Sécurité des chantiers : un marché dynamique

15 avril 20199 min
Sécurite des chantiers un marché dynamique credit photo : lionel Allorge/wikimedia commons

La protection des chantiers se réduit généralement à des prestations de surveillance humaine. Néanmoins, la sécurité électronique connaît un essor remarquable, notamment grâce à l’apparition de nombreuses innovations.

La sécurité des chantiers est en pleine mutation. Une grande majorité d’entre eux ne bénéficie d’aucune protection et pour les autres la solution la plus courante reste le recours à une surveillance par des agents privés. Néanmoins, un nouveau type de prestation apparaît : la protection électronique.

« L’activité de protection électronique des chantiers est un marché extrêmement dynamique et les perspectives sont attrayantes, car leur potentiel d’équipement est énorme », explique Jean- Christophe Chwat, PDG de VPS, la société leader sur ce créneau, qui est également président de GPMSE, la fédération des entreprises de sécurité électronique.

La progression de ce type de prestations est à deux chiffres, autour de +15 %, selon une estimation d’En Toute Sécurité. Il n’existe en effet aucune statistique fiable et il faut se contenter d’additionner les chiffres communiqués par les entreprises du secteur.

Quant au marché total de la protection de chantiers et d’échafaudages, incluant la surveillance humaine, la sécurité physique (portes blindées, tourniquets, etc.) et électronique, il devrait s’élever à quelques petites centaines de millions d’euros, probablement aux environs de 300 M€.

Des facteurs favorables

Le secteur bénéficie de plusieurs facteurs favorables : la multiplication des vols de câbles et autres matériaux de construction coûte beaucoup d’argent, si bien que la protection devient un investissement rapidement rentable. De plus, une menace terroriste pérenne dans le pays impose de mieux protéger les sites en rénovation ou en construction, car une attaque peut se préparer ou même se dérouler durant les travaux sur un site.

Par ailleurs, la conjoncture dans le bâtiment est plutôt porteuse, notamment dans le tertiaire et l’industriel, mais à l’exception des logements résidentiels qui marquent le pas. La demande va rester soutenue puisque de gros projets de BTP sont en cours, comme le Grand Paris, ou vont bientôt démarrer en prévision des Jeux Olympiques de Paris en 2024. En outre, les coûts d’une protection électronique ne sont pas très élevés : quelques centaines d’euros par mois pour de petits chantiers, mais l’addition peut grimper jusqu’à plusieurs milliers d’euros, voire des dizaines de milliers d’euros, pour des gros chantiers d’infrastructures.

Le donneur d’ordres n’est pas l’utilisateur final du futur bâtiment mais généralement le groupe de BTP en charge de la construction du site, à l’instar des ténors comme Bouygues, Vinci, Eiffage, etc. ou des acteurs régionaux.

Vers une offre plus globale

Jadis figée autour de la simple surveillance humaine, cette activité devient progressivement imprégnée de technologie. Sur une moyenne de 20 000 chantiers opérationnels en moyenne dans le pays, on estime que seulement 6 000 sont gardiennés.

Un chiffre faible qui s’explique parce que la mission est par définition temporaire et implique des accords étroits avec les géants du BTP afin de conclure des contrats couvrant une vaste zone géographique. Car signer pour un seul chantier ne s’avère pas très rentable. En raison de ces spécificités, les sociétés de surveillance humaine ne se pressent pas pour investir ce segment de clientèle.

Aujourd’hui, environ 2 000 chantiers sont protégés par des systèmes électroniques. « La protection électronique de chantiers est un métier jeune : il est né voici vingt ans, inventé par la société Prodomo qui proposait à l’époque une simple alarme », explique le PDG de VPS qui a racheté ce pionnier du marché en 2016.

Aujourd’hui, la demande se porte sur des prestations plus larges : une alarme complétée par de la vidéosurveillance ou du contrôle d’accès connecté, de même que de l’intervention sur alarme ou des rondes aléatoires. La protection du chantier peut également se prolonger après la finalisation de la phase de construction, c’est-à-dire durant la période où les locaux sont encore vacants avant l’arrivée des occupants.

La surveillance du chantier peut aussi être intégrée dans les logiciels de gestion du personnel avec ouverture des portes ou des tourniquets grâce à une clé temporaire Bluetooth programmée. Des logiciels implantés sur un smartphone peuvent également gérer en direct l’évolution des besoins du conducteur de travaux selon l’état d’avancement de la construction.

Une tendance récente émerge : elle consiste à proposer un système de protection électronique couvrant également le risque incendie. « Les solutions anti-incendie dédiées aux chantiers peuvent être peu coûteuses – de l’ordre de quelques centaines d’euros à l’achat – et ne nécessitent pas d’installation puisque le matériel fonctionne sans fil. On peut y adjoindre un extincteur portatif sur le même totem que la détection », explique Enzo Mora, directeur des opérations, en charge du business développement chez Cordia, un fournisseur de matériels de sécurité incendie. Ce nouveau segment de clientèle a déjà séduit des chantiers navals, des événements temporaires, divers bâtiments industriels, etc.

