Protection périphérique : la croissance stimulée par les menaces terroristes
Depuis 2015, la multiplication des menaces terroristes et des attentats a propulsé les ventes d’équipements physiques et électroniques de protection périphérique à des records historiques. Une croissance dynamique qui va se poursuivre, mais à un rythme moindre.
Le marché très traditionnel de la protection périphérique a le vent en poupe. Habitué à des croissances molles d’environ 1,5 % depuis de nombreuses années – sauf pour les dispositifs à base d’électronique qui alignaient une hausse plus marquée –, ce marché enregistre depuis 2015 des performances bien meilleures.
Les attentats au camion bélier dans diverses villes européennes (Berlin, Barcelone, Londres, etc.), et surtout celui de la Promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016 se soldant par 86 morts, a fait prendre conscience aux autorités et aux responsables sécurité de sites qu’il fallait complètement revoir la protection des bâtiments et des lieux publics. Y compris lors de grands événements rassemblant des foules à l’occasion de manifestations culturelles ou sportives.
La progression des ventes est ainsi passée à + 2,5 % en 2015 et à + 3,9 % l’année suivante pour grimper à + 5,3 % en 2017 et friser les 675 M€. Un montant encore jamais atteint en France, selon les statistiques publiées par En Toute Sécurité.
Des innovations dans un domaine traditionnel
« La demande pour les blocs de béton explose », affirme Abdel Feghoul, dirigeant de la jeune société bordelaise Blocstop qui pense multiplier son activité par cinq dans l’année. Il propose, à la vente ou à la location, des blocs anti-franchissement de 900 kg à 2,4 tonnes, personnalisables avec des publicités ou des logos. Il en a déjà écoulé 1 800 exemplaires pour divers événements (festivals, carnavals, marchés de Noël, courses sportives, etc.), de même que pour des aéroports ou des villes.
Pour sa part, le britannique ATG Access propose en France un nouveau type de système pour stopper la course d’un véhicule hostile : de conception modulaire, il ne nécessite aucune machinerie lourde et l’installation s’effectue en moins d’une heure, sans ancrage sur le revêtement de la route.
Les innovations sont donc au rendez- vous dans un domaine a priori traditionnel. Les ventes de clôtures (y compris celles intégrant de l’électronique de détection), de grilles, de poteaux de sécurité, de tourniquets de contrôle des accès et autres obstacles physiques connaissent également une hausse significative depuis 2015.
« En 2016 et surtout en 2017, les budgets sécurité ont été revus à la hausse, spécifiquement pour acheter en urgence des obstacles physiques », souligne t-on chez Agora des directeurs sécurité qui réunit plus de 300 responsables sécurité à travers toute la France, provenant de tous les secteurs économiques.
Une priorité des directeurs sécurité
Il faut dire que la protection des sites est devenue la priorité n° 1 des directeurs sécurité, comme l’atteste un sondage réalisé par En Toute Sécurité en septembre 2016 auprès de cette catégorie de professionnels. Le renforcement de la sécurité aux entrées des locaux se place ainsi en tête de leurs chantiers prioritaires avec 28 % des réponses, devant le renforcement de la vidéosurveillance des sites (24 %) et la centralisation des systèmes de sécurité électronique (12 %).
Par ailleurs, il est devenu courant que l’accès à de vastes locaux soit concentré sur un seul ou un tout petit nombre de points d’entrée afin de réduire les risques d’intrusion provenant de terroristes. Ce type de décision touche notamment la grande distribution, les médias, les parcs de loisirs, les hôpitaux, les musées, etc.
« Même dans un lieu traditionnellement ouvert sur l’extérieur comme l’hôpital, nous avons dû prendre des mesures de protection pour empêcher une éventuelle intrusion hostile. En outre, les futurs bâtiments hospitaliers seront conçus en tenant compte de cette problématique », souligne Arnaud Poupard, conseiller pour la sécurité de l’AP-HP qui regroupe 39 établissements de soins en région parisienne.
Un ralentissement pour 2018
Les habitudes ont vraiment changé à tous les niveaux : ainsi, les gros chantiers de construction, et même ceux de taille moyenne, sont désormais mieux protégés avec des clôtures nettement plus hautes et d’imposants tourniquets de contrôle des entrées. Un dispositif qui aurait été impensable avant 2015.
