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Résidences d’altitude : des feux à haut risque
Les feux d’immeubles habitations en stations d’altitude sont le cauchemar des gestionnaires, des collectivités et bien sûr des services de secours. Fin 2008, deux incendies, à Avoriaz et Val-d’Isère, pourraient servir d’alertes salutaires.
En cette fin d’après-midi (16 h 10) du 30 décembre 2008, l’activité est encore intense sur les pistes. Dans la station, au centre d’intervention, l’équipe de garde s’entraîne devant la remise, lorsqu’un témoin britannique vient signaler un incendie au « Snow », résidence imposante bien connue des sapeurs-pompiers. Effectivement, alors qu’un panache s’élève au-dessus de la station, de très nombreux appels parviennent au centre de traitement de l’alerte.
Les deux engins spécifiques chenillés de la station, (une pompe et un engin sanitaire) sont sur zone en quelques minutes, abordant l’immeuble, à flanc de pente, par son accès principal inférieur.
Ce n’est qu’en contournant la résidence que l’on découvre l’incendie : les flammes ravagent, à partir du 9e étage (qui se trouve au niveau du champ de neige en raison de la déclivité), un volume ouvert sous l’immeuble et un appartement. La propagation s’effectue de balcon en balcon jusqu’au sommet de l’édifice, cinq étages plus haut.
Alors que les pompiers s’engagent sous Appareil respiratoire isolant (ARI) dans les longues coursives pour atteindre l’appartement le plus menacé, des dizaines d’occupants quittent les lieux chargés de leurs bagages et remontent à contrecourant. Et comme les escaliers en colimaçon sont étroits, les pompiers sont gênés dans leur progression.
Conjointement, une seconde lance est établie de plain-pied à flanc de pente, face au feu, permettant de temporiser l’incendie qui se développe sur la façade couverte de bois décoratif de type bardage.
De Morzine, d’Annemasse, de Thonon, des Gets, de Cluses, des engins partent en renfort, alors que deux hélicoptères (Sécurité civile et Gendarmerie) rejoignent préventivement la zone.
Engin pompe chenillé d’Avoriaz.
60 occupants à reloger
Si l’incendie ne se développe pas par les circulations intérieures, qui s’enfument toutefois, il saute de balcon de bois en balcon de bois pour atteindre la toiture multicouche et met à jour, derrière les panneaux de bois carbonisés, des plaques isolantes de polystyrène !
Stoppé d’urgence sans que l’on sache pourquoi, le télésiège, qui frôle à une dizaine de mètres la façade, voit une partie de ses occupants plongés dans le panache de fumée sans pouvoir s’échapper. La remise en route rapide de l’engin permettra de récupérer plus loin deux usagers intoxiqués qui seront conduits en milieu hospitalier.
Les secours se répartissent maintenant sur les routes inférieure et supérieure encadrant la résidence. 150 « impliqués » sont regroupés à la salle des festivals de la station.
A partir du champ de neige, une troisième lance est établie en protection de la façade.
A 17 h 42, le feu est déclaré éteint, mais une grosse opération de dégarnissage est engagée.
On procède à l’investigation de sept appartements touchés à des degrés divers par le feu et les fumées, ainsi qu’à la vérification d’une trentaine d’autres. Soixante occupants environ sont à reloger. Sept appartements sont détruits et neuf partiellement touchés à partir de la façade.
C’est à 20 h 30 que les opérations actives de lutte prennent fin, sous le regard des centaines de résidants massés au pied de l’immense barre dont 4 à 500 m² de revêtement de façade et de balcons sont calcinés.
A Avoriaz, le parc est vieillissant. Il a été construit vers la fin des années 60, avant l’élaboration de la réglementation sur les immeubles d’habitations de 4e famille et ne peut être remis à niveau qu’en cas d’opérations de réhabilitation (des frais que les propriétaires de studios peinent à assumer).
Ces constructions partent déjà avec le handicap traditionnel inhérent au lieu : façades inaccessibles aux engins de sauvetage, forte déclivité, conditions météo rallongeant les délais d’intervention l’hiver (souvent pas de renfort de la vallée avant 1 heure), emploi généralisé du bois décoratif… Il faut ajouter le turn-over des occupants des résidences hôtelières, semblable à celui d’un hôtel, et les problèmes linguistiques, la méconnaissance des lieux, une sur-occupation des studios. Mais pour autant, l’édifice n’est pas soumis à la réglementation régissant les Établissements recevant du public (ERP) de type O (hôtels) bien qu’il en rassemble plusieurs caractéristiques.
