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Panique et bousculades
Le 22 novembre 2010, lors de la Fête des Eaux, une bousculade sur un pont de Phnom Penh au Cambodge fait 347 morts. Ce n’est pas la première fois que des rassemblements deviennent meurtriers. Quels enseignements en tirer ? Retour sur plusieurs catastrophes.
À y regarder de plus près, la plupart des mouvements de foules meurtriers n’a jamais une seule cause comme on l’imagine d’ordinaire. Ainsi à Paris, le 4 mai 1897, lors de l’incendie du Bazar de la Charité il y eut :
- la mise en place d’une nouvelle technologie peu maîtrisée et particulièrement inflammable (le cinéma n’avait que deux ans et fonctionnait avec des bouteilles d’éther) ;
- la multiplicité des intervenants diluant à la fois la mise en œuvre et la responsabilité de la sécurité (le Bazar était un regroupement d’associations dans un seul local) ;
- un bâtiment très combustible et sans recoupement (96 x 13 m en bois) pourvu de 22 comptoirs répartis autour d’une allée centrale ;
- une seule issue (porte-battante) ;
- un plafond goudronné ;
- un public trop nombreux (1 200 per sonnes), essentiellement composé de femmes dont la toilette de l’époque était extrêmement inflammable et rendait la fuite particulièrement malaisée.
Cet incendie, qui aurait causé la mort de 126 personnes (118 femmes, 6 hommes) et fait 200 blessés – les chiffres varient selon les sources – constitue un cas d’école tant on y retrouve une accumulation de facteurs aggravants.
L’erreur : revenir sur ses pas
Dans ce cas comme dans bien d’autres, le temps qui s’écoule entre la perception d’une anomalie et une réaction doit être extrêmement réduit. Un mauvais choix peut mettre en péril sa propre vie ou celle des autres.
Très souvent, les personnes cherchent à revenir sur leur pas pour emprunter le chemin qu’ils ont suivi pour venir. Dans l’incendie du Bazar, le feu a débuté à l’extrémité du hangar, sous un appentis qui abritait le cinématographe. De ce côté, le hangar donne sur une cour intérieure. Or, nombreux sont les spectateurs qui, pourtant à proximité immédiate de la cour, cherchent à fuir par la porte d’entrée, déjà encombrée, générant ainsi panique, piétinements, bousculades… En revanche, quelques autres s’enfuient par la cour intérieure et, avec l’aide de deux personnes extérieures, descellent des barreaux et s’échappent par cette nouvelle issue.
Autre exemple, lors de l’incendie du stade de Bradford le 11 mai 1985 (56 morts, 260 blessés) tout se passe en moins de cinq minutes. Selon l’enquête, un mégot a allumé les détritus accumulés sous les gradins en bois. Les pompiers avaient d’ailleurs signalé le risque la semaine précédente. La plupart des spectateurs ont fui en franchissant le mur qui les sépare du terrain, mais les enfants et les personnes âgées sont revenus sur leurs pas et ont cherché à fuir par l’entrée. Les grilles de celles-ci étaient verrouillées pour éviter les resquilleurs. C’est là que la plupart des victimes ont été retrouvées (lire l’encadré «Foules et foot»).
Quant à l’incendie du théâtre Ring à Vienne en 1881, sur les 899 morts, 180 se sont défenestrés.
Issues bloquées
Pris séparément, les différents facteurs ne conduisent pas systématiquement au drame mais il suffit que deux d’entre eux soient réunis pour aboutir irrémédiablement à un bilan humain important. Et ce sont souvent les mêmes, ce qui fait dire que l’histoire se répète.
Prenons l’incendie de la discothèque le « 5-7 » à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), le 1er novembre 1970 (voir schéma ci-dessous). Deux issues de secours sont cadenassées pour éviter les resquilleurs, une première sortie est étroite, une seconde dispose de deux tourniquets bloqués dans le sens de la sortie. L’ancien hangar a été aménagé en piste de danse grâce à l’emploi massif de polyuréthane en partie supérieure de la salle et pour les décors. 146 personnes décèdent. Selon l’enquête, l’installation de chauffage est à l’origine du départ de feu.
