Comment les systèmes Lapi pourraient rapidement devenir indispensables ?
S’ils ne font pas véritablement l’unanimité dans l’opinion publique, les systèmes Lapi (lecture automatique de plaques d’immatriculation) pourraient malgré tout s’avérer indispensables dans un avenir proche… Notamment en milieu urbain.
Le réaménagement de l’espace urbain est placé comme objectif prioritaire pour de nombreux élus. Preuve en est, il n’est désormais plus rare – en France – de voir les centres villes en totale reconstruction ces dernières années. Avec, parmi les idées majeures, celle de remplacer une partie du bitume par de la végétation.
Dans la plupart des cas, ce réaménagement en végétation rime avec espace piéton et hausse des transports en commun. Ce qui réduit du même coup la part des automobiles à ces endroits. Ces situations provoquent, de manière inéluctable, d’interminables déviations pour les automobilistes.
À Toulouse par exemple, les futures ramblas – larges de 17 mètres et pleines de végétation – doivent voir le jour à compter du mois de novembre 2019. Le tout après 3 ans de travaux. Auparavant, ce qui constituera un futur axe piéton était exclusivement dédié aux automobilistes. Ces derniers devront désormais partager cet espace… Ce qui implique un rétrécissement des voies de circulation… Et de fait, la disparition de places de parking sur la chaussée.
Les élus ont néanmoins trouvé une alternative à ce problème de stationnement dans cette allée stratégique du centre ville toulousain, via la création d’un parking souterrain supplémentaire.
Favoriser les déplacements piétons ou en transports en commun au détriment des automobiles, telle est la politique générale. Dans cette optique, les systèmes Lapi (lecture automatique de plaques d’immatriculation) vont jouer un rôle bien plus important que celui de simple releveur de plaques. Ces systèmes pourraient en effet servir pour aider au contrôle des mouvements des parkings souterrains.
En attendant les parkings souterrains…
« Avec les nouveaux systèmes Lapi, en Europe, on voit qu’une façon de faire un peu différente émerge », confie Stephan Kaiser, general manager chez AutoVu, filiale de la multinationale canadienne Genetec.
AutoVu en quelques mots…
AutoVu est présent dans plusieurs centaines de villes à travers le monde, y compris en Europe. Il y a une quinzaine d’années, cette entreprise nord-américaine – précurseur en la matière – dominait littéralement le secteur. Moins dominatrice qu’à l’époque, celle-ci compte toujours parmi les leaders majeurs du marché en 2019.
Dans le procédé, la voiture équipée du Lapi circule en continu en relevant les plaques d’immatriculation. Les images de ces plaques sont alors envoyées vers une centrale de contrôle connectée, puis réexpédiées vers les agents assermentés afin que ceux-ci puissent mettre les contraventions sur les véhicules concernés, sans avoir à créer un embouteillage en s’arrêtant au beau milieu de la chaussée de manière intempestive.
« Le véhicule roule et ce sont les agents en stationnement qui peuvent apposer les contraventions sur les voitures en infraction 5 minutes plus tard en suivant le véhicule. On a remarqué qu’au niveau opérationnel, ce modèle est beaucoup plus efficient. Les opérateurs de parking et les villes sont capables de faire en sorte qu’il y ait moins de blocages de parking », ajoute notre interlocuteur.
Dans d’autres circonstances, le système se veut encore plus avancé. À Amsterdam par exemple, les agents ont ainsi la possibilité d’envoyer les contraventions directement par mail aux contrevenants. « Certaines villes travaillent sur des lois pour que l’ensemble de la chaîne de contrôle de stationnement soit totalement numérisé », précise Stephan Kaiser.
« C’est une meilleure manière de faire les choses. Il y a moins de pollution… Moins de trafic… La possibilité de couvrir plus de territoire… Ce n’est pas une question de faire un maximum de revenus en cartonnant (sic) les usagers. Le but est plutôt de changer les comportements pour que ces biens publics soient mieux utilisés », justifie-t-il en ce sens.
Les systèmes Lapi dans les parking souterrains, quel intérêt ?
Dans les parkings souterrains, l’affaire pourrait être légèrement différente. Si la plaque d’immatriculation d’un véhicule est reconnue comme étant en infraction, le véhicule en question pourrait alors être recalé à l’entrée du parking. Avec ce type de système, les automobilistes seraient ainsi contraints de régler leurs amendes ou forfaits post-stationnement (FPS), sous peine de ne pas pouvoir stationner.
À l’heure du tout numérique, l’automobiliste en infraction pourrait en outre avoir la possibilité de régler son amende via son smartphone en quelques secondes afin d’accéder au parking. Du côté de Toulouse, une application mobile pour payer en ligne existe déjà… À la différence près qu’il reste encore possible, dans la « Ville rose » de stationner dans tous les parkings payants de la ville en ayant une amende non réglée.
