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Fos-sur-Mer : incendie à l’usine de déchets
Le 2 novembre 2013, un incendie éclate dans le récent centre de traitement des déchets de Fos-sur-Mer, qui accueille chaque jour environ 1100t de déchets provenant des 18 communes de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM). Plus d’un tiers des installations couvertes, soit 18000m² environ, est détruit. Deux ans devraient être nécessaires à la remise en service des installations touchées.
Il est 2h38 le 2 novembre 2013 au centre de traitement des déchets de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), lorsque le déclenchement du détecteur d’un local électrique situé au premier étage du bâtiment de tri secondaire est signalé en salle de commande principale. La levée de doute est rapide, puisque l’on voit déjà, depuis l’extérieur, la partie supérieure du bâtiment couronnée de flammes.
À 100m, dans un bâtiment voisin, un employé sent la fumée et, sortant, découvre le bâtiment de 1500m² en cours d’embrasement.
Alertés par l’usine à 2h45, les pompiers découvrent un violent incendie, attisé par le vent, déjà généralisé au centre de tri secondaire (1500m²) avec propagation aux installations extérieures de de l’air, tandis qu’à 30m de là le bâtiment «maturation-compost» de 6000m² fume de toute part. Compte tenu d’un risque imminent d’explosion, le personnel de l’entreprise a évacué.
Priorité est donnée à la protection des installations de méthanisation dont les deux «digesteurs», cuves de 4 200 m² chacune, un caisson d’agitation et un stockage tampon souple de biogaz de 1000m³, sont soumis au rayonnement du violent feu. Deux canons à balayage et un fourgon mousse grande puissance contiennent le feu dans ce secteur, écartant le risque d’explosion.
Des renforts sont demandés
Le bâtiment «compost» s’est maintenant embrasé sur ses 6000m² et le feu saute le mur coupe-feu qui l’isolait de la partie «tri» de plus de 5000m².
Manœuvre inhabituelle, deux camions-citernes de 13000l équipés de canon pénètrent à l’intérieur et tentent de contenir le front de feu. Mais la charpente de bois s’embrase et les engins reculent, remplacés par une attaque traditionnelle depuis les bras élévateurs dressés maintenant au-dessus du brasier qui s’étend sur plus de 13000m² d’installations !
Le feu qui progresse dans les charpentes de bois jusqu’à l’aplomb des fosses de stockage n°1 (10760m³) et n°2 (16320m³) s’y est communiqué, vraisemblablement par chute de matériaux enflammés, puisqu’un mur coupe-feu l’isolait du cœur du sinistre. Une lance-canon sur échelle y est établie.
À 7heures, les unités de tri secondaire, de compostage et de tri primaire sont totalement détruites. Le feu se propage à l’installation de réception des boues qui se situe au pied de l’incinérateur, élément clé de l’usine qui se dresse, du haut de ses 42m, au-dessus du brasier.
Les importants moyens à l’extérieur – cinq lances-canons dont deux bras élévateurs – et à l’intérieur de l’édifice parviennent peu à peu à stopper les propagations qui passent par les convoyeurs, les gaines et les conduits de ventilation. ©Sdis13.
Malgré la violence du feu qui vient buter sur ses bases, la concentration de moyens hydrauliques (cinq lances-canons de plain-pied ou sur deux bras élévateurs), les rideaux d’eau de l’usine déclenchés au niveau des tapis alimentant cette unité, ainsi que des lances à l’intérieur de l’édifice, stoppent les propagations passant par les convoyeurs, les gaines, les conduits de ventilation. Vers 11heures, le feu, qui baisse d’intensité, menace pourtant toujours l’incinérateur. Les fosses 1 et 2, soit 27080m³ de déchets ménagers sur près de 20m d’épaisseur, sont en feu et difficiles à éteindre à cœur. Elles resteront le dernier objectif actif qui ne pourra être réglé que par déblai mécanique.
Un tapis de mousse est constitué sur les biofiltres, auxquels le feu s’était également propagé via les centrales de traitement d’air.
Au plus fort, 140 sapeurs-pompiers et une quarantaine d’engins, dont un détachement du Bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM), combattent l’incendie sur plus de 18000m² !
S’il ne reste plus que des foyers résiduels en milieu de journée, les fosses 1 et 2 mobilisent longtemps les secours qui, après la noyade à l’eau, engagent une attaque à la mousse. En fin de journée du 3 novembre, le feu est maîtrisé. Le 4 novembre, l’extinction des fosses et des biofiltres se poursuit, avec un total de cinq lances et cinq lances-canons, dont deux fixes de l’usine.
L’eau d’extinction est pompée dans le bassin de 8000m³ de l’usine, autorisant un circuit fermé évitant les rejets d’effluents à l’extérieur.
Le 4 au soir, les fosses 1 et 2 sont éteintes, ainsi que les éléments de charpente bois de la gare. Le 5 au matin, 16 engins, 35 sapeurs-pompiers, 3 lances-canons et 3 lances sont toujours engagés. Le 6, le feu est considéré comme éteint.
Il faudra attendre le 8 novembre, soit 6 jours après le début de l’incendie, pour que la situation permette la levée du dispositif de secours et que l’abattage des éléments menaçant ruine soit poursuivi par des moyens spécialisés.
Ce n’est que 6 jours après le début de l’incendie que le dispositif de secours est levé et que l’entreprise peut se concentrer sur la reconstruction du site. © Face au Risque/René Dosne.
L’incinérateur préservé
Outre l’avalanche de problèmes à gérer au lendemain du sinistre, visant à la reprise partielle de l’activité à partir des équipements sauvés, dont l’incinérateur, 1200t de déchets ménagers quotidiens seront dirigés du centre de transfert de MPM vers les décharges de Septèmes-les-Vallons et Les-Pennes-Mirabeau.
