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Feu de chambre meurtrier dans une maison de retraite
Trois morts, quatre personnes intoxiquées, un lourd bilan pour ce feu de chambre dans une maison de retraite, qui rappelle l’importance de garder les portes fermées après découverte du sinistre.
La maison de retraite de Contes, dans les Alpes-Maritimes, implantée en zone semi-rurale, est composée d’un bâtiment rectangulaire de trois niveaux, construit à flanc de pente, et de deux petites dépendances. La résidence du directeur est contiguë. Construit il y a une quarantaine d’années, le corps principal est édifié avec des matériaux traditionnels, les murs de façade et les cloisons sont en maçonnerie, les planchers en béton, la charpente en bois et la toiture à double pente est couverte de tuiles mécaniques.
Les trois niveaux sont desservis par un escalier encloisonné (portes coupe-feu asservies) et un ascenseur. Les espaces de vie : salon, salle à manger, cuisines et bureau du directeur, se trouvent au rez-de-chaussée. Les premier et deuxième étages abritent respectivement neuf et huit chambres, distribuées de part et d’autre d’un couloir central. Ces chambres, le plus souvent à deux lits, permettent d’accueillir au total 26 pensionnaires. Seule la façade sur rue est accessible aux échelles aériennes, la face arrière dispose d’une sortie à chaque étage, de plain pied, du fait de la déclivité du terrain.
Le 16 mars vers 5 h 30, alors qu’elle prépare les petits déjeuners dans la cuisine du rez-de-chaussée, l’auxiliaire de vie est alertée par la sirène d’alarme incendie. Parvenue sans difficulté au deuxième étage, elle découvre une pensionnaire âgée de 96 ans sur son lit en feu. Malgré l’épaisse fumée qui envahit la chambre, elle parvient à extraire la seconde occupante de son lit, placé près de la fenêtre, et la traîne dans le couloir. Puis elle alerte les pensionnaires des chambres les plus proches, les enjoignant de se regrouper sur le balcon. La fumée a maintenant envahi le couloir. L’auxiliaire de vie doit battre en retraite et alerter les secours. Six minutes seulement se sont écoulées.
(1) 5 h 29. L’employée qui prépare les petits déjeuners au rez-de-chaussée entend l’alarme.
(2) Au deuxième étage, elle découvre un incendie dans une chambre.
(3) Elle parvient à tirer l’une des occupantes hors de la pièce et la dépose dans le couloir.
(4) Elle alerte les pensionnaires les plus proches. Trois d’entre eux se réfugient sur un balcon.
(5) Elle redescend dans le hall d’accueil pour alerter les pompiers, à 5 h 35.
Prévenu à 5 h 35, le CIS de Contes, à 7 km, dépêche sur les lieux un engin-pompe, un VSAV (véhicule de secours et d’assistance aux victimes) et l’officier de garde. Malgré la déclivité et la sinuosité de la route, ils seront sur place en une quinzaine de minutes. Si des lueurs d’incendie éclairent la fenêtre du deuxième étage, aux vitres encore intactes, la fumée épaisse qui s’échappe de trois fenêtres du même niveau et les pensionnaires regroupés sur le balcon indiquent la gravité de l’intervention : le niveau est probablement totalement enfumé.
5 h 49 : « feu dans la chambre avec personnes à l’intérieur au niveau du 2e étage. Renfort engin-pompe, échelle et VSAV. » A l’ouverture des portes coupe-feu de l’étage en feu, à l’entrée du couloir long d’une douzaine de mètres, un mur d’épaisse fumée se dresse devant les sauveteurs. Lorsque l’intensité du feu diminue, ils vont alors, sous ARI, arracher chaque pensionnaire réfugié sur le balcon pour d’abord les regrouper sur le palier de l’escalier encloisonné et désenfumé, avant de les conduire dans le hall. Conjointement, un binôme d’attaque atteint le bout du couloir et une lance repousse les flammes qui s’étaient déjà propagées hors de la chambre. Elles s’échappent aussi par la fenêtre. Le feu est assez vite maîtrisé, mais la fumée subsiste et l’évacuation totale de l’établissement se poursuit.
A mesure que se présentent les moyens d’évacuation, cinq des treize pensionnaires initialement présents à l’étage sont dirigés vers un hôpital de Nice. Les six restants sont provisoirement placés dans deux maisons de retraite voisines. A 6 h 30, le feu est maîtrisé après avoir ravagé en totalité la chambre, et causé de gros dommages dans le couloir. Trois chambres, dont les portes ont été ouvertes, sont détériorées par la fumée. Aucun dommage n’est constaté dans les combles coiffant la zone sinistrée. Le bilan au matin s’élève à deux personnes décédées : les pensionnaires occupant la chambre (dont celle évacuée dans le couloir), alors que l’une des cinq victimes intoxiquées est placée en caisson hyperbare. Elle décédera le 22 mars, portant le bilan final à trois morts et quatre personnes intoxiquées. Les opérations de secours ont pris fin à midi.
