ce cas de figure, il sera ainsi plus aisé d’insérer les procédures relatives dans le PPMS.
Enfin, en dehors de toute obligation réglementaire – plus généralement dans un ERP (Établissement recevant du public) – pour la mise en place d’un schéma directeur de mise en sûreté, l’ESSP sera une base de réflexion particulièrement riche. Là encore, le schéma aura vocation à répondre directement à l’analyse de vulnérabilité et aux préconisations précédemment produites.
L’ESSP dans le cadre du continuum de sécurité / sûreté
Les ESSP sont bien souvent de la responsabilité des municipalités. Le maire, en raison de ses obligations en matière de sécurité publique est le premier maillon de la chaîne de sûreté/sécurité.
Cependant, même si les polices municipales sont globalement en pleine expansion, l’Etat conserve un monopole sécuritaire dont il est difficile de se départir.
Quoiqu’il en soit, la réalisation d’un ouvrage soumis à une ESSP aura un impact – positif ou négatif – sur l’environnement dans lequel il s’implante. Les populations particulièrement impliquées seront bien souvent voisines de ce dernier. Il apparaît donc indispensable d’ancrer l’ESSP dans le schéma partenarial de coproduction de la sécurité publique au-delà de la phase de consultation des acteurs au début de l’ESSP.
Le concept de continuum de sécurité est en pleine construction mais il est d’ores et déjà possible de proposer plusieurs axes de réflexion.
Il est donc nécessaire de poursuivre le dialogue engagé entre tous les acteurs de la sécurité publique et un représentant de l’ouvrage particulièrement avisé sur le sujet.
En effet, malgré toutes les bonnes volontés, il est impossible de prévoir en amont du projet toutes les interactions qu’il peut créer et les faits de délinquance qui peuvent être générés.
À ce titre, la coordination avec tous les acteurs (police et gendarmerie nationales, police municipale, sécurité privée, direction de la tranquillité publique, éducation nationale, associations…) est obligatoire pour produire un maximum d’effets.
Il est par ailleurs nécessaire de sensibiliser et de former les personnels de l’ouvrage soumis à l’ESSP aux problématiques malveillantes auxquelles ils pourraient être confrontés.
Sylvain Deschamps
Consultant en sûreté malveillance au CNPP.
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