Gérer les risques de la supply chain
Gérer les risques de la supply chain
Si la notion de risque est bien connue des financiers et des assureurs, elle est hélas souvent oubliée des dirigeants de la supply chain. Pourtant toutes les entreprises sont concernées, quelle que soit leur taille ou leur activité. Mais plus que connaître ces risques auxquels plus de 80% des entreprises ont déjà fait face, il faut aussi savoir les gérer, mieux anticiper ceux à venir.
Qu’est-ce qu’un risque ? Dans le domaine de la supply chain, s’ils sont nombreux, on peut généralement les diviser en trois catégories :
- la défaillance des systèmes de la supply chain regroupe des problèmes souvent internes à l’entreprise (panne d’une machine de production, accident pour un transport…) ;
- les matières premières, dont la moindre augmentation de prix ou le pic imprévu de volume peut affecter toutes les prévisions mensuelles d’une entreprise et la forcer à revoir ses plans ;
- enfin les phénomènes induits par la mondialisation des échanges, comme par exemple, la défaillance ponctuelle d’un fournisseur, le changement de politique d’un pays ou encore une catastrophe naturelle à l’autre bout du monde.
Dans ce monde globalisé, les grandes marques sous-traitent tout ou partie de leur production et assemblent souvent des composants fabriqués préalablement partout dans le monde. Des composants vendus par des fournisseurs qui peuvent faire défaut aux premiers soucis d’approvisionnement. Pire encore, de nombreuses entreprises se retrouvent à participer à plusieurs supply chain multipliant ainsi les risques auxquels elles s’exposent. Ainsi, un groupe diversifié comme Saint-Gobain est soumis aux risques spécifiques des nombreux secteurs d’activités que sert l’entreprise : BTP, aéronautique, automobile, distribution…
Acquérir les bons réflexes
Pour faire face à ces incidents, les supply chain, souvent trop rigides, se doivent de gagner en souplesse et d’apprendre à s’adapter. Chose que trop de professionnels oublient, concentrés uniquement sur le bon fonctionnement de leur supply chain en oubliant de modéliser le « plan B ». Le thème du risque dans ce secteur est encore tout récent, les premiers travaux portant sur le sujet datent de 2003.(1)
Mais prévoir les éventuels dysfonctionnements d’une supply chain est loin d’être une chose aisée. Il s’agit de procéder avec méthode.
En premier lieu, il est nécessaire d’identifier les points de friction de la chaîne, là où les interconnexions entre production, logistique et communication sont les plus fortes, et le risque plus élevé. Une démarche qui comprend par exemple un audit technique des fournisseurs, des clients mais également du matériel de l’entreprise, afin de vérifier leur fiabilité et cartographier les risques.
Suite à cet audit, il faut alors établir un ou des plans de prévention afin de pouvoir, à l’avance, pallier ces problèmes potentiels. L’adage « mieux vaut prévenir que guérir » n’a jamais été aussi vrai. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’un des enjeux majeurs de ce genre de plan réside dans le suivi de l’exposition aux risques, qui sont très changeants. Et à défaut pour empêcher un incident de se produire, il faut être capable de le résoudre rapidement, mais également faire en sorte qu’il interfère le moins possible avec le bon déroulement du reste des activités de la supply chain.
Pour cela, on mettra en place un plan de continuité d’activité (faire appel à un second fournisseur, avoir un itinéraire de transport secondaire ou adapter un site de production en urgence).
Se munir d’une assurance est aussi un moyen de se prémunir face aux dégradations et à l’effet domino dramatique que peut causer un incident de la supply chain, en rendant plus difficile la capacité de l’entreprise à récupérer de ses conséquences et de se remettre en selle. La plupart des compagnies d’assurance proposent désormais des offres génériques plutôt complètes ou sur-mesure.
De nouveaux risques à venir
Au fil des années, de nouvelles technologies font irruption sur le marché, et si elles ont toutes quelque chose à apporter à la supply chain, celles-ci s’accompagnent de leur lot de risques.
L’industrie 4.0 et la numérisation de la supply chain est un très bon exemple. Avec l’exploitation des données de la supply chain, il devient possible de gagner énormément en visibilité et d’anticiper les perturbations possibles de cette dernière, via la simulation d’événements, le calcul de routes optimisées, et beaucoup d’autres. Mais cela implique que l’entreprise devra soigneusement gérer, stocker et filtrer son flux de données. Sans un filtrage efficace, la supply chain numérique sera submergée et les perturbations ne pourront non seulement pas être résolues de façon claire, mais l’entreprise s’exposera également au vol ou à l’espionnage de ses données.
Un autre paramètre à prendre en compte et auquel personne n’échappera est celui de la politique internationale. Dernièrement, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a mis le feu aux poudres et plus ou moins déclenché une guerre commerciale avec la Chine, imposant des tarifs douaniers à hauteur de 25 % sur plus de 50 milliards de marchandises chinoises. Une action qui a été suivie de riposte de la part de l’empire du milieu, qui a lui aussi appliqué de nouvelles taxes douanières.
Or, un nombre incalculable d’entreprises, européennes comme américaines, dépendent en partie du marché chinois et américain, qu’il s’agisse de matières premières ou de produits finis, de l’acier au panneau solaire. Pour certains d’entre nous, redesigner sa supply chain pour répondre à ces nouvelles taxes est une priorité, que ce soit en changeant de fournisseur ou en s’installant dans d’autres pays qui ne seront pas concernés par ces nouvelles taxes douanières. Cette guerre commerciale est loin de se terminer. Elle n’est ni la première, ni la dernière. C’est pourquoi il est essentiel de pouvoir modéliser sa supply chain au besoin.
Si, auparavant, avoir une supply chain robuste, solide et fonctionnant telle une machine bien huilée était la voie à suivre, aujourd’hui, la flexibilité est le maître mot. Utiliser les nouvelles technologies, comme la numérisation ou le machine learning, pour pousser au maximum l’adaptabilité de la supply chain, anticiper les risques potentiels et savoir y répondre comptera plus que tout.
(1) Comment gérer les risques liés à la chaîne logistique ? Une réponse par les pratiques de SCRM, par O. Lavastre et A. Spalanzani
Christophe Philippart
Regional Vice President South West Europe chez LLamasoft
Christophe Philippart, diplômé de l’Essec, est depuis 2017 Regional Vice President South West Europe chez LLamasoft, une société de logiciels et de services pour modéliser et optimiser les réseaux de supply chain.
Depuis deux décennies, Christophe évolue dans des fonctions commerciales et de conseil auprès des entreprises sur les questions de supply chain et de design de supply chain. Il a côtoyé des décideurs issus de tout type de structures, de la start-up aux grands groupes multinationaux, et a acquis une compréhension profonde des processus de décision, définition d’objectifs et vision marché.
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