Malveillance ordinaire dans les installations industrielles

21 février 20197 min
Malveillance ordinaire dans les installations industrielles (Photo DR, Face au Risque numéro 520)

L’événement de l’été 2015 à Saint-Quentin-Fallavier en est une terrible illustration : les installations industrielles peuvent être utilisées comme des armes. Cependant, la malveillance ciblant le monde industriel ne prend pas uniquement la forme d’actes de terrorisme.
De nombreux accidents trouvent leur origine dans une autre forme de malveillance, qualifiable d’« ordinaire », mais dont les conséquences peuvent être considérables.
Publié en février 2016, dans le numéro 520 de Face au Risque, cet article reste d’actualité en 2019.

En raison des biens et produits qu’ils manipulent ou des nuisances qu’ils génèrent, les sites industriels ont toujours été des cibles de choix pour les personnes mal intentionnées. Globalement, pas moins de 4 % des accidents survenus dans des installations industrielles françaises depuis 1992 et enregistrés dans Aria (la base de données du Barpi¹) sont imputés à un acte malveillant avéré ou supposé.

Plus de trois de ces accidents sur quatre (77 %) impliquent un incendie. Outre les cas où la mise à feu volontaire constitue le but premier, les cambriolages se soldent souvent par des incendies lorsque les malfaiteurs cherchent à dissimuler les traces de leur passage. Environ une fois sur deux, il y a pollution de l’environnement. Il s’agit soit de rejets volontaires de matières dangereuses ou polluantes dans le milieu naturel. Soit d’émissions de fumées d’incendies. Lorsqu’il y a pollution, les atteintes à l’environnement concernent l’air dans environ 60 % des cas. Les eaux superficielles ou souterraines dans 30 % des cas. Et les sols dans 20 % des cas.

Plus de 4 fois sur 5, ces événements ont également des conséquences économiques pour l’entreprise : dommages entraînant des travaux de réparation parfois très lourds, pertes d’exploitation, chômage technique…

Les cibles privilégiées des malfaiteurs

Les malfaiteurs ont des motivations variées qui les conduisent à agresser ou à s’introduire dans des installations de divers secteurs d’activités. Les commerces de gros ou de détail (garages automobiles, centres commerciaux, stations-service…) ainsi que les entrepôts de marchandises constituent des cibles privilégiées et représentent un quart des installations attaquées.

Caractéristiques des accidents liés à la malveillance par secteurs d’activité
Caractéristiques des accidents liés à la malveillance par secteurs d'activité (extrait rapport Barpi)
Source : Rapport Barpi (« Éléments d’accidentologie sur les actes de malveillance dans les installations industrielles »).

En deuxième position des cibles favorites se trouvent les installations de collecte et de traitement des déchets. Plus spécialement, les sites possédant des stockages extérieurs ou peu sécurisés : centres de tri, déchetteries, installations de stockage, plateformes de compostage… De tels sites sont bien plus vulnérables que les centres de traitement des déchets, comme les usines d’incinération, qui bénéficient d’une meilleure sécurisation. Globalement, 9 % des accidents impactant les activités de gestion des déchets sont liés à la malveillance. Bien plus que pour les autres secteurs !

En troisième place sur le podium, avec environ un quart des attaques, se trouvent les installations de fabrication-transformation. Industries chimiques, agroalimentaires et manufactures de produits métalliques sont les plus ciblées de cette catégorie.