En poussant cet exemple à l’extrême, on pourrait dans les années à venir voir des barrières à péages (réelles ou virtuelles) à l’entrée des villes pour repérer les mauvais payeurs… Encore inédit en France, ce système à péages urbains existe notamment du côté de Londres. Dans un registre différent, sans péage, cela est également le cas à Paris pour certains véhicules lors des pics de pollution. Ainsi, chaque véhicule faisant l’objet d’une amende impayée pourrait se voir interdire de séjour dans certaines villes.
En Australie ou au Portugal, les systèmes Lapi sont notamment utilisés pour la circulation sur les autoroutes. En rentrant simplement quelques renseignements au préalable, tels que les coordonnées bancaires ou l’immatriculation du véhicule, les automobilistes qui empruntent ces voies rapides sont directement prélevés sur leur compte bancaire en fonction du trajet effectué. Ce qui réduit considérablement les interminables embouteillages aux péages… Mais permet également d’identifier rapidement les potentiels fraudeurs.
Le modèle néerlandais implanté en France
Une fois n’est pas coutume, les Français – et les Européens dans leur ensemble – n’auront pas besoin de s’inspirer des nouveautés provenant de l’autre côté de l’Atlantique. En matière de stratégie de stationnement, le « Vieux continent » dispose en effet d’une longueur d’avance.
« Les Européens ont de l’avance, lâche le general manager d’AutoVu. À Amsterdam, ce projet (Lapi) a commencé au début de la décennie. Les Pays-Bas et la Belgique sont plus avancés sur les questions du stationnement. Traditionnellement, ces contrôles étaient sous la responsabilité de la police. Dans le courant de la dernière décennie, ces pays ont enlevé le contrôle de stationnement à la police et l’ont donné aux villes ou à des opérateurs de parking, car ces contrôles n’est pas la priorité de la police ».
La France suit également cette voie. Avec la réforme de 2018 sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant, les collectivités locales ont pris le relais des forces de l’ordre. Outre le fait de fixer leurs propres tarifs, elles ont ainsi la possibilité de prendre en charge cette nouvelle responsabilité ou de la déléguer en partie à des entreprises privées.
Quel rapport entre systèmes Lapi et (ré)urbanisation ?
Le rapport est assez simple : plus le plan d’urbanisation consiste à favoriser les piétons et les transports en communs, moins il y a de place pour les véhicules à quatre roues dans les villes. De faits, les places réservées au stationnement sont beaucoup moins nombreuses… Et donc plus recherchées.
Cette équation oblige ainsi les élus locaux à trouver des alternatives pour les automobilistes. Cela peut passer par les traditionnels parkings-relais se situant à certains terminus de lignes de métro, comme à Rennes ou Toulouse. Ces parkings permettent alors de garer sa voiture en échange d’un titre de transport en commun, sans se soucier de la durée de stationnement.
Autre possibilité : les systèmes Lapi. En faisant la chasse aux mauvais payeurs, la municipalité libère inéluctablement des places pour les autres automobilistes.
Parmi les dernières alternatives figure par ailleurs la location de parking en ligne. Que cela passe par une société privée – de type ZenPark – ou par des particuliers résidant en centre ville et à la place de stationnement inoccupée.
L’Amérique du Nord tente de rattraper son retard sur l’Europe
Sur le sol du « Self-made man », il était inimaginable de voir un individu accepter l’aide des transports en commun pour se déplacer. L’individualisme est ainsi de mise lorsqu’il s’agit d’effectuer des déplacements.
« En Amérique du Nord, les transports publics sont déficients car tout a été construit pour les véhicules… au détriment des transports publics. Quasiment tout le monde privilégie les voitures car certaines zones sont mal desservies par les bus et les métros », déplore Stephan Kaiser.
L’intéressé ne manque d’ailleurs pas de rappeler que sur cette partie du continent américain, les trains sont par exemple davantage destinés au transport de marchandises qu’au transport des personnes.
Les mentalités évoluent cependant à bon train. À Montréal, le futur Réseau métropolitain express (R.E.M.) desservira l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau depuis le centre ville en seulement 20 minutes à compter de 2022 (ou 2023 selon les retards dans les délais de livraison). En 2019, ce trajet en bus peut prendre jusqu’à 1h30 en cas d’embouteillages…
Outre les transports en commun, la plateforme Netlift permet de covoiturer entre particuliers. Dans les grandes lignes, cette application est comparable à BlaBlaLines. Il s’agit effectivement d’assurer quotidiennement le trajet entre le domicile et le lieu de travail. Cette plateforme montréalaise a cependant une touche supplémentaire. Pour inciter les gens à partager leur trajet, elle promet aux conducteurs de rentrer dans leurs frais (essence, stationnement…) à chaque déplacement… Là où le modèle de BlaBlaCar ne permet que de « partager » les frais.
Sur le rythme européen pour les Lapi
Pour la plupart en retard sur les transports en commun, les villes d’Amérique du Nord ont en revanche peu à envier à leurs cousines européennes sur les Lapi.
À l’heure actuelle, c’est donc essentiellement sur les usages des systèmes Lapi que l’Europe et l’Amérique du Nord se différencient… Avec un avantage pour le « Vieux continent », quelque peu en avance sur la question de la dépénalisation du stationnement payant.
Eitel Mabouong – Journaliste
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