Exercices de confinement au musée du Petit Palais

18 juillet 20189 min

Deux ans après les attentats qui ont touché la capitale, la menace terroriste est encore dans toutes les têtes. Les musées, comme celui du Petit Palais à Paris, se préparent avec des exercices confinement adaptés à leurs publics.

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Paris Musées, qui rassemble l’ensemble des musées publics de la ville de Paris, a décidé d’agir en formant les agents de sécurité en cas de menaces armées et en organisant un exercice de confinement au Petit Palais, le 30 octobre 2017. Une première pour l’établissement public. « Les attentats terroristes de 2015 ont prouvé que nous étions perfectibles dans ce genre d’attaques », explique Frédéric Plouvier, conseiller sécurité/sûreté à Paris Musées.

Paris Musées a établi un principe : pour des menaces extérieures, le confinement du public dans une zone dédiée s’impose. À l’inverse, lorsque la menace est à l’intérieur de l’établissement, l’ordre d’évacuer est donné. Chaque établissement possède une à trois zones de confinement, déterminées dans des salles où le risque est le plus faible. Chacune d’entre elles dispose de sanitaires, d’un point d’eau, d’une trousse de secours avec un tensiomètre et un stéthoscope, de la nourriture et des jeux pour occuper les plus jeunes. Depuis 2016, les agents de sécurité des musées de la ville de Paris suivent des formations spécifiques pour réagir en cas de menaces armées.

De la théorie à la pratique

L’ensemble des agents a suivi une formation en trois étapes :

  • un exercice sur table avec 4 à 5 personnes. Sur un plan de l’établissement, un lieu de confinement est défini. Chaque agent, à son poste, doit confiner le public selon différents scénarios : blessure, personne perdue, handicap, enfants… Des éléments de langage ont été mis à leur disposition pour savoir réagir efficacement et calmement face aux différents comportements et situations auxquels ils auront à faire face ;

  • un exercice pratique intra-personnel durant un jour de fermeture pendant lequel le plan spécifique du site est déclenché ;

  • un exercice « réel » organisé par le bureau exercice de la préfecture qui met à disposition des figurants. « Ces exercices en réel doivent devenir une nécessité pour s’auto-évaluer », affirme Frédéric Plouvier.

C’est dans ce cadre qu’a eu lieu le premier exercice de confinement organisé par Paris Musées et le bureau exercices du Secrétariat général de la zone de défense et de sécurité (SGZDS – Préfecture de police de Paris) au Petit Palais. Près de deux cents personnes étaient présentes. Parmi elles, des responsables de sécurité des musées publics de Paris, des salariés du Petit Palais, de la préfecture, des forces de police et d’intervention d’urgence, venus en tant qu’observateurs, et des figurants. Cinq mois ont été nécessaires pour organiser cet exercice grandeur nature.

Le début de l’exercice

9 h 50. Une attaque armée a lieu sur l’avenue Winston Churchill, devant le musée du Petit Palais.

Au retentissement de l’alarme, l’ordre de confinement est donné. Parmi le public, qui déambule dans les allées et les couloirs du Petit Palais, c’est la panique. Des hurlements se font entendre. Les visiteurs courent dans tous les sens, la plupart ne sait pas ce qui se passe. Ils se mettent à l’abri sans savoir où aller. Certains se cachent, d’autres entrent par la première porte venue. Un agent de sécurité guide la foule vers l’une des zones de confinement. Une jeune femme fait un malaise sur les marches devant l’entrée. Elle est rapidement prise en charge par un secouriste. La situation est confuse mais près de 130 personnes se retrouvent à l’intérieur de la salle de restauration. Les autres ont été confinées dans une autre zone (70 personnes) et dans les étages réservés au personnel administratif.

Les rôles des comédiens

Parmi les personnes confinées, des comédiens ont été chargés par la préfecture de jouer des visiteurs aux comportements spécifiques pour tester la réaction des agents de sécurité. Parmi ces comportements, on peut trouver :

  • Celui qui conteste l’autorité de l’agent de sécurité : certaines personnes ne veulent pas écouter les consignes données par le personnel de sécurité, d’autres refusent d’entrer dans la zone de confinement, d’autres encore donnent de mauvaises indications.

    L’agent doit lui rappeler qu’il connaît le site, les procédures et qu’il a été formé à gérer cette situation de crise.

  • Les touristes étrangers : deux femmes, ne parlant ni français ni anglais, ne comprennent pas les consignes ni les informations données.

    Proposer aux touristes de contacter leur ambassade via les forces de l’ordre pour prévenir leur famille.

  • Les personnes atteintes de handicap sensoriel : un jeune homme sourd tente de se faire comprendre. Une personne non-voyante se réfugie sous une table.

    Communiquer et rassurer les personnes handicapées.

