Les chiffres introuvables de l’incendie en France

15 février 20195 min

Les chiffres introuvables de l’incendie
en France

En France, aucun organisme ne collecte de données sur les origines et les causes des incendies. Il faut s’appuyer sur des données partielles pour tirer des tendances. Cet article, publié dans le numéro 541 (avril 2018) de Face au Risque, reste d’actualité compte tenu de la nouvelle vague d’incendies qui touche l’Hexagone en ce début d’année 2019.

Il existe une différence entre les origines et les causes d’un incendie. Les origines sont le point de départ de la combustion (corbeille en papier, réunion d’un combustible et d’un comburant), tandis que la cause peut être une maladresse, un acte volontaire, un défaut sur l’alimentation électrique, etc. Ainsi, sur un même sinistre, on peut avoir pour origine la présence d’un mégot dans une poubelle et pour cause une négligence ou un acte volontaire.

Les statistiques malheureusement ne présentent pas cette nuance. Car, contrairement aux pays anglo-saxons, en France, aucun organisme ne collecte de données sur les origines et les causes des incendies (quelle que soit leur nature).

La recherche des causes des incendies n’est réalisée que par des experts sollicités par l’assurance, dans le cas de fraudes supposées ou réelles, ou par la police technique et scientifique en cas d’homicide et, depuis quelque temps, par des sapeurs-pompiers formés à la RCCI (recherche des causes et des circonstances d’incendie). Cependant, des données partielles permettent de se faire une idée des causes.

Départ de feu dans les habitations

En 2003, les sapeurs-pompiers ont répertorié précisément la localisation des départs de feu dans les habitations, ce qui permet d’imaginer les causes probables : local vide-ordures (29 %), chambre à coucher (23 %), salle de séjour (21 %), cuisine (20 %), autre (7 %).

Par ailleurs, d’autres statistiques parlent de 20 % des décès par brûlure qui seraient dus aux barbecues allumés ou ravivés par un liquide inflammable (white-spirit ou alcool à brûler). Un incendie sur quatre se déclare dans la cuisine (feu de friteuse, notamment). Et 20 à 30 % des incendies français recensés chaque année seraient d’origine électrique.

Il faut dire que « l’incendie électrique » est parfois la case « fourre-tout » pour expliquer un incendie dont l’origine est plus supposée qu’établie. À titre de comparaison, la police britannique estime que près de 20 % des incendies sont dus à un acte de malveillance.

Les chiffres Suisses

En Suisse, l’association des établissements cantonaux d’assurance effectue des études détaillées des causes et origines de l’incendie des bâtiments. Même si les contraintes réglementaires concernant les bâtiments ne sont pas les mêmes, ces chiffres permettent de se faire une idée des causes des sinistres.

La foudre arrive en tête avec 40,4 % (32 % étant liés aux actions indirectes de la foudre). Suivent l’électricité (22,8 %), les foyers déterminés c’est-à-dire cigarettes, bougies, guirlandes… (12,7 %), les installations de chauffage (8,6 %) et les incendies criminels (4 %).

Les autres origines connues comme les inflammations liées au frottement mécanique ou autres (3,2 %), les explosions (2,2 %) et les combustions spontanées (1,6 %). Ces dernières sont liées à la fermentation des végétaux (grains et foins, par exemple). Ce qui peut également conduire à des explosions, notamment dans les silos. Dans cette étude, 4,5 % des incendies demeurent sans origine déterminée.

Quelques repères tout de même

  • En France, chaque année, les sapeurs-pompiers, qu’ils soient civils ou militaires, interviennent sur plus de 300 000 feux, quelle que soit leur classification. Un chiffre en constante augmentation et qui a triplé en trente ans.

  • Toutes les deux minutes, un incendie, qu’il soit d’origine accidentelle ou volontaire, se déclare.

  • Tous les ans, les feux seraient responsables d’au moins 400 morts. Au moment de l’adoption des Daaf, on a vu circuler le chiffre de 800 morts. Ces chiffres n’ont jamais été vérifiés et des victimes peuvent décéder plusieurs jours après leur hospitalisation, soit des brûlures, soit des blessures irréversibles produites à leurs poumons. Enfin, ces données ne tiennent pas compte des victimes liées au monoxyde de carbone qui est pourtant le résultat d’une mauvaise combustion (3 000 victimes par an selon l’Institut de veille sanitaire).

  • En revanche, on sait que la plupart des sinistres se déclarent la nuit. Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) a d’ailleurs conduit des études précises sur la question dans les installations classées.

  • À noter : la plupart des incendies auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers sont des feux de végétation.
  • Une enquête du ministère du Travail fait ressortir que, selon les cas, 17 à 38 % des salariés estiment que leur travail induit un risque de brûlure.

  • La brigade des sapeurs-pompiers de Paris a publié, en 2002, une répartition des feux en fonction de la nature et de l’aliment principal (combustible) des incendies. Dans cette étude, les matériaux naturels (bois, cartons, papiers et cuir) semblent responsables de l’entretien et de la propagation de l’incendie dans plus d’un quart des sinistres. Suivent les corbeilles à papier, les amas de graisse, les arbres de Noël et leurs guirlandes, les pétards, les gaines, les peintures et les plastiques. Ceci donne une information aussi bien sur l’origine que sur la cause des sinistres.

  • Mais plus que les interventions dans les habitations, la plupart des incendies auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers sont des feux de végétation : feux de forêt ou de broussailles dont l’origine est le plus souvent humaine (acte intentionnel ou négligence) et, plus rarement, naturelle (foudre).

  • Enfin, les incendies de véhicules et les incendies sur la voie publique nécessitent plus de 120 000 interventions chaque année.

David Kapp
Rédacteur en chef

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