La détection incendie dans les déchetteries
Les incendies se multiplient dans les déchetteries. Ce secteur, troisième activité la plus accidentogène en France, nécessite une détection incendie particulièrement précoce.
Dans un centre de déchets, les risques d’incendie peuvent avoir plusieurs origines : auto-échauffement ou autocombustion des déchets entreposés dans les installations de regroupement, réaction chimique, incompatibilité entre différents déchets, travaux par point chaud, actes de malveillance, problèmes électriques…
Une détection précoce
Les déchets solides sont stockés soit à l’extérieur soit, dans de grandes fosses à déchets installées dans des bâtiments couverts avant d’être incinérés ou recyclés. Un feu peut couver dans des amas de combustibles dangereux et développer plus ou moins rapidement une importante charge calorifique. C’est pourquoi les déchets sont retournés et déplacés régulièrement et sont surveillés attentivement par un système qui doit permettre une détection la plus précoce possible et la plus adaptée à cet environnement.
L’inconvénient d’une détection incendie « classique » reste la poussière. « Certains types de déchets génèrent des poussières grasses, volatiles et humides. Ces poussières se déposent partout, jusque dans la chambre d’analyse du capteur de détection. Cela provoque des fausses alarmes, voire l’inopérabilité du détecteur », explique Olivier Kachel, responsable marchés et applications du réseau DEF.
Les technologies de détection
C’est pourquoi les fabricants de systèmes de détection incendie cherchent à développer de nouvelles solutions spécifiques à ce secteur difficile à appréhender en termes de sécurité incendie.
« La détection par analyse vidéo est de plus en plus utilisée sur des sites où un système de détection classique est peu efficace, comme les déchetteries ou les bâtiments de grande hauteur », souligne Ronan Jézéquel, ingénieur chargé du développement au département Protection mécanique et Électronique de sécurité de CNPP.
Deux technologies de détections par analyse vidéo sont utilisées : la détection de chaleur par caméras thermiques et la détection de fumées par analyse des images fournies par des caméras de vidéosurveillance. « Les caméras thermiques sont principalement déployées sur des sites à l’extérieur, tandis que l’emploi des systèmes de détection de fumées par analyse vidéo conviennent a priori mieux pour un emploi sur des sites couverts », recommande Ronan Jézéquel.
La détection de chaleur par caméras thermiques radiométriques
Auparavant, les déchetteries étaient équipées de détecteurs de fumée par aspiration qui encrassaient les tuyaux et les rendaient inopérants. Aujourd’hui, de nombreux centres de déchets se sont dotés de caméras thermiques infrarouges. La caméra mesure le rayonnement et le convertit en température. L’utilisateur doit définir une zone d’analyse dans l’image, le seuil de température à partir duquel l’alarme doit être déclenchée et la durée minimale de dépassement du seuil indispensable à l’identification du phénomène.
Selon Antoine Billardello, directeur commercial automation et sécurité industrielle chez Flir Systems, pour éviter une détection trop tardive, trois éléments clés sont à respecter :
- la qualité des composants, que ce soient le capteur ou l’électronique associé ;
- le dimensionnement de l’optique ainsi que le choix des matériaux comme le germanium, certes plus coûteux mais plus solide, qui optimise la transmission des longueurs d’onde entre 8 à 15 μm ;
- le savoir-faire, notamment sur l’analyse de données concernant les mesures de la cible, les conditions extérieures, la distance…
« Il existe une grande différence d’une caméra thermique à une autre. Tout dépend du degré d’investissement et de précision du produit », affirme Antoine Billardello.
Certaines caméras, dites intelligentes, disposent d’un double optique. Composées d’un oeil thermique et d’un oeil optique, elles fournissent deux images ou une image en réalité virtuelle. En cas de point chaud détecté, l’opérateur repère la zone chaude en imagerie thermique. Une image couleur permet de situer l’emplacement de la zone impactée par une surimpression thermique de la zone en surchauffe.
