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ERP et IGH : sinistres historiques
Les grands sinistres survenus durant le dernier demi-siècle dans les établissements recevant du public (ERP) et immeubles de grande hauteur (IGH) ont bien souvent été à l’origine de renforcements de la réglementation.
Véritable « chemin de croix » de la prévention, au cours duquel la réglementation et les mesures de prévention se sont affinées et adaptées, voici quelques-uns des sinistres les plus significatifs des quarante dernières années, survenus dans les établissements recevant du public (ERP) et les immeubles de grande hauteur (IGH).
Pratiquement tous ces sinistres soulignent la défaillance d’un ou plusieurs des concepts de base de la prévention :
- insuffisance de compartimentage pour tous;
- emploi de matériaux combustibles très fumigènes;
- insuffisance de sorties de secours (Bruxelles, Barbotan ou Saint-Laurent-du-Pont).
Comme on le constate régulièrement, c’est la fumée qui tue, parfois loin du feu, faute de compartimentage et de désenfumage. D’ailleurs, la fumée dégagée par l’inflammation de certains matériaux de synthèse peut tuer en quelques inspirations. Elle est de plus génératrice de phénomènes thermiques difficiles à anticiper et potentiellement destructeurs. L’examen minutieux des catastrophes d’hier est un des axes qui a permis de bâtir la prévention d’aujourd’hui, tout en tentant d’anticiper les risques de demain. La course au gigantisme, illustrée par la surenchère de hauteur dans les IGH, pourrait ouvrir un nouveau front.
Les grands feux de théâtres (Opéra comique, 1887 ; Comédie française, 1781 et 1900), de grands magasins, d’expositions (Bazar de la Charité, 1897), de transports (métro station Couronnes, 1903) ont très tôt démontré la nécessité de mettre en adéquation le nombre d’occupants ou de spectateurs et les possibilités d’évacuation rapide. Le défaut de stabilité au feu des bâtiments, supérieur au temps d’évacuation, bien sûr, le mauvais choix des matériaux, générateurs de fumées et propagateurs de flammes, les carences dans la répartition, le dimensionnement et la signalisation des issues de secours ont été notamment révélées lors de l’incendie du dancing Cinq-Sept à Saint-Laurent-du Pont. Cet incendie fut à l’origine du décret n° 73.1007 du 31 octobre 1973.
Magasin « À l’innovation » à Bruxelles,
dernier grand feu de grand magasin du XXe siècle en Europe
En plein Bruxelles, ce 22 mai 1967 (cf. Face au Risque n° 42, 4e trim. 1967), une braderie sur le thème des États-Unis bat son plein, avec son cortège de décorations légères.
Le feu éclate alors dans une petite réserve du 1er étage. Le bâtiment, constitué au fil des ans par le regroupement d’immeubles divers, est mal compartimenté. Faux-plafonds non recoupés, proximité d’escaliers non encloisonnés, alarme mal perçue, tous les ingrédients sont réunis. Le sinistre bascule en moins d’une demi-heure en une catastrophe épouvantable, sous les yeux d’une foule pétrifiée qui remplit les rues du quartier le plus commerçant de la ville. L’action des sauveteurs sera exemplaire, malgré la démesure de l’événement face à leurs moyens.
Absence de détection, d’extinction automatique et de compartimentage, énormité du potentiel calorifique, décoration combustible, avec en prime une polémique sur la perception du système d’alarme et l’action du service de sécurité, conduisent au terrible bilan de 323 morts et 150 blessés ! Et pourtant, l’imprécision de la réglementation incendie de l’époque, datant de 1947, fait que le magasin est en règle… tant cette dernière est peu contraignante.
Après ce véritable électrochoc, une réglementation incendie « moderne » dédiée aux ERP ne tardera pas à voir le jour. Parmi les dispositions, les grands magasins seront obligés de disposer d’un système d’extinction automatique à eau.
Dans un même ordre d’idée, il faut aussi rappeler l’incendie du quartier Chiado de Lisbonne en août 1998 qui avait impliqué plusieurs immeubles et ERP, imbriqués dans un tissu urbain dense.
