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La gestion des risques RH vue par les DRH belges, une étude de perception
La gestion des risques RH vue par les DRH belges, une étude de perception
Le présent article aborde la manière dont les entreprises belges perçoivent les risques RH. Il s’appuie sur une étude auprès de plus d’une vingtaine d’entreprises belges, réalisée par les auteurs. Cela avec l’appui de HR Square, l’une des principales associations professionnelles dédiée aux RH (ressources humaines) en Belgique.
L’enquête a été menée en 2019 auprès de DRH (direction des ressources humaines) d’une vingtaine d’entreprises belges[1].
Contexte et enjeux de l’enquête
Dans le cadre de la commission des risques RH de l’Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise), nous avons mené en 2015 une enquête auprès d’une trentaine d’entreprises Françaises à propos de leur perception des risques ressources humaines. Notre enquête lancée entre la fin de 2018 et le début de 2019 a concerné 21 entreprises… Représentant au total quelques 27 000 collaborateurs.
57% de ces entreprises sont des PME de moins de 250 salariés et emploient 4% du total des collaborateurs concernés par l’enquête. Plus de la moitié d’entre elles (57%) opèrent dans plusieurs pays. Et la majorité des répondants au questionnaire sont le DRH de l’entreprise (86%).
L’échantillon des répondants est composé de :
- 43% d’entreprises opérant dans les secteurs industriels ;
- 38% dans les secteurs des services ;
- Et 19% dans le secteur public.
18 questions réparties en quatre catégories. À savoir les risques :
- Internes ;
- Externes ;
- Périphériques ;
- Et les nouveaux risques.
Ces questions sont à noter sur une échelle de 1 à 5 (1: très faible, 2: faible, 3: moyen, 4: fort et 5: très fort) par rapport à deux axes :
-
La probabilité que ce type de risque survienne dans l’entreprise.
-
Le niveau de gravité potentielle que peut générer ce type de risque dans l’absolu (indépendamment de l’entreprise), en se basant sur l’expérience professionnelle du répondant.
Il est demandé aux répondants de commenter et d’enrichir leurs notations avec des exemples liés à leur entreprise et/ou découlant de leurs expériences professionnelles.
L’objet de cette étude était d’insister sur la manière dont les entreprises perçoivent le risque RH en Belgique et également d’envisager de nouveaux risques en rapport avec les modes de travail : l’impact du numérique sur la société, la digitalisation de plus en plus croissante des fonctions et des postes de travail, le travail à distance, la multiplication des modes collaboratifs autres que le salariat classique, les nouveaux modes de management…
Cette enquête est également rapprochée d’une étude réalisée en 2015 par les auteurs publiée dans un livre Blanc pour l’Amrae [2].
Questionnaire sur les risques RH
La répartition des 378 résultats du questionnaire (21 entreprises x 18 questions) dans le plan de criticité (cf. chapitre 0) permet de mettre en évidence les 4 zones de risques :
Cartographie de criticité
26% des risques (gris) sont considérés par les entreprises comme faibles. 25% (jaune) comme moyens. 29% (orange) comme fort. Et 20% (rouge) comme des risques avec des conséquences critiques sur l’entreprise en cas de survenance.
Pour mémoire, la classification des risques RH issus de l’enquête menée en France en 2015 provient d’entretiens semi-directif en présentiel. Les risques identifiés ont été spontanément déclarés par les participants comme étant des risques majeurs pour leur entreprise.
Pour avoir des résultats comparables avec les données des entreprises belges, nous avons sélectionné uniquement les risques classés comme critiques (zone rouge) et qui correspondent à des événements avec une probabilité d’occurrence forte – ou très forte – et un impact sur l’entreprise s’ils se réalisent de fort, voire de très fort.
Nous avons ensuite établi la répartition de ces risques par rapport au nombre d’entreprises qui les ont classés comme critiques. Aucune des entreprises interrogées n’a considéré la diversification des modes de travail comme un risque critique. En effet, la Belgique a intégré depuis plusieurs années la coexistence de différentes manières de collaborer avec et dans l’entreprise au-delà des traditionnels CDI/CDD, temps plein, rattachement hiérarchique, travailler sur le site de l’entreprise…
Les risques induits par la transformation digitale représentent quant à eux 8,1% des risques critiques. Ce taux relativement élevé dénote les craintes des DRH par rapport à la révolution numérique qui envahie progressivement tous les secteurs et la majorité des fonctions et des postes.
