Synergies sécurité incendie et sûreté, des solutions divergentes selon les secteurs
Les rencontres CNPP / Face au Risque se tenaient le 26 juin 2019 dans l’auditorium SMABTP, situé dans le XVe arrondissement de la capitale. L’occasion de revenir sur un débat récurrent concernant la double casquette sécurité incendie et sûreté. Faut-il voir cela comme un risque ou une opportunité ? Et quelles solutions existe-t-il à l’heure actuelle pour y répondre ?
Il y a quelques semaines de cela, Face au Risque relançait le débat autour d’une alliance entre sécurité incendie et sûreté. Un débat déjà posé sur la table durant le printemps 2018 et pour lequel 67 % des sondés sur Twitter répondaient favorablement à l’idée d’une alliance.
Les Rencontres CNPP / Face au Risque du mercredi 26 juin 2019 étaient l’occasion de laisser place aux professionnels du milieu. Le but étant de savoir quel est le ressenti sur cette question de celles et ceux qui sont quotidiennement confrontés à cette opposition entre sécurité et sûreté… Sont-ils favorables à une évolution ou préfèrent-ils, au contraire, ne pas déroger à la règle ?
Des secteurs placés devant le fait accompli
Dans le milieu hospitalier, les professionnels n’ont pas véritablement eu le luxe de choisir… « La sûreté s’est imposée de facto », résume Agnès Gâteau, présidente de l’Acses (Association des chargés de sécurité des établissements de soins) et responsable sécurité du CHU de Troyes.
« La sûreté est un thème récent dans les hôpitaux, poursuit-elle. L’incivilité augmente de manière importante. Auparavant, il n’y avait pas ces problématiques en province. Aujourd’hui, il y a les mêmes qu’en région parisienne », dont les établissements font face à ces problèmes depuis plusieurs années déjà.
Alexandre Braconnier, chargé de sécurité de l’Institut Curie de Paris, confirme d’ailleurs cette tendance à la hausse des incivilités en milieu hospitalier. « Il y a énormément de violences dans les services », confie-t-il en ce sens.
La solution à cette montée des incivilités est d’ailleurs loin d’avoir été trouvée à l’heure actuelle selon Agnès Gâteau. Celle-ci rappelle ainsi que « les hôpitaux n’ont pas été conçus pour faire face aux incivilités. Ils n’ont rien d’un bunker, bien au contraire ».
« Cohésion », « écoute » et « adhésion »…
Il n’y a pas que dans les hôpitaux que la problématique de la sûreté s’est imposée aux responsables sécurité ces dernières années.
Directeur sécurité – sûreté à l’Université Lyon 1, Stéphane Théfo confirme les difficultés liées au mélange des genres. « C’est une tâche très compliquée » prévient-il d’emblée. En dépit de ces difficultés, l’intéressé a trouvé un début de solution dans laquelle « cohésion », « écoute » et « adhésion » sont les maîtres-mots.
« Mettre l’incendie et la sûreté dans un même chapeau nécessite l’adhésion du personnel. Pour nous, cela n’a pas forcément été difficile car il y avait l’adhésion de ces personnes. Les gens ont besoin d’être écoutés », confie-t-il.
L’aspect humain, c’est également ce que recherche Agnès Gâteau pour le monde hospitalier. « Le profil recherché (pour le poste de responsable) est davantage « humain » que « technique » car les interventions sont de plus en plus récurrentes » rappelle-elle… Sans oublier de préciser par ailleurs « (qu’il) n’y a pas de réglementation en sûreté ».
À l’Université Lyon 1, récemment touchée par un incendie, les missions en termes de sûreté sont simples et limpides. « Il suffit de savoir détecter une anomalie et la signaler. On ne leur demande pas d’intervenir », annonce ainsi Stéphane Théfo. Un système qui diffère de celui d’autres facultés lyonnaises, qui privilégient l’alternance entre les équipes incendie et sûreté d’une semaine sur l’autre.
Une solution différente en milieu industriel
Si le débat entre sécurité et sûreté est récent dans certains secteurs, d’autres ont répondu à cette question depuis un bon bout de temps. C’est notamment le cas dans le monde de l’industrie, où « la sécurité et la sûreté sont bien scindées », confie Jean-Michel Chatry, coordinateur prévention incendie au sein du Groupe Safran. « Toutes les équipes sont externalisées mais l’encadrement est assuré par le personnel de la boîte », rajoute-il par ailleurs.
Directeur des relations publiques à CNPP, Sébastien Samueli résume la situation par une phrase concise et précise. « Le terme « sûreté » n’a pas la même signification dans les hôpitaux, qui privilégient l’humain, ou dans l’industrie, qui accorde de l’importance aux biens. C’est le même mot, mais il n’a pas la même signification ni les mêmes problématiques derrière ».
La question des formations
La question reste alors de savoir s’il est possible de former d’une manière bien précise pour un métier dont le terme dispose d’interprétations aussi variées. « La double formation incendie et sûreté monte en puissance. Le risque, c’est la multiplication des formations, comme dans la sécurité incendie », prévient Jean-Michel Chatry.
Un risque sur lequel s’accorde Pascal Rayé, consultant sûreté et prévention physique CDC (Caisse des dépôts et assignations), qui pose lui aussi la question sur d’éventuels problèmes en matière de compétences et de qualité des formations… D’autant plus lorsque « les formations passent par des entreprises commerciales ».
En attendant de savoir ce que donneront ces formations dans un futur proche, le problème actuel réside dans la reconnaissance statutaire. Une problématique que beaucoup de secteurs aimeraient résoudre… Et si possible à très court terme.
Eitel Mabouong – Journaliste
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