“Nous sommes désormais confrontés à des feux se propageant par l’extérieur”
De nouveaux modes de construction voient le jour et entraînent, en cas d’incendie, de nouveaux risques pour les sapeurs-pompiers, particulièrement dans les habitations. Les sapeurs-pompiers doivent anticiper et adapter leurs méthodes d’intervention. Et préconiser une meilleure prévention en amont.
Le colonel Stéphane Contal, directeur départemental adjoint du Sdis 95 et expert référent à la commission prévention incendie de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), nous explique les enjeux des interventions liées aux nouveaux matériaux tels que l’isolation thermique, les panneaux photovoltaïques ou encore le recours au bois pour la structure des bâtiments.
Face au Risque. Quels sont les risques qu’entraînent les nouvelles constructions ?
Stéphane Contal. L’isolation thermique par l’extérieur (ITE) nous préoccupe beaucoup. Nous avons en tête l’incendie de la tour de Roubaix [NDLR. le 14 mai 20121] avec une propagation rapide, limitée en horizontalité mais étendue en verticalité. Auparavant, nous étions surtout confrontés à un développement de l’incendie par l’intérieur des bâtiments. À présent, nous sommes confrontés à des feux se propageant également par l’extérieur, ce qui complexifie notre action. Lorsque nous arrivons sur un incendie, nous ne connaissons pas forcément le comportement au feu des matériaux des revêtements de façade, en particulier sur les habitations. En IGH ou en ERP, la réglementation incendie nous permet d’être plus sereins.
Comment adaptez-vous l’intervention face à ces nouveaux risques ?
S. C. Nous travaillons sur les techniques d’attaque et la compréhension du comportement des nouveaux matériaux et du développement de l’incendie, plus particulièrement des phénomènes thermiques, notamment pour la sécurité de nos personnels. À l’image de Grenfell, où l’intégralité de la façade a été détruite rapidement, si les matériaux utilisés et/ou le dispositif constructif engendrent un problème majeur de comportement au feu, une fois que le sinistre commence à se développer, et quelles que soient les méthodes d’intervention, les pompiers ne peuvent que poursuivre l’incendie. Il est très difficile de s’y adapter. C’est pourquoi, le principal axe de travail consiste en une prévention plus aboutie et en un regard accru sur le risque, en amont de la construction, en particulier dans les bâtiments d’habitation.
Tout se décide donc dès la phase projet ?
S. C. Oui. Le risque incendie doit être pris le plus en amont possible pour aboutir à une sécurité maîtrisée. Plus les maîtres d’oeuvre y seront sensibilisés, plus les bâtiments seront performants en termes de sécurité incendie. Aussi, la Fédération milite pour intégrer la prévention dans les habitations, notamment collectives.
Quelles sont les conséquences en phase d’exploitation ?
S. C. En matière de surveillance, les services de sécurité incendie sont assez peu fréquents, exceptés dans certains IGH et ERP. L’important est de faire respecter les consignes d’exploitation et les mesures de prévention existantes. Les agents Ssiap vérifient notamment les différents dispositifs de sécurité mais cette surveillance n’empêche pas la prise des mesures de prévention en amont. En complément, la Fédération s’implique également à promouvoir les formations sur les comportements qui sauvent, ce qui permettra d’avoir la bonne attitude face à un risque.
Comment utilisez-vous l’innovation et les nouvelles technologies ?
S. C. Nous sommes ouverts aux innovations technologiques. Nous savons qu’elles doivent s’accompagner d’une étude par les concepteurs des impacts sur la sécurité des bâtiments. Ce fut le cas pour les ETICS-PSE avec le guide de préconisations du ministère de l’Intérieur ou de l’application de l’IT 249 pour la propagation du feu par les façades bois rédigé par le CSTB et le FCBA. L’utilisation de drones est particulièrement intéressante pour la chaîne de
commandement. Nous l’utilisons de plus en plus. Ainsi, le Sdis du Val d’Oise vient de créer un groupement de reconnaissance et d’exploration par drone.Ce dispositif permet d’avoir une vue d’ensemble du sinistre à l’aide d’une caméra intégrée, de détecter les points chauds et la propagation de l’incendie avec une caméra thermique et de délimiter un périmètre de sécurité et sa matérialisation par nos personnels. D’autres techniques d’interventions ont également vu le jour ces dernières années comme la ventilation par pression positive (VPP). On commence également à avoir des robots qui peuvent intervenir en appui du personnel lors de progressions en milieu particulièrement risqué.
Le suivi de l’actualité est également important.
S. C. En effet, le retour d’expérience est très important pour une vision prospective plus aboutie en termes de formation, de doctrines opérationnelles, de nouveaux matériels ou de nouvelles technologies. C’est un cercle vertueux : de la prévention pour donner une meilleure garantie de sécurité, à l’adaptation de la formation, pour répondre aux complexités opérationnelles, en passant par la prévision des risques pour anticiper les moyens et pour arriver enfin aux doctrines opérationnelles qui s’enrichissent des expériences de nos interventions.
Valérie Dobigny
Journaliste
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