L’accueil des trains n’est plus possible (structures fragilisées), plus de méthanisation, plus de compostage. Heureusement l’incinération, qui permet de traiter annuellement près de 360000t, est assurée par deux fours-chaudières, dont le n°1 pourra être remis en service 20 jours après l’incendie.
Le second a été ébranlé par une explosion. En effet, les deux lignes de fours-chaudières, en fonctionnement lors du feu, doivent être arrêtés au moment de l’évacuation de la salle de commande, peu après 3h. La coupure d’électricité stoppe l’alimentation en air des fours, et la combustion se poursuit en déficit d’oxygène.
Vers 6h, une violente explosion de monoxyde de carbone se produit dans les conduits, endommageant le caisson d’entrée d’air primaire du four n°2. Il devrait redémarrer vers le 20 décembre.
Les éléments aggravants
Le bâtiment tri secondaire dans lequel le feu est parti est un grand hall d’une quinzaine de mètres de haut, sans détection. Toutefois, il y a, à l’intérieur, un bloc de deux étages de locaux techniques, accessibles par des passerelles, dont un local électrique au premier étage, équipé d’une détection. Heureusement, sa porte est ouverte. Il faudra toutefois que la fumée parvienne de la zone d’origine supposée, à l’autre extrémité, pour qu’elle vienne déclencher le détecteur.
Plusieurs facteurs conjugués ont conduit à ce degré de destruction rare. D’abord, la composition des façades (bois et polycarbonate) va vite produire de hautes flammes…
L’effet du vent sur les exutoires constitue un facteur limitant pour l’évacuation des fumées.
Les installations sont parcourues de convoyeurs, aux tapis de caoutchouc, remplis de déchets (quand ils sont en fonctionnement). Ils traversent les murs coupe-feu, pas tous équipés de rideaux d’eau, relient les bâtiments, s’enfoncent dans l’unité d’incinération si difficile à sauver.
Par ailleurs, afin de préserver l’environnement des poussières et des odeurs, les bâtiments sont mis en dépression via trois centrales de ventilation. Les conduits de ventilation en PVC, de près de 2m de diamètre, ont vraisemblablement véhiculé des éléments incandescents jusqu’aux 2600m² de biofiltres faits de copeaux, de fibre de coco… avant l’arrêt des ventilateurs.
L’incendie éclate dans le bâtiment tri secondaire, relié au bâtiment méthanisation.
Un immense volume de 1500m² au sol et plus de 20m de haut abritant des équipements reliés par des convoyeurs. Le feu se développe au milieu des installations, bandes de caoutchouc, câblages, équipements électriques, puis bâtis de bois et polycarbonate constituant les façades.
Le feu s’est propagé de la méthanisation vers le compostage par un convoyeur puis du compostage au tri par la structure bois et polycarbonate. L’essentiel des phénomènes thermiques propageant le feu se produisent sous les toitures. Ici, les charpentes sont en bois lamellé-collé et coiffent les murs coupe-feu, neutralisant leur effet. Ils sont par ailleurs traversés de bandes transporteuses, sans rideaux d’eau.
L’action « coup de poing » de canons de 3500l/min sur camions, engagés entre les installations, n’y pourra rien.
C’est la continuité de la charpente bois, en sautant un mur coupe-feu, qui isolait la zone de stockage et ses fosses 1 et 2 de la zone de tri, puis de la gare, qui permettra au feu de retomber dans les fosses emplies de déchets.
L’effet des murs coupe-feu a été neutralisé par des charpentes en bois qui les coiffaient et des bandes transporteuses qui les traversaient. © Face au Risque/René Dosne.
Heureusement, les sapeurs-pompiers locaux disposent d’engins surpuissants, adaptés aux feux de complexes pétrochimiques, permettant de produire des débits et des portées de lances pouvant se mesurer au gigantisme de ces installations. Ce fut déterminant pour sauver l’incinérateur.
Enfin, la gestion des eaux d’extinction a également constitué une problématique que les équipes ont dû prendre en compte, en parallèle des actions réalisées. Au même titre que le risque d’effondrement et de chute de matériaux ou les difficultés de cheminement.
Envisager l’avenir
Aujourd’hui, l’entreprise, qui se concentre sur la reconstruction, en profitera pour renforcer la prévention et la défense incendie. Il est vrai que sur ce type de site, les scénarios d’incendie concernent surtout les feux de fosse. À Fos, il a éclaté à l’opposé…
Si 140 employés sont équipiers de première intervention, 24 équipiers de seconde intervention seront formés au port de l’ARI.
Des canons supplémentaires seront installés sur la fosse 3 (dédiée à l’incinérateur), les surfaces de désenfumage seront doublées, une lance-canon et 2000l d’émulseur seront acquis.
Il faudra être attentif aux matériaux utilisés pour la reconstruction et envisager un compartimentage adapté (murs coupe-feu dépassant en toiture, clapets sur conduits de ventilation…).
Les tapis de transport qui relient les unités devront être équipés de système de détection et d’extinction automatique.
Ainsi, ce centre de traitement, pionnier dans l’Hexagone, résolument engagé dans une démarche environnementale de réduction extrême des déchets, poursuivra, en sécurité, sa noble activité.
N.B. : Le 11 décembre 2013, EveRé a porté plainte contre X pour incendie volontaire. Ceci fait suite à la remise, par l’expert mandaté par les assureurs de l’exploitant, d’un rapport qui exclut dans ses conclusions toute cause accidentelle dans l’origine du sinistre et considère la thèse d’un incendie d’origine volontaire comme la seule plausible.
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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