Il est cependant probable que 2018 enregistre une progression des ventes moins soutenue, car une majorité de directeurs sécurité – et surtout leur direction générale – estiment avoir aujourd’hui réalisé les dépenses nécessaires pour bien protéger leurs sites. Ce relatif ralentissement de la croissance devrait se prolonger dans la durée, à moins qu’un nouveau type d’attaque terroriste impose de revoir encore à la hausse les systèmes de protection.
Davantage d’électronique
La bataille des prix n’a cependant pas vraiment cessé pendant cette période quasi-euphorique 2015- 2017. Elle semble même reprendre sous la poussée des fabricants d’Europe de l’Est et d’Asie, attirés par des promesses de croissance dynamique. Comme toujours dans ce genre de situation, la solution réside dans une montée en gamme des produits, une meilleure écoute des besoins des clients et des efforts plus soutenus à l’exportation.
C’est la voie dans laquelle se sont engagées plusieurs entreprises françaises (Dirickx et Sorhea, par exemple) ou étrangères (l’israélien Magal qui a été un pionnier), misant sur le mariage entre protection physique et électronique. C’est ainsi qu’une clôture est complétée par des détecteurs de mouvement, des caméras ou des capteurs signalant une tentative d’intrusion. Ce qui implique également des PC de surveillance et des systèmes de communications performants.
Les sites Seveso, les bâtiments militaires, les prisons, les centrales nucléaires, les laboratoires scientifiques, les data centers et plus généralement les sites stratégiques, sont particulièrement friands de ce type de sécurité renforcée. La précaution n’est pas vaine car certains d’entre eux ont déjà fait l’objet de tentatives d’intrusion à des fins terroristes ou malveillantes.
La protection des frontières a également suivi cette tendance, comme le montre l’exemple d’Eurotunnel qui a misé avec succès sur la combinaison de clôtures renforcées, de nombreuses caméras de vidéosurveillance, de drones et de patrouilles d’agents de sécurité et de gendarmes pour stopper les intrusions massives de migrants illégaux. Une approche que l’on retrouve sur toutes les frontières sensibles dans le monde.
L’évolution de la demande vers des produits plus sophistiqués s’est accompagnée d’une mondialisation de cette industrie qui travaillait jusque récemment le plus souvent à une échelle nationale, voire régionale seulement.
Redistribution des cartes
Extrêmement fragmentée, la profession connaît depuis quelques mois une vaste redistribution des cartes. Le métier est en effet assez gourmand en capitaux si bien qu’il devient difficile pour les petites structures d’investir suffisamment pour rester dans la course technologique et commerciale.
De plus, les géants du secteur tels les suédois Assa Abloy ou Gunnebo, le belge Betafence, l’italien Came ou l’israélien Magal imposent des règles de qualité et un rythme de renouvellement de produits qui obligent leurs concurrents à se positionner à un niveau équivalent, voire supérieur. Il n’est donc pas étonnant d’observer la disparition de certaines entreprises dans l’Hexagone, devenues trop fragiles, à l’instar de Perimeter Protection France, qui pesait tout de même 20 M€, mise en liquidation fin 2016.
Mais l’événement principal reste le rachat en juin 2017 de la société familiale Dirickx, n° 1 français de la clôture et un des leaders européens, par deux fonds d’investissement belges. Créée en Mayenne en 1921, l’entreprise est progressivement devenue un véritable groupe international et un pionnier de la fusion entre clôture et protection électronique avec le rachat de Pro.se.de en 2009. Néanmoins, le ralentissement de l’économie mondiale à la fin des années 2000 a mis à mal Dirickx, dont le chiffre d’affaires passe d’un pic de 187 M€ en 2008 à 125 M€ en 2016, ce qui a nécessité un important plan de restructuration. Les nouveaux actionnaires sont bien décidés à reprendre le chemin de la croissance.
Autre acquisition importante, mais entre sociétés françaises : La Barrière Automatique, spécialiste des matériels de contrôle d’accès pour les véhicules et les piétons, a pris le contrôle fin 2017 de l’activité bornes escamotables, herses et obstacles anti-franchissement de MBPS, donnant naissance à un acteur pesant près de 20 M€.
Il reste des poids moyens indépendants comme Lippi, Clôture Saniez, Bolloré Protection ou encore des sociétés diversifiées dans les automatismes de portails comme Came, Somfy, Faac France de taille plus ou moins importante. Et un gros contingent de petites entreprises présentes sur une niche géographique ou de produits. Les prochaines années seront décisives pour assurer leur pérennité.
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