La gare Saint-Lazare perd son système nerveux
Empruntant chemins de câbles et faux-plafonds, l’incendie se propage insidieusement du sous-sol au quatrième étage, détruisant les locaux et l’informatique de gestion de la régulation et de la billetterie.
Samedi 16 mars 2002, peu avant minuit, un début d’incendie est détecté dans une des chaufferies de la gare Saint-Lazare. Il est rapidement maitrisé par les pompiers. Mais, quelques instants plus tard, c’est à une centaine de mètres de ce premier point qu’est détecté un autre sinistre. Il prend très vite de l’ampleur et atteint l’un des points névralgiques de la région SNCF de Paris Saint-Lazare. Ce qui va affecter la régulation du trafic et la délivrance des billets pendant le week-end.
Pour ce second incendie, le sinistre en cause se trouve au sous-sol, dans un local de 40 m² environ ou sont entreposés les engins qui servent au nettoyage de la gare. S’il est isolé des petits locaux contigus par des murs de maçonnerie, ceux-ci sont percés en partie haute afin de permettre le passage de chemins de câbles. La recherche et la découverte du sinistre étaient délicates compte tenu de Ia configuration et de l’étendue des locaux à reconnaître.
Une demi-heure plus tard, deux petites lances sont en manœuvre, une troisième en cours d’établissement. Le feu est bientôt maitrisé. Les reconnaissances se poursuivent… Mais le feu est déjà en route vers les locaux du rez-de-chaussée bordant la Salle des Pas perdus. Progressant par les faisceaux de câbles électriques, téléphoniques et informatiques, l’incendie remonte dans des gaines de tôle et débouche bientôt dans l’un des six espaces de vente de la gare. Les locaux sont vite enfumés puis s’embrasent. Une épaisse fumée toxique envahit alors Ia Salle des Pas perdus pour s’accumuler sous les hautes verrières.
Un peu avant une heure, un renfort incendie est demandé. De nouvelles petites lances sont établies au niveau de la billetterie, tandis que des percées sont pratiquées dans la verrière pour permettre l’évacuation des énormes quantités de fumée. Une demi-heure plus tard, de nouveaux moyens de lutte sont demandés, ainsi que le GREP (Groupe de reconnaissance et d’exploration profonde). Les reconnaissances dans les étages supérieurs du bâtiment s’avèrent particulièrement difficiles.
Le feu a traversé la billetterie et quelques locaux attenants, sur 300 m². Il remonte maintenant en colonne dans les planchers et faux-plafonds le long du bâtiment administratif. Précédées d’une épaisse fumée noire qui masque leur progression et entrave les reconnaissances, les premières flammes apparaissent dans la gaine technique d’un couloir du premier étage. Des locaux techniques, emplis d’électronique et d’informatique situés derrière la gaine, sont envahis par une fumée grasse et corrosive.
Il est bien difficile aux porte-lances de lutter contre ce feu insidieux mal localisable. Pris en tenaille entre deux escaliers distants d’une centaine de mètres, il est contenu par des petites lances à chaque niveau, tandis que des équipes du GREP procèdent à l’évacuation des fumées et des gaz chauds dans les étages supérieurs ou un flash-over est toujours possible. C’est dans un local technique du Poste de commandement, au deuxième étage, que débouche le chemin de câbles en feu. Ce local sera complètement détruit, mais la propagation de l’incendie sera enfin stoppée à cet étage dans les faux-plafonds du couloir.
À 2 h 25, dix petites lances sont en manœuvre sur quatre niveaux et 160 sapeurs-pompiers mobilisés. Le bâtiment est largement ventilé à mesure que des équipes investissent les locaux. La fumée se déverse par les fenêtres en gros rouleaux sombres. Peu après 4 h, le feu est maitrisé, surveillé encore par quatre petites lances, alors que les moindres espaces sont inspectés à la caméra thermique. Le feu est déclaré éteint trois-quarts d’heure après. Il
Les pompiers ont dû casser les cloisons pour traquer les feux de câbles qui progressaient derrière.
reste toutefois placé sous haute surveillance jusqu’au dimanche 17 mars vers 10 h 30.
Près de 2 500 m² sur quatre niveaux ont été détériorés par le feu, la chaleur et les fumées. Cinq personnes parmi lesquelles trois sapeurs-pompiers, ont été légèrement intoxiquées.
Les hauts faux-plafonds abritent des kilomètres de câbles.
Plus de billetterie, plus de poste de commandement gérant le suivi des trains, plus de liaisons téléphoniques et informatiques internes ! Si 700 trains transitent le dimanche dans cette gare parisienne, près de 1 500 sont attendus dès le lundi, avec leurs 400 000 voyageurs. Afin de limiter les conséquences de l’incendie, qui risquent de peser de longues semaines sur l’activité de l’une des plus grandes gares d’Europe, une armée de techniciens envahit maintenant les lieux pour que les trains repartent au plus vite à l’heure.
Dès 6 h, le samedi matin, une première cellule de crise est activée. 120 informaticiens et spécialistes en télécommunication, 150 agents, portés bientôt à 250, vont être engagés jour et nuit sur tous les fronts : reconstitution d’un poste de commandement fonctionnant sans informatique, mais à l’ancienne, avec cartes et crayons, reconstitution d’un réseau téléphonique, basculement de l’activité billetterie sur une seconde, à l’autre extrémité de la gare, délivrance manuelle de billets sur
les quais grâce à un renfort de contrôleurs. Heureusement, l’incendie, survenu en début de week-end, a permis au système « artisanal » de se rôder sur deux jours de moindre trafic.
Outre les équipements détruits par l’incendie, de nombreux postes informatiques et équipements électroniques ont vu leurs composants agressés par la fumée corrosive et une opération de nettoyage d’envergure s’impose.
Sécurité incendie : la SNCF engage un audit des bâtiments
II est vraisemblable que la reconstruction du poste de commandement et de ses installations annexes bénéficiera de l’expérience du sinistre et qu’une réflexion sera engagée pour mieux protéger ces équipements vitaux. Un tel organe de commandement et de gestion doit voir ses câblages protégés lors de la traversée de locaux au potentiel calorifique important, ou mieux, les contourner. Les traversées de planchers et de cloisons doivent faire l’objet de la plus grande attention. II faut stopper l’effet de mèche constaté au cours de ces sinistres et recouper les volumes que l’on découvre sous les hauts plafonds de ces bâtiments du XIXe siècle. Peut-être faut-il envisager des protections ponctuelles dans ces différents locaux à risques, de type extinction automatique. Là aussi, des réflexions au niveau de la SNCF sont engagées pour un audit complet des bâtiments en matière de sécurité.
Si, samedi matin, 30 % du trafic était assuré, il était de 80 % en fin de journée. Le lundi, la SNCF annonçait un trafic a 100 %, emmaillé toutefois de quelques retards inévitables au regard de la situation après sinistre.
René Dosne
Lieutenant-colonel (rc), créateur du croquis opérationnel à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris
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