Le plan de sauvegarde des œuvres dans les expositions temporaires
Le plan de sauvegarde des œuvres dans les expositions temporaires
Comment élaborer un plan de sauvegarde des œuvres pour les expositions temporaires ou les réserves partagées et/ou mutualisées. Paris Musées, l’établissement public qui regroupe les 14 musées de la ville de Paris l’a fait et nous explique comment.
Frédéric Plouvier, conseiller sécurité et sûreté à Paris Musées nous proposait de découvrir une méthode d’élaboration des plans de sauvegarde établis par Mylène Florentin et Lora Houssaye. Ce second volet traite de façon plus spécifique la réalisation d’un plan de sauvegarde des œuvres pour les expositions temporaires et les réserves externalisées/mutualisées.
La première étape, après l’analyse des risques, reste la priorisation des collections. Elle naît du croisement de la liste des œuvres en prêt et des œuvres ayant le plus grand score, d’après le calcul du cumul des valeurs : valeur scientifique, intérêt historique, artistique, stylistique, rareté, provenance, sensibilité, difficulté d’évacuation de l’œuvre et valeur d’assurance.
Pour les expositions temporaires, une liste des œuvres exposées est généralement déjà réalisée. Il suffit donc de la réutiliser pour en faire une liste d’œuvres prioritaires.
On rappelle que le guide méthodologique de l’élaboration du PSO comprend deux volets :
- le volet musée. Il reste strictement identique à celui de l’exposition permanente, sauf s’il y a des travaux dans le bâtiment, ce qui peut modifier les scénarios d’évacuation. Il faut s’assurer que la liste d’appel aux volontaires est bien établie et mise à jour régulièrement ;
- le volet pompier, remis par le coordinateur PSO au commandant des opérations de secours (COS). C’est l’outil qui permet au COS de visualiser l’ensemble des actions de sauvegarde des œuvres qu’il devra appliquer. Ce volet comprend 3 documents à mettre à jour :
- La liste d’œuvres prioritaires dont découle les listes de pointages. Elle contient les informations sur la localisation (numéro PSO et numéro de la salle), l’identification (photo de l’œuvre et brève description), les préconisations d’évacuation (nombre de personnes requises et matériels nécessaires) et un dessin de manipulation. Enfin, les matériaux constitutifs de l’œuvre (pour les restaurateurs qui interviennent dans l’après-sinistre).
- Le plan pompier intégrant la scénographie de l’exposition et l’ensemble des œuvres prioritaires localisées sur le plan.
- Et enfin , les fiches salles. C’est sur ce point que Valériane Rozé a particulièrement réfléchit afin de rendre la réalisation du PSO plus simple. Il est proposé de remplacer les « 10 fiches œuvres » par « 2 à 4 fiches salle(s) ». Sur une fiche format A3, sont localisées et représentées les œuvres prioritaires d’une salle ou groupe de salles. Il faut imprimer autant d’exemplaires de cette fiche salle que d’œuvres prioritaires dans cette salle ou groupe de salles. Le COS n’a plus qu’à entourer au feutre l’objectif à réaliser pour le binôme de pompiers, à savoir l’œuvre à évacuer parmi l’ensemble des œuvres pouvant se trouver sur la fiche salle. La même démarche peut être réalisée avec le plan pompier. Il peut être réimprimé en autant d’exemplaires que d’œuvres à évacuer, afin d’éviter la réalisation de fiches salles quand la taille de l’institution le permet (lorsque les circulations et photos d’œuvres sont lisibles sur plan A3).
Les musées qui disposent d’un PSO et qui réalisent celui de leurs expositions temporaires peuvent inclure une clause au sein de leur Facility Report sur la présence d’un Plan de sauvegarde des œuvres au sein de leur institution. Cette close de principe, en cas de péril, devrait avertir le prêteur du travail en amont de l’institution en cas de situations d’urgences.
J’ai travaillé principalement sur la réalisation de plan de sauvegarde pour les expositions temporaires, mais aussi sur les réserves externalisées du musée. Une méthodologie ayant déjà été mise en place, j’ai dû l’adapter pour les expositions temporaires, et produire une nouvelle trame de plan de sauvegarde. La forte fréquence des expositions temporaires rend ce travail effrayant, car il paraît chronophage pour le personnel de la conservation d’assurer la mise à jour de leur PSO.
