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L’incendie rue Erlanger rallonge la liste des incendies volontaires meurtriers à Paris

6 février 2019•Eitel Mabouong•8 min•

Le bilan n’a cessé de s’alourdir au fil des heures. L’incendie qui a touché le 17^bis de la rue Erlanger (Paris XVI^e), dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 février 2019, fait désormais état de dix morts et d’une trentaine de blessés. La thèse d’un incendie volontaire est la plus avancée à l’heure actuelle. Une femme d’une quarantaine d’années, disposant d’antécédents psychiatriques lourds, a fait l’objet d’une garde à vue.

Les cas d’incendie se font nombreux à Paris depuis le début de cette année 2019. Il y a d’abord eu l’incendie mortel de la rue de Trévise du 12 janvier dernier, où les flammes avaient été la conséquence d’une explosion de gaz. Deux semaines plus tard, le 31 janvier, c’est près de la Porte d’Orléans (Paris XIV^e) que le feu a ravagé un bâtiment. Sans qu’aucune perte humaine ne soit toutefois à déplorer cette fois-ci. Moins de sept jours après ce nouveau cas, c’est désormais au 17^bis rue Erlanger qu’un incendie s’est déclenché dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 février.

Contrairement aux deux précédents de cette année 2019, le feu semble cette fois avoir été provoqué de manière intentionnelle. Les premières sources vont en tout cas dans ce sens ces dernières heures. Il est ainsi question d’un feu provoqué sur les coups de 0h30 par une femme d’une quarantaine d’années présentant des antécédents psychiatriques lourds.

#Intervention Feu d’immeuble Paris 16 : 50 sauvetages, 8 personnes décédées, 1 urgence absolue, et 36 urgences relatives.
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— Pompiers de Paris (@PompiersParis) 5 février 2019

Une querelle de voisinage tourne au règlement de compte

Une quarantaine de minutes avant le départ des flammes, un voisin de la suspecte – qui vivait elle-même dans ce bâtiment – avait appelé les forces de l’ordre pour se plaindre « d’un comportement agité et de hurlements » relate LCI. L’intéressé, lui-même sapeur-pompier à la BSSP (Brigade des sapeurs-pompiers de Paris), a livré son témoignage auprès du Parisien.

« Nous étions dérangés par ma voisine qui avait mis le son de la musique très fort chez elle. (…) Hier soir (le lundi 4 février au soir), ma compagne est allée frapper à sa porte et elle s’est fait insulter. Je suis pompier professionnel à la BSPP et c’est pour ça que j’ai appelé le 17, vers 23 h 50 », lance-t-il dans un premier temps… Avant de donner davantage de précisions sur cette querelle de voisinage qui débouchera sur un incendie meurtrier.

« Après le départ [des policiers], ma voisine a essayé de défoncer ma fenêtre et ma porte. (…) Un voisin m’a expliqué qu’il y avait du papier devant ma porte avec du bois. Elle a dû mettre le feu chez moi pour se venger », conclut celui qui – au début – devait sans doute être l’unique cible de sa voisine.

Le 17^bis rue Erlanger, un bâtiment difficile d’accès

L’incendie rue Erlanger rallonge la liste des incendies volontaires meurtriers à Paris (Photo Google Maps, street view 3)

Une dizaine de minutes avant le départ de cet incendie, les policiers quittent donc le bâtiment du 17^bis rue Erlanger, situé dans le XVIe arrondissement de Paris. Le feu se déclenche vers 0h30. Moins de dix minutes plus tard, les forces d’intervention sont alertées par ce départ d’incendie. Arrivés sur place, les 200 à 250 hommes mobilisés par la BSPP se rendent alors compte de la difficulté de leur tâche.

« Il faut traverser l’immeuble sur la rue. (Puis) on arrive sur une courette desservant le bâtiment qui s’est embrasé. C’est pourquoi nous n’avons pas pu déployer nos échelles automotrices, les échelles automatiques, les véhicules », confie ainsi le capitaine Clément Cognon, porte-parole des pompiers, au Monde.

Faute de pouvoir intervenir directement, les sapeurs-pompiers sont immédiatement contraints de revoir leur stratégie. « À la place, ils doivent prendre les échelles à main, traverser le premier immeuble, passer dans le corridor, et, une fois dans la cour, utiliser leurs équipements », résume le quotidien sur son site internet.

Entre le départ du feu et la mise en place des installations par la BSPP, plusieurs dizaines de résidents se sont réfugiés sur les toits du bâtiment enflammé au niveau des septième et huitième étages, les deux plus élevés de cet immeuble construit dans les années 1970.

Après plus de cinq heures de lutte, les pompiers parviennent finalement à prendre la mesure du feu. Durant ce laps de temps, dix personnes – dont un enfant en bas âge – ont perdu la vie. Trente-sept, parmi lesquelles huit pompiers, ont été blessées. Tandis qu’une cinquantaine d’autres ont pu être sauvées des flammes par les soldats du feu. Des sauvetages périlleux effectués par le biais d’échelles, mais également en rappel au moyen de cordes.