Sept ans plus tard aux États-Unis, l’incendie d’une discothèque de Southgate (Kentucky) conduit à la mort de 164 personnes et fait 130 blessés, la découverte tardive du foyer et l’évacuation désordonnée des occupants sont compliqués par la propagation du feu dans les plafonds suspendus.
10 août 1903, à la suite d’un court-circuit dans le métro parisien, le chauffeur demande aux voyageurs d’évacuer, mais l’un d’eux demande qui va rembourser les billets. D’autres le suivent pour interroger le chauffeur. 84 morts.
Le 20 février 2003, un concert est donné sur la scène du Station Nightclub (Rhode Island). Les images sont impressionnantes, le document exceptionnel. Au moment d’un riff de guitare, des feux d’artifice se déclenchent et enflamment immédiatement des cloisons de polyuréthane.
Tout le monde n’a pas réalisé et continue de danser. Après 30 secondes, les flammes ont atteint le plafond. Mais le groupe joue toujours. Le vidéaste amateur se dirige vers la sortie. L’alarme s’est bien déclenchée. La fumée est d’ailleurs très abondante, chaude et noire. Les sorties sont mal dimensionnées pour l’effectif du concert. Surtout, là encore, la plupart cherche à fuir par l’entrée. Une cohue se crée. À l’extérieur, on tire les corps qui s’entassent les uns sur les autres pour sortir de la fournaise.
La séquence dure moins de dix minutes. À l’arrivée des pompiers, il est trop tard. Le bâtiment, en proie aux flammes, s’effondre. 100 personnes trouvent la mort, la plupart asphyxiées.
1er août 2004, incendie d’un centre commercial d’Asunción (Paraguay). Le responsable du centre bloque les issues de secours pour éviter que les clients ne sortent sans payer. 464 morts.
Au CroMagnon Republica Club de Buenos Aires (Argentine) le 30 décembre 2004, c’est de nouveau le même scénario : inflammation de la scène puis du plafond, qui dispose d’un revêtement acoustique à base de nylon. Des gouttes enflammées, moins de 60 secondes après le départ de feu, tombent sur le public. Une fumée épaisse emplit la salle. Une difficulté de plus : près des toilettes femmes, une crèche est installée si bien que certains fuient vers la sortie, d’autres cherchent leurs enfants. Confusion, cris, panique, bousculade. 194 morts plus de 700 blessés.
Trop de monde à l’intérieur
Enfin plus récemment, le 5 décembre 2009 en Russie. La soirée bat son plein au Khromaya Loshad (« le cheval boiteux »), un amateur filme la scène. Un feu d’artifice est tiré. Il enflamme immédiatement le plafond munis de décors en plastique. Epaisses fumées noires. Encore un effectif trop important, des multiples combustibles dans la salle, trop peu de sorties. Et quand elles existent, elles sont encombrées par des caisses où les portes battantes ne sont qu’à demi ouvertes. Plus de 150 morts et autant de blessés graves.
Les leçons à tirer
De tous ces drames, que retenir ? Tout d’abord qu’il est essentiel de réaliser une analyse de risque avant chaque événement pour anticiper au mieux. Celle-ci doit être supervisée par une seule personne qui maîtrisera l’ensemble des aspects sécurité et sûreté et sera l’interlocuteur privilégié des autorités publiques.
Pour conduire à bien l’analyse de risque, le responsable doit avant tout être informé et prendre en compte les signaux faibles – avant, pendant et après l’événement – qu’il s’agisse de signaux venant de la foule ou de l’environnement. Être informé signifie connaître le public, sa typologie, l’effectif prévisible, ses habitudes, son comportement probable : le public d’un concert n’est pas le même que celui d’un match de football.
Ensuite comme l’anticipation a ses limites, il faut, autant que possible, éliminer tous les obstacles – qui peuvent se transformer en pièges (goulot d’étranglement, mobiliers, disponibilités des dégagements) – et si possible réguler les flux. Cela demande un dosage précis et du sang-froid. Interdire l’accès parce que l’effectif est atteint peut conduire à des débordements…
On le voit, rien n’est simple. Cela suppose une organisation conséquente et des moyens techniques, mais surtout humains importants en particulier pour assurer une communication efficace entre les services de l’organisation et avec le public.
David Kapp – Journaliste
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