L’exposition temporaire présente trois particularités notables : la brièveté de la présentation des collections exige la rapide mise à jour des PSO, l’intégration d’un important nombre d’œuvres en prêt et enfin la possibilité de rotation des œuvres les plus sensibles (certaines œuvres graphiques, manuscrits ou textile).J’ai adapté un volet de la méthodologie pré-existante pour faciliter la réalisation du PSO des expositions temporaires et donc par la même occasion la mise à jour du PSO d’un établissement (estimé à trois jours).
Les réserves externalisées et mutualisées
La principale difficulté des réserves est le mouvement entrée/sortie des œuvres. La traçabilité de ces mouvements au fil du temps, et principalement la localisation des œuvres prioritaires, est parfois difficile. Dans notre cas, la priorisation s’est faite par typologie de collections, des plus sensibles au feu et à l’eau, aux moins sensibles. Seules les œuvres dont le poids et la taille permettent l’évacuation par les escaliers ont été priorisées. Dans les réserves, les œuvres ayant déjà été rangées par typologie, des zones de priorisation ont été définies (étagères avec petits objets 3D, grilles à tableaux…).
L’autre difficulté est la mutualisation des réserves de plusieurs musées parisiens dans un même espace de Paris Musées.
L’organisation proposée permet, après le sinistre, d’évacuer le plus rapidement possible les œuvres et d’amorcer la chaîne d’évacuation des œuvres via le déclenchement du plan : évacuation des collections en zones prioritaires, zone de transit, repli, pointage, étiquetage, constat d’état, photos, choix du traitement, restaurations, nouveaux conditionnements.
Lors d’un incendie dans une réserve externalisée d’œuvres d’art, les sapeurs-pompiers prennent le contrôle du bâtiment et en interdise tout accès à l’intérieur mais également aux abords, rendant l’évacuation des œuvres particulièrement difficile. Dans certains cas, le potentiel calorifique lié au matériel de conditionnement et à la nature des collections est si important qu’il est impossible pour les sapeurs-pompiers de pénétrer dans les lieux afin d’évacuer des œuvres. Il faudra obligatoirement attendre la fin des opérations d’extinction pour commencer à évacuer les œuvres prioritaires. C’est donc un PSO après-sinistre que nous avons conçu.
Ce constat met en évidence les besoins pour qu’un PSO soit pérenne dans des réserves. Une réserve doit envisager, dès sa conception, les différents besoins pour la bonne conservation des œuvres. Cela passe également par la sauvegarde de celles-ci lors d’un sinistre.
En outre, pour les réserves et les musées, nous avons mis en place une procédure de protection ponctuelle pour un autre risque : les fuites d’eau.
Les protections ponctuelles : les fuites d’eau
Pour les réserves sprinklées ou les musées exposés à des fuites d’eau, des fiches réflexes ont été conçues pour la mise en œuvre de protections ponctuelles en prévoyant également le matériel nécessaire à proximité des zones à risque.
Plusieurs méthodes ont été développées selon le risque majeur analysé et selon les espaces traités. J’ai notamment pu avancer sur le risque inondation par la réalisation de fiches réflexes, l’organisation d’exercices et la mise en place d’équipements de protection en cas de crue (batardeaux, Siporex…). Afin de faciliter la diffusion de l’information, des dépliants ont également été réalisés et distribués aux musées.
En conclusion
Pour récapituler, les méthodes développées sont les suivantes :
- expositions permanentes et temporaires : risque crue (risque à effet différé à Paris) et risque incendie (risque à effet immédiat);
- réserves externalisées et/ou mutualisées : PSO après sinistre (risque incendie);
- protection ponctuelle : risques fuites.
