Santé et sécurité au travail : les leviers pour une culture de prévention en entreprise
Eurogip a organisé, le 21 mars 2019, sa journée de débats annuelle sur le thème de la culture de prévention en entreprise.
“Une culture de prévention désigne, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), une culture où le droit à un milieu de travail sûr et salubre est respecté à tous les niveaux, et où le gouvernement, les employeurs et les travailleurs s’emploient activement à assurer un milieu de travail sûr et salubre”, a rappelé en préambule Daniel Boguet, président du conseil d’administration d’Eurogip, observatoire et centre de ressources sur les questions relatives à l’assurance et à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles en Europe.
Pour introduire les débats, Marine Jeantet, directrice des risques professionnels au sein de la Cnam, a posé le contexte: après 70 ans de baisse de la sinistralité et de la fréquence des accidents du travail, les entreprises arrivent, depuis quelques années, à une sorte de seuil qu’elles n’arrivent pas à franchir.
“Les principales causes des accidents du travail sont des problèmes de manutention ou des chutes, a-t-elle expliqué. Il s’agit donc de choses évitables, principalement liées à l’organisation du travail. Cela dépend de chaque individu dans l’entreprise qui doit partager une culture de sécurité.”
Changer de regard pour instaurer une culture de prévention
C’est ce qu’a fait Eiffage Infrastructures. Il y a trois ans, la branche a entamé une réflexion avec 100 de ces dirigeants. “Nous approchions d’un seuil, d’un palier dans la prévention de nos risques et il était nécessaire de se requestionner sur les actions mises en place et le sens que l’on donnait à la prévention et à la sécurité dans l’entreprise”, a raconté Erick Lemonnier, directeur Prévention d’Eiffage Infrastructures.
Les 100 dirigeants ont participé un exercice simple, associer des mots à celui de “sécurité”. Accident, catastrophe, blessures, sanction, pénibilité : ils se sont vite rendus compte que leur vision était négative et qu’il fallait changer les mentalités. Pendant des années, leur objectif était “Zéro accident”. Aujourd’hui, la branche vise le “100% sécurité”.
Elle a développé une application qui permet à chaque collaborateur et sous-traitant de donner son avis et de mesurer en temps réel l’état de la sécurité. Un algorithme génère des alertes de survenance d’événements accidentels en indiquant une zone et des causes probables. C’est ensuite aux opérateurs de décider ou non d’agir. Chacun est acteur de la sécurité.
“Dans 90% des cas, on remarque une résolution dans la journée par le premier cercle des opérateurs concernés, ce qui change de l’empilement des plans d’actions qui pouvait exister avant, a expliqué Erick Lemonnier. Le cap difficile à passer a été d’accepter la réalité. Pendant longtemps, nous avons abordé la sécurité avec une approche culpabilisante. Il faut accepter les anomalies et les dysfonctionnements et agir avant qu’ils deviennent irréversibles.”
Un travail collectif
Pour Sandrine Mocœur, responsable QHSE de Norske Skob Golbey, papèterie industrielle dans les Vosges et filiale d’un groupe norvégien, il est primordial de s’appuyer sur les salariés pour construire une culture de prévention dans l’entreprise. Elle est arrivée dans l’entreprise en 2012, dans un contexte de crise après plusieurs accidents mortels.
“L’entreprise avait des procédures et des outils de remontées mais ne prenait pas en compte les besoins fondamentaux des salariés qui n’étaient donc pas impliqués. L’entreprise avait transposé la culture de sécurité d’un groupe norvégien sur un site français et il y avait un fossé entre la direction et les salariés”, a raconté Sandrine Mocœur. Pendant trois ans, elle a travaillé avec les salariés et les différentes instances de l’entreprise, par groupe de travail, pour comprendre les besoins et fixer trois priorités d’action par poste de travail. “Depuis peu, la sécurité fait partie de la vie de l’entreprise et je ne suis plus seule à m’y intéresser.”
“La question essentielle de la culture de prévention est le travail collectif, dans l’entreprise et à l’extérieur avec toutes les parties prenantes”, a ajouté Eric Drais, sociologue à l’INRS. Un point de vue qu’a partagé Ivan Boissières, directeur général de l’Institut pour une culture de sécurité industrielle (Isci).
Pour lui, il est nécessaire d’améliorer les comportements dans l’entreprise au niveau individuel par la formation par exemple, au niveau de l’environnement de travail, du collectif de travail (accueil des nouveaux embauchés par exemple) et du management et de l’organisation. “Rien n’influence plus le comportement des salariés que celui des managers”, a-t-il insisté.
Accompagner les entreprises vers une culture de prévention
Pour aider les entreprises à instaurer une culture de prévention, plusieurs pistes ont été évoquées lors de la journée des débats Eurogip :
- un apprentissage de la sécurité très tôt dans le cursus de formation,
- une approche multidisciplinaire, qui doit impliquer plusieurs acteurs et pas seulement dans le monde du travail,
- faire de la sécurité un critère de sélection des sous-traitants,
- des aides financières pour les TPE-PME, déjà mises en place dans différents pays européens…
Le principal changement à opérer reste, selon la plupart des participants, de repenser le travail. Evaluer les opportunités plutôt que les risques.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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