L’enquête menée en 2017 par Trends-Tendances, à la demande de SAP auprès de plus de 1 000 entreprises belges, montre que :
-
90 % des entreprises qui ont répondu à l’enquête ont indiqué que la transformation digitale est importante… Voire très importante pour leur organisation ;
-
58% considèrent qu’il sera plus en plus difficile de générer une croissance et de rester compétitives sans cette transformation ;
-
Et 25% pensent qu’elles vont disparaître dans les 10 prochaines années si elles n’investissent pas dans la transformation digitale ;
Pour quelles raisons investir dans la transformation digitale ?
-
57% des entreprises déclarent, comme premier argument de la transformation digitale, la nécessité d’accroître l’efficacité ;
-
61%, comme deuxième argument, l’amélioration du service aux clients.
Et pourtant… 57% déclarent ne pas avoir les connaissances nécessaires… 54% ne pas avoir de stratégie digitale… Et 50% simplement ne pas avoir les bonnes personnes.
Répartition des risques considérés comme critiques et comparaison par rapport aux résultats de l’étude en France
Pour comparer les résultats de la Belgique (BE) avec ceux de la France (FR) , nous les avons rebasé (BE rebasé) en excluant les 2 risques relatifs au digital et à la diversification des modes de travail qui n’étaient pas présent dans l’enquête française de 2015.
47,1% des risques critiques sont des risques internes à l’entreprise. La gestion des compétences (14,7%), l’engagement (10,3%) et le bien-être au travail (10,3%) contribuent pour 75% aux risques internes à l’entreprise.
Comment expliquer ces chiffres ?
En France, les risques internes représentent 52,4%, une proportion comparable à la Belgique. À l’instar de la Belgique, la gestion des compétences (13,6%) et le bien-être au travail (13,6%) sont considérés comme les plus importants. Comme en Belgique en revanche, l’engagement – avec 3,9% – n’est pas considéré aussi important qu’en Belgique (10,3%).
Pourtant, lorsque l’on regarde les résultats du baromètre de l’engagement publié [3] par Eon en 2018, l’indicateur de mesure donne un score de 54% en 2017 pour la France (en progression de +6% par rapport à 2016). Et un score de 58% en 2017 pour la Belgique (en progression de +3% par rapport à 2016).
Ces valeurs restent en dessous de la moyenne européenne de 60% en 2017. Et pourtant, l’Europe représente le score régional le plus faible comparé à la moyenne mondiale… Celle-ci est de 65%. Le score régional le plus élevée reste celui de l’Amérique latine avec 75%.
La sensibilité des DRH Belges au risque de l’engagement des collaborateurs pourrait être justifiée par la tension qui existe sur le marché de l’emploi belge, avec un taux de chômage en décembre 2018 à 5,5%, (en France il est à 9,1%). Cette tension rend les recrutements difficiles… Contribue à la rareté des profils spécialisés… Et fait augmenter aussi bien le taux de rotations des collaborateurs que le risque des collaborateurs clés.
À lire également : « Le collaborateur clé, un risque à envisager »
Enfin, les DRH Belges – à l’unanimité – n’ont pas considéré le risque contractuel comme important… Alors qu’en France, en 2015, ce risque représentait en 5,8% des risques RH identifiés. Nous pensons que ce risque est de plus en plus maîtrisé. Cela notamment grâce au numérique, à la normalisation contractuelle au sein des entreprises et à la sensibilisation par rapport à la délégation des pouvoirs, la séparation des tâches et l’amélioration du contrôle interne.
30,9% des risques critiques sont des risques périphériques à l’entreprise. La catégorie diverse pèse pour 13,2% et regroupe différents risques tel que le risque d’image, le SIRH, les conflits sociaux, la qualité, la négligence sous-traitant ou le digital. Viennent ensuite la santé et la sécurité au travail (5,9%) et les conditions de travail (5,9%).
