Véhicules électriques et risque incendie
Les technologies employées pour motoriser les véhicules se diversifient et engendrent de nouveaux risques. Des risques qui, grâce à un travail en partenariat, semblent bien maîtrisés.
Modification du climat, prix fluctuant du pétrole, effet de la taxe carbone et de la réglementation et enfin aspect image, l’essor des véhicules électriques n’en est qu’à son début. Boostée par l’apparition de la technologie lithium-ion qui a multiplié par quatre la performance des batteries par rapport au plomb, l’utilisation de batteries a également changé la nature du risque en cas d’incendie. Et soulevé de nombreuses questions de sécurité.
« La prise de conscience d’une vraie problématique de sécurité est apparue vers les années 2006, 2007, quand les principaux constructeurs d’ordinateurs portables et de batteries ont dû rappeler des produits à cause des batteries. »
Guy Marlair, référent technique au sein de la direction des risques accidentels de l’Ineris et responsable d’axe de recherche dans le domaine de la sécurité des procédés et des systèmes.
Aujourd’hui encore, les explosions de batteries de téléphone portable ou les incendies de voitures électriques font immédiatement parler d’eux. Pourtant, en proportion, ces incidents restent très rares. La sécurité est en effet devenue une préoccupation majeure et a pu être améliorée (et continue de l’être) grâce à un travail en partenariat entre laboratoires d’essais, constructeurs automobiles et sapeurs-pompiers.
Essais
À la fin des années 2000, l’Ineris a été sollicité pour établir un rapport sur les risques de la filière. « L’objectif était d’analyser les risques dans les usages. 50 scénarios de la conception au recyclage ont été étudiés. Les éléments de constats ont été publiés en 2011, explique Thierry Delbaere, responsable de l’unité «Évaluation de la sécurité des équipements et des systèmes de stockage d’énergie» à l’Ineris. Douze cas critiques ont été mis en avant et ont fait ou font, depuis, l’objet d’études plus poussées, comme le stationnement sous-terrain, le transport des batteries dans un tunnel, l’intervention des secours… »
Toutes sortes d’essais ont été et sont réalisés dans différentes configurations, batterie seule et véhicule entier, pour améliorer la sécurité intrinsèque des batteries, celle des véhicules et celle des secours lors de l’intervention. Par l’Ineris, mais également par la BSPP et le Laboratoire central de la Préfecture de Police (LCPP), et par les constructeurs comme Renault ou le groupe Bolloré.
Résultat, aujourd’hui, en plus des essais liés à leur transportabilité en tant que marchandises dangereuses, nombre de batteries mises sur le marché ont subi des tests mécaniques, électriques, thermiques et d’extinction. Si différents événements peuvent être à l’origine d’un incendie – défaut lors de la recharge, choc, acte malveillant ou propagation d’un feu venant d’un autre véhicule – experts scientifiques, constructeurs et sapeurs-pompiers s’accordent : un incendie sur un véhicule électrique n’est ni plus fréquent ni plus dangereux que sur un véhicule thermique.
Il faut juste savoir comment agir. Et rester vigilant face à la course à l’évolution technologique. «Plus on augmente les performances d’une batterie à volume et poids constant, plus la densité augmente et plus les conséquences sont susceptibles d’être brutales, rappelle Guy Marlair. On a tout intérêt à accompagner l’innovation.»
Les batteries des véhicules électriques
Les batteries utilisées pour les véhicules électriques (ou hybrides), appelées batteries de traction par les industriels, stockent de l’énergie sous forme chimique et la restitue sous forme électrique. Elles remplacent le réservoir à carburant des véhicules thermiques. L’ensemble fonctionne à courant continu et à une tension élevée : de l’ordre de 400 V pour un véhicule léger et de 600 à 1 000 V pour les poids lourds. Elles sont composées de plusieurs cellules connectées électriquement et regroupées en modules de batterie. Les véhicules hybrides combinent un moteur thermique et un moteur électrique.
Batterie Lithium-ion de Renault. Il faut 4 cellules pour former un module et 48 modules pour former une batterie.
Les batteries les plus répandues emploient la technologie lithium-ion – c’est par exemple le cas des véhicules électriques Renault. Elles sont basées sur le mouvement réversible d’ions lithium dissous dans l’électrolyte entre la cathode et l’anode selon que la batterie est en charge ou en décharge.
Un séparateur, laissant passer les ions lithium, assure la séparation galvanique entre électrodes. Certaines batteries utilisent la technologie lithium-métal polymère (les Autolib’ de Bolloré par exemple) ou encore le nickel métal hydrure (véhicules hybrides).
La distribution d’énergie est assurée par des câbles de haute tension, que les constructeurs ont pris l’habitude d’identifier par la couleur orange. Ainsi ils se différencient du circuit électrique de servitude reliés à une batterie 12 volts qui, elle, assure le fonctionnement des équipements conventionnels (feux de signalisation, éclairage, essuie-glace…). Les véhicules électriques sont homologués notamment d’un point de vue de la sécurité fonctionnelle sur la base du règlement ONU R100 et peuvent véhiculer des intensités de 200 à 600A.
Les risques lors d’un incendie
Améliorer la sécurité
Les solutions techniques pour limiter le risque d’emballement thermique
Les études ont permis de montrer que la batterie doit fonctionner dans certaines limites de température et de tension, pour éviter l’emballement thermique. En cas d’accident cependant, une déformation de la batterie (effet mécanique) peut changer ces conditions. Si on utilise la batterie dans des températures très basses par exemple, il y a des précautions à prendre.