Le Cinq-Sept,
discothèque à Saint-Laurent-du-Pont (Isère)
1er novembre 1970. La discothèque est un grand hangar agricole transformé par ses propriétaires en bar-restaurant-dancing. Sa réputation justifie un service de ramassage des jeunes en cars, de l’Isère à la Savoie. On y entre après avoir franchi des tourniquets d’acier. On peut en sortir en principe par des portes de secours, mais ici elles sont cadenassées à cause des resquilleurs !
Si l’origine du sinistre fut attribuée au système de chauffage, bricolé par les propriétaires, qui a enflammé du contreplaqué, l’élément aggravant fut la présence massive de polyuréthane projeté en partie supérieure de la salle. Ce qui a entraîné une propagation fulgurante, une production abondante de fumée asphyxiante et une pluie de gouttes enflammées sur les clients (dont beaucoup portaient des vêtements en fibres synthétiques).
Devant l’impossibilité d’ouvrir les portes de secours, la foule tente logiquement de s’échapper par où elle est entrée. Une centaine de corps seront retrouvés contre les tourniquets bloqués !
Les pompiers de la commune n’eurent malheureusement pas à combattre un gros sinistre. Le drame était consommé à leur arrivée et l’incendie régressait déjà.
L’ouverture de l’établissement avant autorisation, une réalisation non conforme à celle présentée au permis de construire, le verrouillage des issues de secours et surtout l’emploi massif d’un matériau très inflammable (le polyuréthane) dans un lieu public, ont conduit sur les bancs de la justice le maire, l’exploitant survivant (les 2 autres avaient péri), les installateurs de chauffage et le fournisseur du polyuréthane ! Dans les semaines suivantes, des dizaines de discothèques furent inspectées et fermées.
La réglementation, à l’appui de cette terrible catastrophe de 146 morts, s’est précisée, notamment au niveau des dégagements de secours et de l’emploi des matériaux plastiques dans les ERP.
CES Pailleron, Paris
Le 6 février 1973, lorsque les pompiers se présentent vers 19 h 50 devant ce collège à structure acier de 1 200 m² sur 4 étages, ils doivent arracher aux fenêtres du 3e étage une vingtaine d’élèves et leur professeur alors que l’établissement, totalement enfumé, est progressivement gagné par un violent incendie.
Malgré la douzaine de lances déployées, à 20 h 10, le collège s’effondre en son centre découvrant, comme un jeu de construction, les éléments modulaires et rougis, jusqu’aux façades. On semble être passé près de la catastrophe ! À 20 h 50, les secours sont maîtres du feu et à 21 h 30, il est éteint.
Malheureusement, en progressant dans les ruines de ce mécano instable, les pompiers vont bientôt buter sur l’horreur. 16 petits corps et 4 adultes sont amassés au rez-de-chaussée, sur ce qui était la terrasse de la cour intérieure avant qu’elle ne s’effondre.
Le jeune incendiaire, qui avait allumé une corbeille à papier, ne savait pas qu’il y avait classe de musique ce soir-là…
Quelle que soit l’origine de l’incendie, la faible résistance au feu du bâtiment a été immédiatement pointée du doigt, ainsi que son mode de construction modulaire rapide, qui répondait pourtant à une forte demande des années 1960. Une vaste campagne de réhabilitation et de mise en sécurité des établissements similaires a été alors engagée, malgré la difficulté à compartimenter, après enlèvement du polystyrène, les multiples espaces creux existant dans les structures.
Ce sinistre a contribué à l’évolution rapide de la réglementation ERP (cf. Face au Risque n° 93, mai-juin 1973). Encore régulièrement, des CES dits « Pailleron » disparaissent, volontairement ou non, dans les flammes, parallèlement aux opérations de remise à niveau ou de démantèlement.
Thermes de Barbotan, Gers
Le 27 juin 1991, alors que les curistes suivent des soins dans le secteur des piscines, une entreprise procède à des travaux d’étanchéité de la toiture-terrasse dans cette partie de l’établissement thermal. La maladresse d’un ouvrier, renversant un seau de bitume liquide, va révéler une série de manquements aux règles de sécurité qui vont conduire au drame des thermes de Barbotan.
Par un orifice percé dans la dalle, du bitume enflammé s’écoule sur une cloison provisoire emplie de polystyrène expansé. Gagnant les cloisons voisines par effet de mèche, l’incendie se propage au niveau du faux-plafond, duquel va « pulser » une fumée épaisse aux effets mortels dans les locaux. La disposition de ces derniers, véritable labyrinthe sans ouverture sur l’extérieur, va entraver les reconnaissances des sapeurs-pompiers.