La suspecte placée en garde à vue

Si aucune conclusion n’a encore officiellement été tirée pour le moment, la piste menant à un incendie criminel est la plus probable. « La thèse criminelle est privilégiée », a d’ores et déjà annoncé à la presse Rémy Heitz, procureur de la République à Paris.

La suspecte – âgée d’une quarantaine d’année et aux antécédents psychiatriques lourds – a été interpellée en état d’ébriété aux alentours d’une heure du matin, alors qu’elle tentait d’incendier le rétroviseur d’un véhicule… Non loin du 17^bis rue Erlanger. Après avoir fait l’objet d’une garde à vue durant la journée du mardi 5 février, elle a été intégrée à l’infirmerie de la préfecture de police.

Une enquête pour « incendie et destruction volontaires ayant entraîné la mort et des blessures » est par ailleurs ouverte comme l’a confié Rémy Heitz. Celle-ci a été placée sous la directive du premier district de la police judiciaire de Paris.

Des doutes sur le bâtiment…

À noter enfin que le bâtiment datant des années 1970 n’est officiellement pas mis en cause jusqu’à présent. « C’est un immeuble d’une cinquantaine d’années qui n’était pas connu pour des questions d’insalubrité. Au moment où je vous parle [dans la matinée du mardi 5 février], il ne présentait pas de défauts connus », a conclu Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement.

En dépit de cela, certains résidents de l’immeuble ont déclaré au micro de France 2 – quelques heures plus tard – que des matériaux de construction du bâtiment se sont avérés « particulièrement inflammables ». Pour rappel, l’incendie, qui est parti du deuxième étage, s’est très vite propagé aux niveaux supérieurs. Jusqu’aux septième et huitième étages , les plus élevés de l’immeuble. Les suites de l’enquête permettront de lever ces doutes.

D’autres cas d’incendies volontaires meurtriers à Paris

Cet incendie de la rue Erlanger, probablement volontaire, n’est pas sans rappeler deux autres faits divers similaires ayant eu lieu à Paris ou sa couronne ces dernières années.

L’incendie de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) : 18 morts

L’incendie de la rue Erlanger n’est pas le seul à avoir comme point de départ une querelle de voisinage. Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2005, trois adolescentes mettent le feu à la boîte aux lettres d’une de leur camarade pour une histoire de “rivalité”.

Si le feu s’est finalement cantonné au hall de cette tour de 18 étages, le bilan final de cet incendie volontaire meurtrier sera néanmoins de 18 pertes humaines. Toutes pour des raisons d’intoxication dues à la fumée.

À noter qu’à l’époque, les expertises avaient relevé plusieurs non-conformités du bâtiment en matière de sécurité incendie. Ces manquements auraient été un facteur aggravant de la propagation des flammes au sein du bâtiment.

L’incendie de l’hôtel Paris-Opéra (rue de Provence, Paris 9^e) :24 morts, 54 blessés

Il était à l’époque décrit par une partie de la presse comme « l’incendie le plus meurtrier à Paris depuis la libération ». Un défaut d’aménagement et une surpopulation, dans un lieu qui servait de logement temporaire pour les personnes en situation précaire, auront eu des conséquences fatales à l’heure du bilan.

Comme pour L’Haÿ-des-Roses, et probablement la rue Erlanger, cet incendie a eu comme point de départ une querelle. Non pas de voisinage, mais amoureuse.

« Homicides et blessures involontaires »

Dans la nuit du 14 au 15 avril 2005, une dispute entre le veilleur de nuit (connu pour être le fils du gérant de l’hôtel Paris-Opéra) et une de ses conquêtes éclate dans la salle de repas de l’hôtel, réaménagée en chambre à certaines occasions.

Durant cette querelle, la jeune femme jette des vêtements et des couvertures au sol. Par maladresse, ces dernières atterrissent près d’une dizaine de bougies allumées… Et ne tardent pas à s’enflammer.

Ayant consommé de l’alcool et plusieurs substances illicites, le veilleur de nuit de l’hôtel tarde à prévenir les secours. C’est finalement depuis un hôtel voisin que l’alerte sera donnée une dizaine de minutes plus tard… Ou plutôt, une dizaine de minutes trop tard.

L’aménagement du bâtiment, qui ne dispose que d’un escalier unique et d’aucun accès direct côté cour, ne permet pas une évacuation rapide des lieux. Durant cette dizaine de minutes fatidiques, plus d’une vingtaine de personnes sont ainsi bloquées entre le quatrième étage et le sixième (et dernier) niveau de l’immeuble.

Le bilan final est de 24 décès (dont 11 enfants) et 54 blessés. Soit 78 personnes touchées… Pour un établissement qui, à l’origine, ne devait pas accueillir plus de 62 personnes par nuitée. Coupable d’avoir provoqué ce départ d’incendie, la jeune femme écopera en appel de trois années de prison (dont une avec sursis) pour « homicides et blessures involontaires ».