Les solutions de lutte anti-drones

5 décembre 20187 min

Le drone, s’il est un objet de loisirs, peut aussi être utilisé pour des attaques de sites sensibles voire d’entreprises. Des dispositifs de lutte anti-drones émergent.

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S’il est principalement utilisé en tant que matériel de loisirs, l’aéronef sans pilote à bord, plus communément appelé drone, est de plus en plus perçu comme un risque pour les entreprises sous de multiples facettes : espionnage de données sensibles ou personnelles avec des appareils photos ou des caméras embarquées, attaques avec l’intégration d’explosifs ou d’armes, accidents (chute, collision), intrusion.

Un danger d’espionnage

Le secteur de la défense et les sites sensibles (centrales nucléaires, opérateurs d’importance vitale) ont bien identifié le risque. Mais ce n’est pas encore le cas pour les industries.

Plusieurs événements en 2018 ont démontré le potentiel nuisible de l’usage d’un drone… Sur des personnes ou des biens. Parmi les cas les plus médiatisés, celui du 6 août 2018. Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, aurait été visé par un attentat au drone explosif alors qu’il assistait à un défilé militaire.

Plusieurs politiques visés et des centrales nucléaires

En France, le 6 juillet 2018, le Fort de Brégançon, où Emmanuel Macron passait ses vacances, a été survolé par un drone. L’appareil a été neutralisé par un système de brouilleur d’ondes. Trois jours auparavant, des militants de Greenpeace avaient dirigé un drone « déguisé » en superman pour l’écraser contre un réacteur de la centrale nucléaire du Bugey afin de démontrer les failles de sécurité des centrales.

La riposte s’organise

En octobre 2018, un séminaire était spécifiquement dédié aux systèmes innovants pour la lutte anti-drones. Il était organisé par le pôle de compétitivité Safe Cluster et ses partenaires le SGDSN, le Cluster Censec, la République et Canton de Genève, l’Aéroport Avignon Provence ainsi que l’ensemble des membres du réseau RPAS Network.

Pour contrer ces attaques, de nombreux systèmes anti-drones ont été mis en place ces dernières années qui suivent l’évolution des technologies. Il existe trois étapes de sécurisation de l’espace aérien d’un site contre les aéronefs sans pilote à bord :

  • la détection: surveillance 24 h/24 et déclenchement d’une alerte en cas d’intrusion ;
  • l’identification de l’appareil s’il s’agit d’une menace ou d’une fausse alerte ;
  • la neutralisation: capture, brouillage ou destruction de l’engin.

Pour chaque étape, plusieurs outils et moyens permettent de repérer et d’immobiliser l’appareil.

Les systèmes de détection

La détection d’engin aérien intrus dans une zone s’effectue via des radars. Ou des systèmes optiques.

Un radar actif détecte un drone pesant de quelques centaines de grammes à quelques kilos en émettant une onde électromagnétique pour repérer tout engin dans un espace donné.

Un radar passif, quant à lui, intercepte toutes les ondes émises entre un drone et sa radiocommande.

Il existe également des systèmes de détection sonore. Ils se présentent sous forme de boîtiers reliés à des micros positionnés en hauteur.

Ils peuvent détecter le passage d’un drone par le bruit de ses hélices dans un rayon d’une centaine de mètres. L’alerte est ensuite envoyée par mail ou par SMS. Cependant, ils sont peu efficaces dans un environnement bruyant comme les zones urbaines.

Les systèmes d’identification

Des technologies de radars holographiques permettent de surveiller l’espace aérien et de détecter des petites cibles mobiles telles que des drones à une distance qui peut aller jusqu’à 10 km. Cela grâce à un faisceau laser en flux continu. Actuellement, Thales développe un système d’identification par radar holographique pour Aéroports de Paris.

L’agence nationale de la recherche (ANR) a été missionnée par le Gouvernement pour engager un programme de recherche et de protection de zones sensibles contre les drones aériens. Un appel à projets a été lancé en décembre 2014.

Parmi les deux projets sélectionnés, le projet Angelas (Analyse globale et évaluation des technologies et méthodes pour la lutte anti-UAS) rassemble des capteurs optroniques, électromagnétiques et acoustiques.

Les données rassemblées sont recueillies par des multi-senseurs permettant de détecter et d’identifier les menaces liées aux drones.