  • Ceux qui cherchent la bagarre : un couple crée une scène de ménage au milieu de la foule.

    Il faut les séparer avant que cela ne contamine l’ensemble de la foule.

  • Ceux qui veulent absolument sortir : plusieurs personnes s’échappent par les issues de secours. Elles sont retrouvées dans une autre salle grâce à la vidéosurveillance et raccompagnées dans la zone de confinement.

    L’agent leur explique que le danger est à l’extérieur. Les issues sont bloquées.

  • L’angoissé : une personne fait une crise de panique à l’étage.

    La consigne est de ne pas la laisser seule et de la calmer pour ne pas contaminer les autres.

  • Celui qui a perdu un proche : une femme recherche sa fille.

    S’assurer que la personne recherchée est dans une autre zone de confinement.

  • L’habitué des réseaux sociaux : des personnes postent des photos ou des messages inquiétants sur les réseaux sociaux.

    L’agent de sécurité rappelle les risques de diffuser des informations aux attaquants et d’inquiéter les familles.

Adapter la communication au public

10 h. Un responsable de la sécurité prend la parole et explique l’origine du problème et les raisons du confinement. Il demande à la population de se calmer et demande s’il y a des médecins ou des agents des forces de l’ordre parmi le public. Il écarte les personnes se trouvant devant les baies vitrées du café. Les gens posent des questions, hurlent, remettent en cause son autorité.
Le responsable sécurité demande à un serveur de distribuer de l’eau pour détourner l’attention. Aucun blessé n’est annoncé.

10 h 10. Les gens s’impatientent. Trois personnes demandent à quel titre réglementaire elles sont enfermées. Certains redoutent que le verre d’eau ne soit empoisonné. Le responsable sécurité tente de les raisonner et de leur donner des informations concrètes.

10 h 20. « Appel au personnel : restez en confinement. Nous attendons de nouvelles instructions ». Une dame demande à ce que le message soit traduit en espagnol. Un jeune homme fait le tour des issues pour pouvoir sortir.

10 h 22. « La menace extérieure est maîtrisée. Nous vous invitons à vous diriger vers la sortie ». Le responsable sécurité demande à la foule de sortir dix par dix par l’issue principale. Fin de l’exercice.

Lors du débriefing, les remarques ont pointé le manque d’information des visiteurs concernant l’attaque et la difficulté d’interpréter les messages sonores. Une responsable du Petit Palais souligne que les visiteurs habituels du musée sont plus âgés que les figurants, ce qui suppose d’autres risques à prendre en compte. Ces remarques seront intégrées lors d’un prochain exercice dans un autre établissement parisien. « L’objectif de ce genre d’exercice est de valider le plan de confinement et de sensibiliser le personnel sur la prise en charge et la gestion des visiteurs, rappelle Stéphan Portier, chef du bureau Exercices au SGZDS. Les exercices précédemment effectués au Louvre, en décembre 2016, et à la Tour Eiffel, en juin 2017, ont été bénéfiques pour les attaques réelles qui ont eu lieu peu de temps après. Notre rôle est d’anticiper les événements », ajoute-t-il.

Rencontre

François Roussy, secrétaire général adjoint du Petit Palais, fait le point sur l’exercice.
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François Roussy, secrétaire général adjoint du Petit Palais

Face au Risque. Pour quelles raisons avez-vous organisé cet exercice de confinement ?
François Roussy. C’était le souhait de Paris Musées. Il leur fallait un lieu. Comme je venais d’arriver à ce poste, je l’ai pris comme un défi. Le Petit Palais avait des points de faiblesse et nous ne disposions pas de procédures sûreté adaptées. Nous sommes partis d’une feuille blanche. La première étape a été de choisir trois zones de confinement dans le musée.

Comment les agents de sécurité du Petit Palais ont-ils été formés ? 
F. R. Nous avons d’abord organisé un exercice pratique par petits groupes de dix agents en interne. Neuf d’entre eux jouaient le rôle de visiteurs et un agent devait réaliser la mise en confinement. Ils ont ainsi pu se rendre compte de la complexité de cette opération. Les quatre-vingts agents de sécurité du Petit Palais sont devenus acteurs de cette démarche. Pour l’exercice « réel » ils étaient très curieux tout en ayant peur des réactions des figurants. Une fois l’alerte lancée, cette crainte est partie. Ils sont devenus maîtres de la situation.

Quel premier bilan tirez-vous quelques heures après l’exercice ? 
F. R. Quelques points d’amélioration sont à apporter notamment en termes de communication envers le public. Le temps d’accompagnement doit être le plus long possible tout en restant calme et serein pour réduire l’angoisse des personnes confinées. Nous devons aussi renforcer le PC sécurité, point névralgique du musée, pour en faire un véritable coffre-fort.

Valérie Dobigny
Journaliste

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