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Notre-Dame oblige à repenser la détection d’incendie
L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, a soulevé une vague d’émotion qui pourrait être profitable à la sécurité incendie. Au cœur des premiers retours d’expérience, la fonction de détection d’incendie semble avoir été défaillante et pourrait être améliorée.
La découverte de l’incendie de Notre-Dame, tel que nous la relatons dans notre numéro de mai, aurait sans doute pu être plus précoce. Que s’est-il passé dans ces combles ? Une fois découvert, le feu avait atteint un tel développement qu’on ne pouvait écarter la destruction totale de l’édifice.
La levée de doute en question
A 18h20, une première alarme retentit. Deux agents se rendent sur place et l’alerte est finalement levée. Le système de détection semble avoir bien fonctionné mais c’est la levée de doute qui semble avoir pêchée. Les deux agents se sont-ils rendus au bon endroit ?
Selon nos informations, confirmées par le New York Times, il s’agissait de détecteurs par aspiration. Ce système de détection d’incendie est un système adressable, c’est-à-dire qu’il devait permettre aux agents de savoir où ils devaient se rendre pour vérifier qu’il n’y avait pas de foyer.
L’installation et la maintenance était-elle à la hauteur ?
La centrale d’incendie et les détecteurs avaient-ils été correctement installés ? Si sur le tableau d’incendie une zone est repérée mais qu’elle n’est pas la même que la zone physique, il est possible que les agents, dans des combles qui faisaient 100 mètres de long avec un transept de 40 mètres, soient passés à côté du foyer naissant.
La piste de l’erreur humaine, privilégiée depuis le début
Là encore s’il y avait un décalage entre l’information présente sur le tableau d’alarme et l’origine de cette information, c’est une erreur humaine dans l’installation et la maintenance qu’il faudrait blâmer. Mais elle n’est sans doute pas la seule.
L’enquête ouverte au lendemain du drame pour destruction involontaire par incendie le laissait présager. C’est une faute humaine qui est recherchée.
Une succession d’erreurs improbables
Comme nous le confiait un spécialiste de l’intervention, lui-même à Notre-Dame ce jour-là : « Nous sommes dans la configuration d’un accident exceptionnel, comme pour les accidents aériens. Il est très difficile de trouver un coupable parce que la cause profonde de l’accident est le résultat d’une succession de petites erreurs humaines, assez improbables ou insignifiantes en elles-mêmes mais qui misent bout à bout, les unes derrière les autres, aboutissent à la catastrophe. »
Une vraie alarme mais pas d’alerte
Les deux agents, qui se sont rendus sur place étaient-ils correctement formés ? Pourquoi la seconde alarme a retenti 20 minutes plus tard… Alors que le foyer n’était, à l’évidence, plus naissant du tout. On peut supposer, mais tout cela est à mettre au conditionnel, que la centrale, après la première alarme a été mise en temporisation. S’il n’y avait pas de trace d’incendie, les agents ont pu penser que la centrale avait eu une fausse alarme : de la vapeur d’eau, de la poussière ou même un moustique peuvent créer l’impression de fumées dans la chambre de détection.
Un feu impossible à attaquer avec des extincteurs
Selon l’article de René Dosne (lui aussi à Notre-Dame ce soir-là) à paraître dans Face au Risque de juin 2019, lorsqu’ils sont revenus dans les combles, les agents ont été confrontés à un véritable incendie, qu’ils n’ont pu attaquer. Ils ont dû rebrousser chemin et alerter les secours extérieurs. Ils n’avaient donc ni les moyens à proximité, ni sans doute les connaissances pour attaquer le foyer. En cas de travaux, des extincteurs sont théoriquement disposés à intervalle régulier. Mais il était trop tard pour les employer.
Les combles ne sont pas toujours équipés d’un système de détection. Ce système de détection était-il adapté ? Oui, si l’on en croit l’enquête de notre journaliste, Eitel Mabouong, à paraître dans notre numéro de juin.
Beaucoup de questions sont encore en suspens après l’incendie et convergent sur la détection de l’incendie.
Une suite de manquements ?
Bien évidemment lorsqu’on évoque une suite de manquements ou d’erreurs humaines – si elles sont isolées et sans incidence – il est difficile de ne pas y voir une certaine fatalité. Après tout, dans un lieu comme Notre-Dame, un événement malheureux peut aussi être lu d’un point de vue philosophique. Voire même théologique.
La technique ne fait pas tout
La réponse technique là encore est d’équiper toujours plus. Pour pallier les erreurs humaines, on se réfugie dans la technologie – en oubliant qu’elle est conçue par des humains et entretenue par des humains. Il n’y a pas d’un côté l’humain et de l’autre la technologie, mais une chaîne qui va de l’un à l’autre et dont la solidité des maillons doit être éprouvée.
Renforcer l’humain
La technologie est conçue pour un moment et pour un lieu. En période de travaux, avec un changement d’affectation, elle doit être adaptée et très souvent renforcée. Fallait-il assurer davantage de surveillance sur place ou renforcer l’humain ?
Former et informer
Si les questions philosophiques surviennent dans un lieu religieux, la question de l’Histoire doit aussi être soulevée quand il s’agit d’un monument culturel ancien. Se souvient-on que Versailles, la cour du roi Soleil, était sans cesse éclairée par des milliers de bougies, chauffée par des dizaines – sans doute – des centaines de foyers ouverts, cheminée et autre. Comment se fait-il qu’il n’y ait jamais eu de sinistres majeurs dans une telle ambiance de dangers multiples ? Il serait tout simplement impossible aujourd’hui de reproduire le Versailles ancien sans courir des risques importants. Comment cela se fait-il ?
L’incendie est courant
Il y avait à Versailles beaucoup de monde qui s’affairait en permanence. Les feux et les bougies n’étaient jamais laissés sans surveillance. Surtout, les gens de l’époque y étaient habitués.
Quand on pense qu’aujourd’hui au moins 200 personnes finissent aux urgences suite à des accidents de barbecues… Parmi ces accidents, un mort en 2017 suite à l’explosion d’une boule de pétanque oubliée dans le foyer. La même année, neuf personnes intoxiquées au monoxyde de carbone après avoir allumé un barbecue dans le salon d’un appartement…
Au moins 70 000 incendies surviennent chaque année dans les habitations françaises. C’est au moins 200 incendies par jour et un toutes les 10 minutes. Une grande part de ces incendies est liée aux accessoires de chauffage : cheminée et autres appareils produisant une énergie d’activation.
On le voit bien, il reste un gros travail d’éducation, de formation et d’information aux dangers des incendies.
David Kapp – Journaliste
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