Lorsqu’une température augmente sur une fosse, la caméra déclenche une alarme vers le poste de surveillance ou vers le smartphone de l’utilisateur. « L’opérateur n’est pas un expert de la sécurité. Il veut utiliser une technologie basique et simple », précise Patrice Ferrant, directeur commercial chez Mobotix, fabricant de cette technologie de réalité augmentée. « L’opérateur attend une représentation de l’image thermique pour mieux comprendre la situation et prévenir tout incendie. »
En amont, l’utilisateur doit définir une zone d’analyse dans l’image, un seuil de température à partir duquel l’alarme est générée ainsi que la durée minimale de dépassement de seuil nécessaire pour identifier un départ de feu. Ces réglages doivent se faire en fonction du site.
La détection de fumées et de flammes par analyse vidéo
La détection de fumées et de flammes par analyse vidéo est réalisée via des algorithmes embarqués dans les caméras. Ceux-ci analysent les phénomènes inhabituels ayant un comportement analogue aux fumées et aux flammes et envoient une alarme feu au système de sécurité incendie.
« C’est une technologie en développement, qui répond aux enjeux des sites à environnements contraignants, là où les systèmes de détection traditionnels ne sont pas adaptés au risque à protéger. La caméra est dans ce cas considérée comme un détecteur à part entière et renvoie son information d’alarme à l’unité d’aide à l’exploitation, pour une vérification visuelle, et au système de sécurité incendie, pour enclencher la gestion de l’alarme et les procédures d’évacuation et de sauvegarde de l’outil de production éventuelles », souligne Olivier Kachel. Pour éviter l’empoussièrement, la caméra est intégrée dans un caisson étanche.
Il est toutefois recommandé de disposer d’un personnel de sécurité pour une validation humaine et visuelle de l’éventuel sinistre et pour actionner les procédures de sécurité adéquates. La détection peut être associée à un système d’extinction automatique de type canon ou générateur de mousse.
L’opérateur peut décider d’appeler les services de secours et éviter des dommages supplémentaires ou des drames humains. Il peut aussi décider d’isoler et de maîtriser l’incendie pour éviter un arrêt de l’activité dans son ensemble.
Normalisation
Le manque de normalisation sur la vidéodétection de chaleur ou de fumée est décrié par l’ensemble des fabricants. Antoine Billardello, de Flir Systems, regrette l’absence de norme spécifique aux détecteurs infrarouges précoces. « Des travaux sont en cours actuellement. Mais il faudrait davantage de fabricants sur ce marché pour construire un environnement normatif adapté. » Un appel également lancé par Patrice Ferrant de Mobotix : « Il n’existe pas de référentiel européen concernant la détection incendie en extérieur. Cela fait quatre ans que nous essayons d’en bâtir un. »
Toutefois, un projet de spécification technique sur la détection de chaleur par caméras thermiques par CNPP est en cours dans le but d’élaborer un référentiel d’évaluation de conformité sur cette technologie.
Quant aux systèmes de détection de fumée par analyse d’images vidéo, le seul document officiel est la norme ISO/TS 7240-29 (2017).
Par ailleurs, un protocole d’essai pour la certification de ce type de systèmes est actuellement en cours de rédaction par CNPP. Seront testées dans ce cadre les performances des caméras ou capteurs d’images associés à la fonction d’analyse pour assurer une fiabilité d’images malgré des conditions d’éclairage variables (faible luminosité, contre-jour), ainsi que les performances de détection des solutions d’analyse d’images.
« Le système doit permettre une détection fiable et rapide pour différents phénomènes pré-déterminés sans qu’il y ait réajustement des paramétrages de la solution », précise Ronan Jézéquel. L’idéal serait de réaliser des essais dans des conditions d’éclairage stable et maîtrisé.
La détection de fumée par analyse d’images vidéo fera l’objet prochainement d’une certification produit. Elle doit être accompagnée d’une norme d’installation pour y inclure la formation des utilisateurs sur l’ajustement des paramétrages du système.
Valérie Dobigny – Journaliste
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