Une innovation qui séduit même les ténors du secteur. C’est ainsi que DEF, leader français de la sécurité incendie, a créé en 2017 une filiale dédiée à la détection incendie temporaire, baptisée Firemob, qui a déjà signé quelques dizaines de chantiers. « Il ne s’agit pas forcément de protéger tout un chantier, mais les zones où le risque incendie est le plus fort », explique Celeste de Chalus, directrice des opérations de Firemob.

La sécurité des chantiers en chiffres

Nombre de chantiers en cours en France 20 000
Nombre de chantiers protégés par des agents de sécurité 6 000
Nombre de chantiers protégés par des systèmes électroniques 2 000
Durée moyenne d’un chantier entre six mois et un an
Coût par mois de la protection électronique d’un chantier de quelques centaines d’euros
à plusieurs dizaines de milliers d’euros selon la taille du site

Des acteurs venus d’horizons différents

C’est ainsi que diverses solutions éclosent sur le marché, signe de son dynamisme. Arcure, qui s’est introduit en bourse en février 2019, a conçu une caméra embarquée sur les engins de chantier équipée d’algorithmes d’intelligence artificielle : elle est destinée à prévenir les risques de collision avec une personne. La société, qui a conclu des accords avec des fabricants de chariots élévateurs pour une intégration de sa solution en option d’usine, a déjà vendu 5 000 exemplaires de son système dans plus de trente pays.

De son côté, VPS a conçu une tour autonome et mobile équipée de caméras de vidéosurveillance qui permet à un PC de sécurité de visionner à distance les images sur le chantier. Le groupe multiservices Atalian, très présent en surveillance humaine, a également conçu une unité mobile de vidéosurveillance en partenariat avec la société Noemis, consistant en un véhicule et une remorque équipée d’un groupe électrogène.

Pour sa part, Instavox a mis au point une application qui transforme un smartphone en talkie-walkie afin de communiquer de façon individuelle ou groupée sans être restreint par la portée d’un réseau de radiocommunication, comme cela peut se produire sur un chantier.

Dans la protection électronique, Prodomo, la filiale dédiée à la protection de chantiers de VPS, est l’incontestable n° 1 avec 1 200 chantiers protégés, un chiffre d’affaires de 20 M€ (dont la moitié en Île-de- France) et une centaine de personnes. Le groupe occupe également une position de leader en Europe avec un chiffre d’affaires de 80 M€ dans ce seul domaine sur un total de 350 M€.

Certaines entreprises trébuchent, même si la demande est porteuse. Infrarouge Sécurité, numéro 2 avec un chiffre d’affaires de 3 M€, a été mis en liquidation judiciaire en mars 2018, tandis que Prodomo était en redressement judiciaire avant son rachat par VPS. Des déboires qui résultent d’erreurs stratégiques et non pas d’un marché morose.

Les acteurs de la protection électronique sont au nombre d’une vingtaine au maximum, avec des sociétés spécialisées ayant essentiellement une présence régionale, comme Protecteam Electronique, Alsyec, JNN Sécurité ou ADN Protection.

À noter la présence d’Excelium, une société de surveillance humaine et électronique, qui propose aussi une solution temporaire de sécurité pour les chantiers.

Quant aux loueurs de matériels de chantiers comme Loxam ou Kiloutou, ils sont encore relativement peu présents sur ce segment. C’est le fabricant français de centrales RSI Video, appartenant aujourd’hui au groupe Honeywell, qui fournit la plupart des matériels de détection électronique utilisés sur les chantiers. La fragmentation de ce marché éclaté entre quelques petites structures et un seul leader qui propose une vaste gamme de prestations, démontre que cette activité n’est pas encore mature. Preuve en est, certaines pratiques sont à la limite de la légalité : on a ainsi vu des sociétés installer des centrales d’alarme qui comprenaient uniquement la coque, mais pas la partie détection, sans prévenir le donneur d’ordres !

Il est cependant probable que le dynamisme du marché va attirer de nouveaux candidats.

Patrick Haas

Patrick Haas

Journaliste depuis 1975, directeur d’En Toute Sécurité, journal spécialisé dans l’information et l’analyse stratégique pour la profession de la sécurité, Patrick Haas a fait une grande partie de sa carrière dans la presse généraliste : 10 ans à l’Agence France Presse, 18 ans aux pages économiques du Figaro dont il a été chef de service et un an à France Soir comme directeur général.

Parallèlement, il fonde En Toute Sécurité en 1988 qui est un concept unique en Europe par son approche rédactionnelle. Il créé également l’Atlas, seul panorama économique des entreprises de sécurité, et édite une gamme de onze études de marché sur différents secteurs de la sécurité. Il est également conseiller pour diverses organisations professionnelles et salons de la sécurité, tout en intervenant lors de nombreux colloques pour délivrer ses analyses.

Patrick Haas a également fondé Expertise & Stratégie, une société de conseil qui fournit des prestations sur mesure.

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