Origine du sinistre : plusieurs hypothèses
Entre le déclenchement du détecteur et l’appel des secours, c’est-à-dire six minutes, l’employée a tenté le maximum. Elle a traversé la chambre où ronflait le feu pour tirer une pensionnaire de son lit et la traîner avec difficulté hors de la pièce où l’on ne voyait déjà plus rien. Puis, alors que la fumée envahissait le couloir, elle a alerté le maximum d’occupants dont certains se sont regroupés, à l’abri, sur le balcon. Ne pas aller trop loin, c’est toute la difficulté. Dans des scénarios similaires, une infirmière et une aide-soignante ont péri en effectuant un aller-retour de trop. De plus, il faut penser à refermer les portes derrière soi.
L’établissement, où la commission de sécurité était passée en 2004 (avis favorable), est bien tenu et surveillé par un SSI (système de sécurité incendie). En cas de sinistre, il alerte et déclenche le compartimentage et le désenfumage. Lors de l’incendie, les trappes de désenfumage se sont bien ouvertes dans le couloir du deuxième étage, mais le moteur de désenfumage n’a pas démarré. L’enquête en cours permettra d’en trouver la cause.
L’origine du feu pourrait être l’échauffement du moteur électrique du lit médicalisé sur lequel se trouvait la pensionnaire, c’est l’une des hypothèses. L’appui prolongé sur la télécommande, dans le cas par exemple où la malade est couchée sur cette dernière, aurait-il pu conduire le moteur, parvenu en fin de course, à chauffer puis enflammer la literie ? Si l’enveloppe des matelas est classée M1, les draps et couverture ne bénéficient pas de ce même classement et peuvent ainsi alimenter un début d’incendie. Cette cause avait d’ailleurs déjà été relevée dans un autre incendie d’établissement de soins. Tous les lits de la maison de retraite avaient été livrés neufs en 2005. Encore une fois, l’enquête en cours permettra de retenir ou non ce qui n’est encore qu’une hypothèse.
Un partenariat actif des services publics et privés pour éviter la fermeture
Dans la grande majorité des cas, c’est la fumée qui tue. Le compartimentage horizontal et vertical est la première mesure propre à limiter l’étalement des fumées épaisses et toxiques. Ferme-portes aux chambres, portes coupe-feu recoupant couloirs et escaliers asservies – on voit de moins en moins de portes bloquées par des cales grâce à ce système – permettent de limiter la propagation des fumées donc les intoxications, à l’exception bien sûr des occupants de la chambre à l’origine du feu.
Tout se joue, dans ce type d’incendie, dans les premières minutes. La nuit représente une période sensible du fait de la réduction de personnel. Les sapeurs-pompiers proposent, en fonction de critères tels que le nombre de pensionnaires, le nombre d’étages, la taille de l’établissement, de dimensionner réglementairement une surveillance nocturne active, avec rondes régulières, par exemple.
Il faut tenir compte de l’âge des pensionnaires, qui peut être un facteur aggravant. Combien de personnes très âgées ont la force de pousser une porte munie d’un ferme-porte, combien ne supportent pas de dormir porte fermée… Leur chambre est souvent leur univers restreint qu’ils ne veulent pas quitter, même en cas d’incendie. Certains s’accrochent à leur lit, ou ne veulent pas sortir avant d’avoir mis leurs chaussons. Une pensionnaire avait une fois accueilli le pompier qui venait la sauver avec une lourde clé à molette cachée sous son oreiller ! Nombre d’entre eux sont sous somnifère et peu réactifs. Il est rare de constater dans ces établissements des mouvements de panique en cas d’incendie. Il y a plutôt un lourd silence des pensionnaires, qui étonne les sauveteurs.
A Contes, l’incendie a éclaté au dernier étage du bâtiment, mettant à l’abri les occupants des niveaux inférieurs et limitant les conséquences verticales de l’enfumage. Les dégâts sont strictement limités au deuxième étage. Il n’y a même pas de dégâts dus aux eaux d’extinction aux niveaux inférieurs.
Bien que la chambre soit équipée d’un détecteur de fumée, celle-ci avait pourtant complètement envahie la chambre au moment de l’arrivée de l’employée, et l’un des deux lits brûlait déjà. L’incendie a t-il couvé sans fumée avant d’éclater brutalement, ou le premier détecteur déclenché n’était pas celui de la chambre, mais du couloir ?
Afin de réduire au minimum l’impact du sinistre sur les pensionnaires et les conséquences économiques d’une fermeture administrative, la commission de sécurité se réunit dans l’après-midi, après que l’installateur du SSI et
Le couloir du deuxième étage.
le bureau de contrôle ont vérifié la bonne marche du système. Le désenfumage, réactivé, fonctionne normalement, et des détecteurs de fumée provisoires sont même installés dans le couloir du niveau sinistré, désormais isolé. Cette réactivité exceptionnelle des services publics et privés permet, au soir de l’incendie, d’accueillir de nouveau tous les pensionnaires du premier étage, et de permettre la poursuite de l’activité dans un établissement aux normes. Neuf emplois sont sauvés.
L’auteur remercie le Lieutenant-colonel Genoveze, préventionniste du Sdis 06, le Lieutenant Binaud, chef de corps du CIS de Contes, ainsi que le directeur des « Camélias ».
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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