Vulnérabilités révélées par les accidents : des pistes pour éviter les récidives

Qu’elles soient victimes d’un incendie criminel, d’un cambriolage ou d’un déversement volontaire de substance polluante, les installations industrielles prises pour cibles ont en commun des vulnérabilités dans leurs systèmes de protection. Vulnérabilités dont des personnes mal intentionnées savent tirer profit. À retenir parmi ces défaillances récurrentes :

De nombreux sites souffrent de clôtures en mauvais état, voire totalement absentes. Parfois, la clôture est présente mais de mauvaises pratiques d’exploitation empêchent le fonctionnement normal des dispositifs anti-intrusion.
Par exemple, le positionnement d’équipements le long de la clôture peut neutraliser le fonctionnement du faisceau des cellules anti-intrusion. Plusieurs accidents révèlent ainsi des défaillances criantes au niveau du contrôle d’accès, rendant possible une intrusion dans des locaux renfermant des produits dangereux.
Les intrus choisissent souvent la nuit, les périodes de fermeture ou d’arrêt temporaire des installations pour s’y introduire. L’absence de gardiennage ou d’autre mode de surveillance pendant ces phases est une erreur courante, en particulier dans le secteur de la gestion des déchets.
Les sites désaffectés, abandonnés après une liquidation ou une cessation d’activité sont des cibles de choix pour les pilleurs. En effet, des produits ou marchandises de valeur sont parfois maintenus en place après l’arrêt complet de l’exploitation.
L’absence de surveillance et de mesures de protection contre l’intrusion laisse la voie libre aux personnes mal intentionnées. Une configuration rencontrée dans l’ensemble des secteurs d’activités.
Les exploitants négligent parfois la protection d’équipements ou de matières vulnérables. Premier exemple : celui des stockages en extérieur. Que ce soit dans le secteur des déchets ou dans les activités de production/commerce, ces stockages sans protection bâtie sont fréquemment pris pour cible.
La problématique est identique pour les stockages situés en limite de propriété, à proximité des murs d’enceinte, qui peuvent ainsi être approchés sans attirer l’attention. Globalement, se pose la question de l’implantation géographique des installations. Isolées en rase campagne, elles peuvent parfois être attaquées sans attirer l’attention.
C’est également le cas des sites très étendus et donc difficiles à surveiller et à clôturer intégralement. Mais, même dans des endroits a priori très fréquentés, certaines zones souffrent parfois d’une surveillance insuffisante. Ainsi, réserves et stocks des supermarchés sont souvent la cible de vols.
De nombreux exemples révèlent une prise en compte insuffisante de certains signes annonciateurs tels que l’occurrence sur une courte période et dans un périmètre restreint de plusieurs incendies similaires.
Les leçons des événements passés ne sont pas non plus toujours utilisées à leur juste valeur. Certaines installations connaissent ainsi des récidives d’actes malveillants, alors qu’une vigilance renforcée et la mise en œuvre de certaines mesures correctives auraient probablement permis de les éviter.

À chacune de ces vulnérabilités correspondent des mesures préventives, techniques ou organisationnelles. Leur mise en œuvre doit permettre de progresser vers plus de sûreté pour les installations industrielles.

Des moyens d’action et traces de passages reconnaissables

En fonction de l’installation ciblée et de la motivation des malfaiteurs, les moyens employés diffèrent. S’ils restent généralement simples, ils se révèlent fort « efficaces ». Quelques exemples :

  • Projection d’une voiture bélier contre un entrepôt de marchandises pour le cambrioler.

  • Jet de cocktail molotov dans une installation de stockage pour y déclencher un incendie.

  • Ouverture des vannes d’une cuve de stockage de produits chimiques pour initier une pollution.

  • Inflammation de bouteilles de gaz dans une station-service.

Ces méthodes laissent derrière elles des indices et traces fort utiles au moment de l’enquête (portails fracturés, clôtures découpées, objets incendiaires tels que des bidons d’essence vides laissés sur place…).

Des éléments tels que la présence de foyers d’incendie multiples et simultanés ou encore la découverte d’une réserve d’eau incendie préalablement vidée permettent également d’exclure une origine accidentelle.

Retrouvez la synthèse complète du Barpi à ce sujet sur le lien suivant : « Accidentologie sur les actes de malveillance dans les installations industrielles ».

¹Barpi : Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels du ministère de la Transition écologique et solidaire.

Pauline Arama

Chargée de mission chimie fine, pharmacie, pyrotechnie, déchets, impacts sanitaires, webmestre du site internet ARIA.

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