En France les risques périphériques représentent 31,1%, une proportion quasi égale à la Belgique.
La catégorie diverse, deux fois moins importante qu’en Belgique (5,8%), dénote des préoccupations différentes entre la France et la Belgique, de surcroît à quelques années d’intervalle (2015 pour la France et 2018 pour la Belgique), par rapport aux risques périphériques.
22,1% des risques critiques sont des risques externes à l’entreprise… Et quasiment concentrés sur deux catégories : l’image/réputation (10,5%) et l’environnement social (10,5%).
En France, les risques externes représentent 16,5%. L’image/réputation (6,8%) et l’environnement social (5,8%).
La perception des risques induits par l’environnement social est deux fois plus importante en Belgique qu’en France. Les paysages syndicaux radicalement opposés dans les deux pays peuvent expliquer ces résultats :
-
Taux de syndicalisation : plus de 50% en Belgique contre à peine 8% pour la France.
-
Les syndicats Belges sont regroupés principalement dans deux confédérations : CSC et FTGB. En plus de leurs divergences liées en partie à leur rattachement politique (mouvement Chrétien pour le CSC et mouvement Démocrate pour le FTGB apparenté au parti socialiste), les relations professionnelles sont également impactées par les tentions communautés/régions francophone et néerlandophone.
Malgré ces différences clivantes, ces deux syndicats travaillent souvent en tandem. Ce qui pourrait expliquer les préoccupations exprimées par les DRH Belges par rapport aux risques induits par l’environnement social. -
En France, la situation est différente. Le mouvement syndical est constitué d’une myriade de confédérations concurrentes tel que la CGT, la CFE-CGC, la CFDT, FO, CFTC, FSU, l’UNSA et Solidaires …qui sont souvent en compétition entre elles et se neutralisent au profil des intérêts du patronat.
En conclusion, les résultats de cette enquête nous montrent que les risques RH en Belgique et en France restent relativement similaires.
Les préoccupations communes sont nombreuses et concernent notamment : la gestion du personnel, le bien-être au travail, la santé et la sécurité au travail, l’image et la réputation des entreprises. Les différences notables observés sont dues en grande partie au :
-
Contexte macroéconomique actuelle en Belgique avec une raréfaction des candidats et une guerre des talents en partie dues au faible taux de chômage et à la digitalisation de la société. La fidélisation des collaborateurs devient un enjeu majeur et la diversification des modes de collaboration avec et au sein de l’entreprise connait une évolution importante.
-
Contexte social relativement différents dans les deux pays avec un tissu syndicale beaucoup plus présent et plus efficace en Belgique comparé à la France.
[1] Éléments tirés de l’ouvrage Comprendre les risques RH (2019), GERESO, Dufour N., Bencheikh A.
[2] Livre blanc : « La maîtrise des risques RH : vecteur de développement de l’entreprise », Association pour le Management des Risques et l’Assurance des Entreprises (AMRAE), commission « Risques RH », 2015.
[3] 2018 Trends in Global Employee Engagement: Global Employee Engagement Rebounds to Match Its All-Time High. La méthode d’Eon-Hewitt de mesure de l’engagement basée sur le modèle dit des 3 S (Say-Stay-Strive) a concerné en 2017 plus de 1000 entreprises à travers le monde, 8 millions de salariés répondants répartis sur plus 60 secteurs d’activité.
[4] FGTB : Fédération Générale du Travail de Belgique, le premier syndicat en Wallonie.
Abdel Bencheikh
Docteur en Physique, directeur des risques et de l’audit interne du groupe House of HR, Abdel Bencheikh travaille dans les domaines de la gouvernance, la conformité, les contrôles et la gestion des risques depuis plus de 20 ans.
Nicolas Dufour
Docteur en sciences de gestion, professeur des universités associé au CNAM, Nicolas Dufour est également Risk Manager dans le secteur assurance. Ses domaines de spécialisation concernent la mise en œuvre des politiques de maîtrise des risques, la gestion de la fraude, la gestion et l’intégration des normes dans les organisations.
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