Les systèmes de neutralisation

Il n’existe pas de réglementations pour neutraliser les aéronefs sans pilote à bord. Les systèmes de neutralisation sont principalement utilisés sur les sites sensibles.

Les brouilleurs d’ondes

Ils brouillent les fréquences à un endroit ciblé pour parasiter le signal GPS de l’engin causant sa désorientation.

Il est également possible d’envoyer un vrai signal GPS pour indiquer une fausse position ou de brouiller le signal vidéo pour les drones équipés de caméras.

« À l’origine développés pour le secteur de la défense dans le cadre d’opérations militaires, ces systèmes nécessitent des autorisations spéciales pour des événements publics de grande ampleur. Ils sont de ce fait principalement utilisés par les forces de secours (Police, Gendarmerie) », explique Hubert Bérenger, responsable du programme des systèmes autonomes de Safe Cluster, pôle de compétitivité basé à Aix-en-Provence et spécialisé dans l’aéronautique et la sécurité des biens et des personnes.

C’est l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui attribue les autorisations.

Cette technique est considérée comme la plus efficace. Car elle cible plus précisément l’appareil jusqu’à une centaine de mètres.

L’inconvénient est que la chute de l’appareil peut entraîner des dommages collatéraux sur des personnes ou des zones à risque.

Les systèmes de brouillage peuvent également perturber d’autres équipements alentours.

Actuellement, le Pentagone américain a annoncé travailler sur des contre-brouilleurs. Des brouilleurs capables de brouiller les brouilleurs GPS…

Ils pourront détecter et éliminer les faux signaux envoyés par l’ennemi pour brouiller les appareils en réémettant les signaux authentiques sur les bonnes longueurs d’onde.

Les filets

« Les systèmes équipés de filets sont utilisés en dernier recours, sur une distance de quelques dizaines de mètres », explique Hubert Béranger. Au Royaume-Uni, des fusils à filets ont été développés pour capturer un engin. Des drones équipés de filets peuvent également attaquer les appareils intrus pour les emprisonner.

Les aigles

Cette technique plus insolite fait appel aux rapaces pour attraper les drones en plein vol. Leur utilisation se fait pour le moment en phase d’expérimentation.

Les premiers à faire appel aux aigles ont été la police néerlandaise en 2016.

Inconvénients de cette solution : son coût très onéreux et sa dangerosité pour l’animal qui peut subir des blessures dues aux hélices des drones.

De plus, ces volatils ne font pas le poids face aux nouveaux modèles, plus rapides et plus volumineux.

En France, ils sont utilisés à titre expérimental par l’armée de l’air. En juin 2018, l’expérience a tourné court dans les Pyrénées- Atlantiques lorsqu’un aigle royal de l’armée de l’air, entraîné pour repérer des drones dans l’espace aérien, a confondu un engin avec une petite fille de cinq ans.

Les drones anti-drones ou drones intercepteurs

Plus gros et plus puissants qu’un drone classique, ils pourchassent d’autres drones par des systèmes de filets, de brouillage, de flashs lumineux pour éblouir les caméras.

Il existe aussi des « drones kamikazes » qui percutent la cible.

Les lasers

Ils sont utilisés principalement aux États-Unis et en Chine pour des applications militaires.

Le laser cible le drone et fait chauffer les circuits pour détruire les composants électroniques de l’engin.

La réglementation

La loi drones du 24 octobre 2016 est venue compléter les arrêtés du 17 décembre 2015 pour prendre en compte les enjeux de sécurité des sites sensibles. Cette loi a instauré la responsabilité pénale du télépilote. Lequel doit avoir suivi une formation préalable.

Cette formation ne s’applique pas pour la conduite d’un aéronef sans pilote à bord à des fins de loisirs.

Lorsque le pilote effectue certaines opérations professionnelles hors vue, il doit être détenteur d’un titre définit par décret en conseil d’État.

À partir du 1er janvier 2019, les aéronefs supérieurs à 800 grammes devront être obligatoirement enregistrés et disposer d’une immatriculation pour ceux de plus de 25 kg.

Ils devront par ailleurs être équipés d’un dispositif de signalement lumineux et sonores ainsi que d’un dispositif de signalement électronique ou numérique.

Valérie Dobigny, journaliste

Valérie Dobigny – Journaliste

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