Intervention du Raid sur une agression au CHU de Caen : retour d’expérience

9 novembre 20185 min

Intervention du Raid sur une agression au CHU de Caen : retour d’expérience

Les établissements de santé se préparent au risque terrorisme. C’est d’ailleurs l’objet du plan d’actions ministériel sur la sécurisation des établissements de santé du 4 novembre 2016. Si en France ces établissements n’ont pas encore été la cible d’actions terroristes, une intrusion a eu lieu en mars 2018 au CHU de Caen qui a demandé l’intervention du Raid. Sur le salon Expoprotection, lors d’une conférence sur la protection d’un établissement de santé en cas d’agression terroriste, deux policiers de cette unité d’élite racontent l’incident.

Le soir du 9 mars 2018 vers 20 h, un jeune homme, portant un grand sac, se présente à l’accueil de l’un des bâtiments du CHU. Devant le refus du personnel hospitalier de le laisser monter, il tient des propos menaçants : « Je suis islamiste et j’ai des explosifs » rapporte Sylvain Joly, commissaire divisionnaire adjoint au chef du Raid. Il se dirige alors vers les ascenseurs. La sécurité du site est prévenue, puis les forces de l’ordre qui arrivent vers 20 h 30 ; d’abord la patrouille de police secours, ensuite la Brigade anti-criminalité.

Le bâtiment est vaste et haut (une vingtaine d’étages). Le profil du suspect et les menaces proférées sont suffisamment crédibles pour demander, vers 22 h, l’intervention du Raid. L’unité d’élite de la Police nationale arrive sur les lieux à 23 h. Elle se coordonne immédiatement avec les unités en place (police mais aussi service de sécurité/sûreté du site, gestionnaire de l’établissement…).

La stratégie adoptée

L’individu, prétendument armé, n’est pas localisé. L’absence de vidéoprotection dans les endroits stratégiques empêche de retracer son parcours.

Devant l’énorme zone à fouiller, le Raid décide « de lever le doute en ratissant tout le bâtiment, des étages inférieurs vers les supérieurs et de l’extérieur des niveaux vers l’intérieur », explique Sylvain Joly. Certaines zones, identifiées avec le service Sécurité de l’hôpital, sont exclues du ratissage puisqu’elles sont verrouillées. Patients et personnel sont cloisonnés. L’avancée des équipes est coordonnée, chaque unité rendant compte en temps réel de son évolution au PC sécurité.

Matthieu Langlois et Sylvain Joly du Raid - Crédit : MP/Face au Risque

Les véhicules du Samu sont délestés vers les autres hôpitaux de la région. Les urgences du CHU, sécurisées, restent ainsi à la disposition d’une possible arrivée massive de blessés causée par une éventuelle tuerie de masse.

La fouille du bâtiment se termine à 4 h sans avoir retrouvé l’individu. Finalement, il n’était plus dans les lieux depuis longtemps. « Il avait rapidement quitté l’établissement sans être monté dans les étages », précise le policier du Raid. Il a été interpellé trois jours plus tard par la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) de Rouen. Il s’agissait d’un jeune d’une quinzaine d’années, connu par la justice pour divers cambriolages.

Principe de précaution

Ce déploiement des forces de l’ordre, mais aussi des pompiers, du préfet et du maire de la ville, peut, a posteriori, sembler démesuré. Cependant, « le principe de précaution a été appliqué, avait alors estimé la procureure de la République, Carole Étienne, dont les propos ont été rapporté par Ouest-France. Un individu a proféré de graves menaces à l’intérieur d’un établissement de soins. Le dispositif de vérification et de sécurité était adapté aux circonstances. »

Le retour d’expérience

Les policiers du Raid ont tiré des enseignements précieux de cette intervention.

En point positif, la très bonne coordination entre les différents acteurs. « Le gestionnaire du site et les services de sécurité du CHU nous ont délivré de nombreuses informations essentielles sur la géographie des lieux, la destination des salles. Et la stratégie préfectorale en termes de communication a été cohérente », signale notamment Sylvain Joly.

En revanche, la conduite à tenir délivrée au personnel soignant a été compliquée. De ce point de vue, la prévention est à revoir assurent les policiers.Dans le cadre d’une intervention sur une tuerie de masse, « il est vrai que le soignant veut soigner mais l’opération de police doit primer sur les opérations de secours », affirme Matthieu Langlois, médecin chef au Raid.

Il ajoute que lorsqu’un hôpital est agressé, il faut gérer à la fois la notion de plan de continuité de soins pour les malades présents mais aussi l’arrivée massive de victimes. « Les établissements de santé sont-ils adaptés et préparés à un afflux de victimes ? » s’interroge-t-il. Il faut réfléchir sur les délais de prise en charge acceptable pour une évacuation vers d’autres établissements. » Ce qui peut être problématique dans certaines régions.

« L’affaire de Caen nous a montré, d’une part, que nous ne pouvions pas intervenir dans un établissement de santé comme dans n’importe quel autre établissement et, d’autre part, l’importance de nous appuyer sur les équipes locales », conclut Sylvain Joly.

Martine POREZ

Martine Porez
Journaliste

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