Ces immeubles s’apparentent parfois, comme ici, à une sorte de « navire » gigantesque de plusieurs centaines de mètres de long et de 12 à 15 étages, échoué à flanc de pente, en pleine neige, dont la base est constituée de galeries couvertes remplies d’ERP, dans lesquelles débouchent escaliers et ascenseurs desservant les étages.
Un facteur humain non négligeable
Dans ces barres, pas de colonne sèche, un compartimentage des coursives approximatif, un désenfumage qui ressemble plus à de l’aération…
Le bardage décoratif de bois recouvre une isolation extérieure de plaques de polystyrène.
Nous avons mis l’accent, à propos d’autres sinistres (Neige et feu à Val Thorens, Face au Risque n° 417, novembre 2005), sur le risque présenté par l’isolation thermique par l’extérieur, souvent réalisée par des plaques de polystyrène sous le revêtement décoratif de façade. Bien que la réglementation ne permette pas à ces revêtements de démarrer au niveau du sol mais à quelques mètres, un feu de voitures, d’encombrants ou de conteneur est à même de déclencher un spectaculaire feu de façade aux conséquences imprévisibles.
On décrit, dans les stations, des bandes souvent éméchées de toutes nationalités, qui seraient à l’origine d’un nombre grandissant de départs de feux de ce type. Le bâtiment, siège du feu d’Avoriaz, confirme la règle et recouvre tous les maux décrits.
Il semble que le volume existant sous la dalle et d’où serait parti le feu serve de lieu de rendez-vous aux jeunes, en même temps que de dépôt d’encombrants, matelas, bois, cartons… Plus bas, au pied du bâtiment, sous un de ces volumes, a été aménagé un local de bois, à l’accès libre à tous, empli de poubelles,
d’objets divers, et qui se trouve surmonté d’une bonne trentaine de mètres de façade de bois hérissée de balcons à la même combustibilité.
On n’ose imaginer un départ de feu de nuit…
Un précédent à Val-d’Isère
Avoriaz n’est toutefois pas plus dangereuse que ses consœurs. Le 11 octobre dernier, à Val-d’Isère, alors que la neige est encore absente, un incendie éclate dans une résidence de plus de 100 m de long comprenant 105 appartements sur onze étages et construite avant 1970. Pas de colonne sèche, pas de désenfumage des cinq à six escaliers. Une quinzaine de résidants seulement sont alors présents.
Le feu, peut-être parti d’un sauna (un court circuit entraîné par un écoulement d’eau), éclate vers 7 h 30. Il ravagera, avec des pics spectaculaires, les étages supérieurs de la résidence jusqu’à…19 h et ne sera déclaré éteint qu’à 10 h le lendemain matin ; une durée extrêmement rare dans un feu d’immeuble habitations. Entre 8 h 30 et 9 h 00, deux
A Val d’Isère, en octobre dernier, le feu d’immeuble a nécessité l’intervention de trois échelles pivotantes automatiques.
explosions de fumées auront lieu sans occasionner de victimes.
Les étages supérieurs de la résidence ravagés par les flammes.
L’eau ne manquant pas en général en station, c’est un débit de 5 000 l/mn qui sera délivré au plus fort, avec l’emploi de lances du haut de trois EPA (échelles pivotantes automatiques), une seule face du bâtiment étant accessible aux engins de sauvetage.
90 appartements seront ravagés par les flammes, les eaux d’extinction et la partie du sommet de l’édifice qui s’est effondrée.
Outre le bois des façades, les surplombs facilitant la montée du feu et les toitures multicouches où le feu progresse sans être accessible, la présence de prises d’aération en façade a favorisé la propagation anarchique des fumées puis des flammes à l’intérieur des appartements.
Rappelons-le, ces deux feux sont survenus de jour et en période de moindre occupation.
Désigner la dangerosité de certains édifices anciens d’une station fait craindre à ses gestionnaires et aux élus l’impact d’une image économiquement négative. Elle sera en tout cas bien moindre que l’impact de la catastrophe crainte et annoncée depuis des décennies par les services de secours qui, pour leur sauvegarde et celle des populations qu’ils ont la mission de protéger, tirent inlassablement les sonnettes d’alarme à tous niveaux sans être forcément entendus. Puissent ces quelques « alertes sans frais » renforcer encore leurs arguments.
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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