La fabrication des batteries en salle blanche pour éviter d’introduire des particules métalliques qui pourraient percer les séparateurs et mettre en court-circuit des éléments de batterie a constitué un premier pas vers des batteries plus sécuritaire. « Il est également possible d’ajouter dans l’électrolyte des additifs qui viennent renforcer la couche de protection entre les différentes strates de la batterie. Ou d’utiliser des retardateurs de flammes ou des solvants alternatifs, souligne Guy Marlair. Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers d’autres types de liquides ioniques. »
Diverses barrières de protection ont aussi été mises en place au niveau des cellules comme des coupe-circuits réagissant à un excès de température ou de pression interne (évents). Par ailleurs un BMS, Battery Management System, mesure les paramètres internes de la batterie et assure son fonctionnement dans des conditions de sécurité établies.
Faciliter l’intervention des secours
Des dispositions sont prises par des constructeurs afin de garantir l’intégrité des organes sous tension, comme positionner les câbles en dehors des zones de découpe habituelles, réduire la longueur des câbles, installer les batteries dans des caissons résistant aux chocs et dans les zones « protégées » du véhicule (entre les roues arrières, position centrale…).
Certains véhicules peuvent également être équipés d’un dispositif d’arrêt de l’alimentation des batteries de traction. Ils peuvent être automatiques en cas de choc ou d’augmentation de la température, ou manuels. C’est ce qu’on appelle le service plug (une sorte de poignée ou de bouton à tourner ou enlever) qui permet d’assurer la consignation électrique du véhicule.
Un travail en partenariat entre constructeurs et sapeurs-pompiers a par ailleurs permis de mettre en place des solutions pour faciliter l’extinction ou protéger les intervenants. Renault a ainsi mis en place une trappe thermofusible, le fireman access (dont il a déposé le brevet), sur ses modèles électriques et hybrides dès 2012. Sous l’action de la chaleur générée par un incendie, la trappe fond et permet un accès direct au coeur de la batterie. Les sapeurs-pompiers peuvent ainsi la noyer et éviter l’emballement thermique. De même, avec la BSPP, le groupe Bolloré a fait évoluer ses Autolib’ avec la mise en place d’un écran thermique devant les batteries qui agit comme un pare-feu et évite les emballements liés à un feu proche (cas des voitures de locations en file).
La formation
Elle est primordiale. « On avait au départ beaucoup de questions de pompiers qui voulaient savoir si la batterie pouvait exploser, s’il y avait un risque d’électrocution… », se rappelle Claire Petit Boulanger, expert sécurité tertiaire chez Renault. Le constructeur, au travers de Bruno Azmi, son référent formateur sapeur-pompier pour les véhicules électriques, a fait le tour des Services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) pour sensibiliser les intervenants.
Face aux nouveaux risques, les sapeurs-pompiers ont été formés et ont adapté leurs procédures. « Ce n’est pas plus compliqué que pour un véhicule thermique quand on est formé à ce type d’intervention. La problématique est aujourd’hui bien étayée, bien expliquée avec des vidéos, des données scientifiques…, souligne le capitaine Bruno Poutrain de la section Doctrine, retex et recherche des causes et circonstances des incendies de la BSPP. Chez nous, désormais, les feux de véhicules lithium-ion sont éteints rapidement et passent dans le tout-venant. Il y a encore beaucoup d’études à mener car l’évolution des batteries est permanente, mais aujourd’hui le niveau de sécurité est accru. »
Type de batterie |
Stratégie d’attaque |
---|---|
Batterie Li-ion (Lithium-ion) avec trappe thermo-fusible |
Noyade Batterie (extinction facilitée) |
Batterie Li-ion (Lithium-ion) sans trappe thermo-fusible |
Refroidissement/noyade batterie (extinction difficile par interstices dus à la déformation de la batterie) |
Batterie LMP (Lithium métal polymère) | Protection environnement (extinction impossible) |
Source : Sdis 86 – Extrait du Guide opérationnel départemental de référence / Intervention d’urgence
sur les véhicules.
Dans les deux derniers cas, l’utilisation d’une grande quantité d’eau sera prévisible.
Après les résultats des études de l’Ineris et du LCPP, des cours ont été réalisés, toujours en partenariat entre les sapeurs-pompiers et les constructeurs. Toutes les unités de la brigade ont été formées, comme tous les formateurs. La BSPP dispose d’ailleurs, dans son centre de formation, de différents types de véhicules électriques, de bornes de charge, etc. Dans le reste de la France, le Sdis 86 dispose d’un centre de formation sur véhicules à énergie alternative et les différents Sdis de France y envoient leurs référents. L’Ineris contribue aux formations qui y sont dispensées.
Les outils à disposition des secours
Les ERG (Emergency Response Guide) sont des guides d’intervention d’urgence rédigés par les constructeurs automobiles et une aide à la neutralisation d’énergie à destination des sapeurs-pompiers. Ils évoquent les notions d’identification du véhicule et du type d’énergie, d’immobilisation, de mise en sécurité électrique, de neutralisation de l’électrolyte et de premiers secours (désincarcération et extinction). Ils précisent le besoin ou non d’utiliser un service plug.
La Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a par ailleurs publié en juin 2016 une note de doctrine opérationnelle à destination des sapeurs-pompiers. Elle vient compléter la note 2012-616 du 29 juin 2012 relative aux interventions sur les véhicules électriques et hybrides. Et le Sdis 86 propose un guide opérationnel avec une partie consacrée aux véhicules électriques et hybrides.
Renault a par ailleurs réalisé un film pédagogique sur l’extinction du véhicule électrique à destination des sapeurs-pompiers et travaille, en partenariat avec le Sdis 86, à un nouveau film sur la partie risque électrique.
Gaëlle Carcaly – Journaliste
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