Vingt curistes et une employée vont périr asphyxiés.
Emploi de matériaux avec un mauvais comportement au feu, absence d’issues de secours dans la zone sinistrée (on en trouve 60 m plus loin !), mauvaises conditions d’alerte, absence de recoupement des faux-plafonds, de système de désenfumage et de détection, de signalisation et d’exercice d’évacuation, ouverture au public avant délivrance de l’autorisation d’exploitation, la liste est longue…
L’éventail des condamnations sera lui aussi large, allant de l’ouvrier maladroit à l’architecte, le chef de chantier, en passant par le maire, qui n’avait pas convoqué de commission de sécurité. Enfin le secrétaire général de l’établissement. Le couperet s’arrêtera au niveau des préfets en fonction à l’époque des travaux.
Stade de Furiani, Corse
Le 5 mai 1992, sur l’Île de Beauté, la rencontre de football s’annonçait inoubliable. Mais justifiait-elle que l’on fasse rapidement passer la capacité d’un stade de 8500 à… 18 000 places, par la magie d’une tribune provisoire ? Erigée sans plans en 10 jours elle s’effondrera en une poignée de secondes.
Pourtant, les signes précurseurs ne manqueront pas ! 1 h 30 avant le coup d’envoi, les supporters investissent la tribune haute d’une quinzaine de mètres. Battements de pieds et frénésie de la foule font tanguer la structure, inquiétant les responsables de la sécurité. « Ça tangue comme sur un bateau », dira à l’antenne un journaliste. À 20 h, la tension monte alors que les joueurs entrent sur le terrain. Dessous, les techniciens s’affairent à consolider la base de la tribune.
C’est en direct, à la télévision, que l’on verra les dernières rangées de spectateurs disparaître du haut de la tribune : plus de 4 000 personnes, dont 2 357 seront blessées et 18 tuées, se retrouveront enchevêtrées dans un « mikado » d’acier. À 1 h du matin, le plan rouge est déclenché : du PMA (poste médical assisté), installé sur la pelouse, s’instaure une noria d’hélicoptères vers les hôpitaux du continent. À 7 h du matin, le dernier blessé est hospitalisé.
Les responsabilités seront multiples : les organisateurs de la rencontre demandant l’impossible à une société qui relève le défi (une première avait refusé le chantier), des organismes de contrôle dont la mission est de contrôler… la résistance du sol, une commission de sécurité qui ne demande que quelques aménagements (hormis les sapeurs-pompiers qui émettent les plus grandes réserves) et un préfet qui sera promu ailleurs huit jours après l’événement.
À la suite de cette catastrophe, les compétences des commissions de sécurité seront déterminées et clarifiées.
Hôpital psychiatrique à Bruz, près de Rennes
Le 25 juin 1993, dans un ancien moulin reconverti en hôpital psychiatrique, un corps de bâtiment de trois étages est livré aux flammes suite au geste malheureux d’un patient (cf. Face au Risque n° 296, octobre 1993).
Si trois victimes, dont une infirmière, périssent dans ce bâtiment à forte dominante bois, le pire restera à découvrir : 14 victimes décédées par asphyxie dans les chambres du bâtiment contigu, datant lui des années 1960. En cause, l’absence d’une simple porte dans le couloir reliant les deux bâtiments de l’hôpital !
Tous les ingrédients du feu d’établissement hospitalier sont là : feu initial dans une chambre, débordement dans le couloir, générant une épaisse fumée. Le compartimentage des couloirs et escaliers fait ensuite la différence : s’il est défaillant, la fumée envahit les étages supérieurs où elle peut tuer en bien plus grand nombre qu’au voisinage du feu. Personnes âgées sous somnifère ou à mobilité réduite, patients souffrant de pathologies respiratoires, malades sous machine… représentent un élément aggravant classique.
Dans ce type d’établissement de soins, le blocage des portes coupe-feu en position ouverte a souvent été constaté, notamment la nuit, pour permettre à un personnel réduit de surveiller plusieurs services. La généralisation des portes coupe-feu à fermeture automatique asservie (dans la mesure où rien ne vient en gêner la fermeture !) représente une réelle avancée, leur ouverture permanente n’apportant pas de gêne à l’exploitation normale.
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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