À l’aide de ce panel de fiches modèles, l’objectif est que les musées puissent se les approprier, pour l’adapter à leur musée ou réserves. Ce travail de diffusion se fait par le biais de réunions avec les référents PSO des divers établissements, afin de voir avec eux quelles sont les adaptations à réaliser et pouvoir répondre à leurs spécificités. La méthodologie reste la même, mais il est important que chaque PSO soit adapté à l’établissement qui le mettra en œuvre.
Frédéric Plouvier, conseiller sécurité et sûreté à Paris Musées
Pour quelles raisons s’intéresser aux œuvres présentes dans les réserves ?
Frédéric Plouvier. Après avoir traité l’organisation des plans de sauvegarde des expositions permanentes, il était cohérent de continuer notre réflexion sur ce sujet, pour traiter les expositions temporaires et les réserves. Nous avons donc repris attache avec l’Université Paris 1, pour leur proposer ces nouveaux sujets, dans le cadre de leur master 1 en conservation préventive du patrimoine. Connaissant bien la problématique, c’est à Mylène Florentin, chargé de missions PSO à Paris Musées qu’a été confié l’encadrement durant deux mois de Claire Lacarrière et Valériane Rozé.
L’objectif était double : créer une méthodologie facilement reproductible et opérationnelle pour la rédaction de plans de sauvegarde des œuvres pour expositions temporaires et réserves, rédiger et éprouver ces méthodologies au travers de la rédaction d’expositions temporaires en cours et des réserves en exploitation. Une contrainte supplémentaire a été ajoutée. Les méthodologies doivent être dans la continuité du travail des PSO des expositions permanentes, afin d’éviter d’appliquer une nouvelle méthode, et avoir une cohérence pour les personnels devant rédiger ces documents.
Les travaux de Claire et de Valériane sont-ils à la hauteur de vos attentes ?
Absolument, les méthodes qui ont été développées, tant pour les expositions temporaires, que les réserves sont dans la continuité de ce que nous avions établi il y a un an : faciles à rédiger, avec des moyens informatiques classiques, reproductibles aisément, aisées à mettre à jour, et le plus important, simples et opérationnelles.
Quelles sont maintenant les prochaines étapes envisagées ?
Nous avons à mener deux importants chantiers dans les années à venir. La rédaction systématique des PSO pour nos expositions temporaires. Cela sera un gros travail de sensibilisation des équipes car chacun possède une charge de travail importante, et la crise majeure n’arrive quasiment jamais. Le second est l’organisation plus régulière des exercices PSO avec les supports pédagogiques créés.
De quoi se composent ces supports pédagogiques ?
Faire des exercices de manipulation d’œuvre originelle avec le personnel n’est pas réalisable. Aucun conservateur ne laissera manipuler ses œuvres pour effectuer un exercice quand bien même cela est nécessaire et fort utile. Le risque de dégradation est trop important. Le défi était de constituer dans des caisses de faible dimension 60 cm x 40 cm et facilement transportables, des supports pédagogiques modulables d’une vingtaine d’objets par contenant.
Pour répondre à cette problématique, nous avons créé avec l’aide de nos collègues des ateliers d’Ivry menuiserie/serrurerie, de faux tableaux modulables pouvant atteindre jusqu’à 200 cm de côté, de faux objets avec ou sans poignées, et d’autres supports. Trois caisses, en cours de constitution, seront, d’ici la fin de cette année, disponibles pour nos établissements dans le cadre de la réalisation d’exercices. Ces travaux seront l’aboutissement d’un long travail alliant tous les services des musées de la Ville de Paris. Nous n’avons été que l’investigateur de ce travail collectif.
Reste le défi ultime que nous devons mener tous ensemble dans les prochaines années : faire vivre ce travail à travers des mises à jour de documents, des exercices, afin d’être prêt lors d’une crise majeure.
Frédéric Plouvier
Tour à tour, Chargé de sécurité en grande distribution, responsable Opérationnel Musée puis responsable d’un service prévention Gestion Immobilière, il est depuis 2015, conseillier Sécurité / Sûreté de Paris Musées, l’établissement public qui rassemble les quatorze musées de la ville de Paris. Frédéric Plouvier est par ailleurs agréé INSSI et CERIC, qualifié IGR et diplômé d’un Master spécialisé Gestion des risques sur Territoires.
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